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Informations générales

Événement : 92e Congrès de l'Acfas

Type : Colloque

Section : Section 400 - Sciences sociales

Description :

L’effritement du tissu social, la précarité des services publics et les appels managériaux à la conformité confrontent bon nombre d’intervenant·es à des situations qui les placent aux frontières de leurs idéaux de pratique. Dans ce contexte, plusieurs d’entre elleux sont appelé·es à prendre des décisions qui entraînent un acte ou un sentiment de transgression envers les normes établies. Ces pratiques que nous qualifions de dérogatoires caractérisent le quotidien de plusieurs domaines d’intervention, par exemple de l’éducation, de la santé ou de l’intervention sociale et communautaire.

Les pratiques dérogatoires soulèvent des enjeux éthiques, légaux et professionnels complexes. D’une part, elles permettent une réponse plus flexible à des situations inclassifiables, mais, d’autre part, elles remettent en question l’autorité des normes établies et la légitimité même de l’intervention. Parallèlement, au cours des dernières décennies, les acteurs sociaux et sanitaires se sont vu conférer un important pouvoir discrétionnaire pour la mise en œuvre des politiques publiques (Lipsky, 2010). Un tel pouvoir place ces acteurs dans des contextes où une « pluralité de moralités » (Massé, 2017, p. 125) coexiste et se heurte, entraînant une reconfiguration, et parfois même une remise en question du sens et des registres d’action.

En pratique, plusieurs questions sont susceptibles d’émerger de ce constat, illustrant la pertinence d’une étude plus approfondie de la fonction, des risques et des conséquences associés aux pratiques dérogatoires : Comment les pratiques dérogatoires sont-elles justifiées ou contestées, sur le plan fonctionnel et symbolique? Pourquoi ces pratiques parfois essentielles au fonctionnement des institutions sont-elles réprimées par celles-ci, malgré des idéaux partagés? Comment préserver l’idéal de l’intervention en l’absence de conditions de travail adéquates? C’est à ces questions et à tant d’autres que ce colloque tente d’apporter différentes réponses.

Dates :

Format : Sur place et en ligne

Responsables :

Programme

Communications orales

Mot d’ouverture

Salle : D-4019 — Bâtiment : ETS - Bâtiment D
  • Communication orale
    La recherche en terrain sensible : une occasion de tracer les contours, les frontières et les usages des pratiques dérogatoires dans les milieux professionnels
    Pierre Pariseau-Legault (UQO - Université du Québec en Outaouais)

    À quoi, pourquoi et contre quoi cherche-t-on à s’opposer lorsqu’un acte dérogatoire est commis ? Cette question met en exergue la force normative d’actions régulièrement décrites par leur caractère transgressif. Pourtant, le point focal de la transgression reste ambigu et les pratiques qui y sont associées indéfinies. Ces pratiques suggèrent pourtant la remise en question de l’autorité symbolique de normes établies, de pratiques dominantes et de dynamiques oppressives. En outre, la dérogation peut alternativement référer à un sentiment ou une pratique s’éloignant, se rapprochant ou cherchant à protéger un idéal d’intervention. Cette présentation réalisera le bilan de dix années de recherches menées sur des terrains dits « sensibles » afin de proposer une grille facilitant l’analyse des pratiques dérogatoires. Les résultats issus de ces terrains de recherche démontrent que ces pratiques impliquent une reconfiguration et parfois même une remise en question du sens et des régimes d’action. L’étude des pratiques dérogatoires constitue l’occasion d’explorer les dimensions factuelles, symboliques et perçues de la transgression, de les situer vis-à-vis de ce à quoi elles cherchent à s’opposer, en plus d’en comprendre leurs contours et frontières.


Communications orales

Marges, normes et négociations

Salle : D-4019 — Bâtiment : ETS - Bâtiment D
Discutant·e·s : Tinhinane Adjtoutah (UdeM - Université de Montréal), Marie Bocabeille (UdeM - Université de Montréal), Madeleine Lachapelle (UQAM - Université du Québec à Montréal)
  • Communication orale
    Entre compromis et compromissions: le sens attribuable aux pratiques dérogatoires dans le cadre de la mise en œuvre d’un programme stabilité résidentielle avec accompagnement (SRA)
    Marie Bocabeille (UdeM - Université de Montréal)

    Les pratiques dérogatoires résultent de l'articulation entre des facteurs situationnels et des facteurs liés au cadre d'intervention. Nous cherchons à identifier les fonctions des pratiques dérogatoires et ce qu’elles révèlent du sens de l’intervention dans le domaine de l'itinérance. Nous nous intéressons à la dimension politique de l’intervention et portons notre attention sur la mise en œuvre d’un programme de stabilité résidentielle avec accompagnement (SRA) en mobilisant une analyse de politiques publiques qui combine deux cadres théoriques, la théorie des référentiels (Muller, 2018) et la théorie de la street level bureaucracy de Lipsky. L'analyse d'entrevues semi-dirigées auprès d’intervenant.e.s a révélé qu’iels étaient porteur.se.s d’un double discours : un discours collectif, incorporant les valeurs politiques du programme, et un discours individuel, traduisant l’appropriation qu’iels se font de ce discours collectif. C’est dans le dialogue entre ces deux discours qu’apparaît l’usage de pratiques dérogatoires. Elles constituent des compromis qui permettent aux intervenant.e.s de conserver du sens dans leur intervention quand les attentes de mise en œuvre du programme deviennent irréalistes. Les pratiques dérogatoires montrent à la fois les marges de manœuvre dont disposent des intervenant.es face à la normalisation de l’intervention, marquée par un référentiel gestionnaire, mais aussi un certain statut quo et leurs limites à faire émerger un nouveau référentiel.

  • Communication orale
    Les pratiques dérogatoires dans les milieux de vie pour jeunes en difficulté : réalité ou raison d’être ?
    Tinhinane Adjtoutah (UdeM - Université de Montréal), Elisabeth Greissler (École de travail social, Faculté des arts et des sciences, Université de Montréal, Québec, Canada), Marie Lefebvre (Département de sciences politiques, Faculté des arts et des sciences, Université de Montréal, Québec, Canada)

    Nous proposons une réflexion sur l’intervention en milieu de vie au sein d’organismes communautaires jeunesse (OCJ) qui se démarquent souvent par leurs pratiques d’intervention ajustées aux situations. La capacité d’adaptation des OCJ peut être relue à l’aune du concept de pratiques dérogatoires, notamment lorsque les personnes intervenantes dépassent les cadres traditionnels ou habituels d’intervention, et pallient l’absence de réponses aux besoins de certains jeunes dans le réseau public. Toutefois, peut-on réellement parler de pratiques dérogatoires ? Existe-t-il un cadre d’intervention des OCJ ? Les personnes intervenantes perçoivent-elles leurs pratiques ainsi ? En somme, qu’est-ce qu’une pratique dérogatoire dans un contexte d’intervention fait d’injonctions contradictoires entre une volonté de ne pas formaliser les pratiques et le déploiement de la nouvelle gestion publique au sein même des OCJ ? Notre présentation mobilisera différents travaux de recherche sur les OCJ et en particulier, en maisons de jeunes et en maisons d’hébergement pour jeunes en difficulté. Autour de deux exemples d’intervention, nous tenterons de comprendre dans quelle mesure certaines pratiques peuvent paraître dérogatoires, comment et pourquoi cela se manifeste ainsi. Nous chercherons finalement à élaborer des pistes de réflexions sur le cadre d’intervention des OCJ afin de revisiter les enjeux de l’intervention en milieu de vie à la lumière du concept de pratiques dérogatoires.

  • Communication orale
    « C'est un peu trash mais, rendu là, qu’est-ce que tu veux qu’on fasse? » : Argumentation des pratiques dérogatoires d’intervenants en itinérance liées aux enjeux climatiques
    Madeleine Lachapelle (UQAM - Université du Québec à Montréal), Mélissa Roy (École de travail social, Faculté des sciences humaines, Université du Québec à Montréal, Québec, Canada)

    Les intervenants d’organismes communautaires québécois en itinérance font état d’une augmentation de demandes de services, d’une insuffisance de financement et de ressources adaptées pour répondre aux nouveaux enjeux vécus en raison des changements climatiques. Dans ce contexte marqué par des modifications profondes des pratiques pour répondre aux nouvelles réalités des personnes en situation d’itinérance, les intervenants déploient des pratiques dérogatoires, telles que l’assouplissement des règles des organismes, l’aménagement « manu militari » de douches extérieures et le déplacement des personnes comme moyen de pression pour revendiquer l’augmentation des ressources. Ces pratiques s’accompagnent cependant de nombreuses considérations et tensions, notamment éthiques. Cette communication explorera les stratégies d’argumentation employées par les intervenants lorsqu’ils abordent leurs pratiques dérogatoires, les enjeux organisationnels et institutionnels dans lesquels elles s’inscrivent et les dilemmes professionnels, éthiques et identitaires qu’elles soulèvent. Elle montrera que les pratiques dérogatoires sont justifiées par une argumentation éthique, humanitaire et existentielle qui révèle des tensions entre d’une part des idéaux axiologiques et identitaires, et d’autre part l’éthique de l’agir quotidien. En guise de conclusion, nous discuterons des apports d’un entre-soi professionnel, nécessaire pour créer de nouveaux repères et donner sens aux dilemmes vécus.


Communications orales

Transgressions, assemblages et dystopies

Salle : D-4019 — Bâtiment : ETS - Bâtiment D
  • Communication orale
    L’inspiration dérogatoire de Don Quichotte et du Hopepunk au service de la bienveillance radicale en intervention sociale
    Morgane . (Artiste interdisciplinaire), Guillaume Ouellet (Centre de recherche de Montréal sur les inégalités sociales / UQAM), Sylvain Picard (Cégep Marie-Victorin, Centre de recherche de Montréal sur les inégalités sociales, les discriminations et les pratiques alternatives de citoyenneté)

    Dans un climat sociopolitique marqué par de multiples crises — sanitaires, environnementales, économiques, sociales — une frange croissante de la population se retrouve en situation de précarité (résidentielle, financière, relationnelle, etc.). Confrontés à un contexte d’intervention qualifié de complexe, plusieurs intervenant.e.s sociaux affirment se sentir contraint.e.s par l’inadéquation de l’offre de service, la rigidité des normes institutionnelles ainsi que par la pression constante liée au travail dans l’urgence. Alors que certain.e.s témoignent d’un sentiment d’impuissance, de perte de sens ou de cynisme, d’autres développent des pratiques dérogatoires qui visent à maintenir l’humanité et l’équité au sein d’un système qui apparait déshumanisant. À l’instar de Don Quichotte, qui refuse ardemment le désenchantement propre à son époque, ces intervenant.e.s choisissent de défier les logiques institutionnelles et les barrières structurelles pour remettre à l’avant-plan les idéaux d’équité et de dignité humaine. Le projet de recherche « Neurodiversité et grande précarité : l’autodétermination dans toutes les conditions », actuellement en cours, s’inscrit en appui à cette mouvance. Mobilisant l’imaginaire et l’esthétique du courant Hopepunk, nous soutenons le développement d’une pratique « autre », qui valorise la résistance, le changement social à petite échelle et invite à adopter une bienveillance radicale à l’égard des personnes premières concernées.


Communications orales

Organisations, travail et contraintes

Salle : D-4019 — Bâtiment : ETS - Bâtiment D
  • Communication orale
    Les travailleuses sociales dans le réseau de la santé et des services sociaux. Entre distance, renoncement et rupture
    Mylène Barbe (École de travail social, Faculté des arts et des sciences, Université de Montréal, Québec, Canada), Mélanie Bourque (UdeS - Université de Sherbrooke), Josée Grenier (Département de travail social, Université du Québec en Outaouais, Québec, Canada)

    L’ère post-industrielle transforme les résistances en milieu de travail. Par exemple, Muller (2014), en s’intéressant aux résistances dans le cadre de la sous-traitance, a mis en évidence la complexité des formes de mobilisation des employés, qui en plus des actions syndicales classiques, incluent également des stratégies d'adaptation, de résistance passive, et de réaffirmation des valeurs professionnelles face aux changements imposés par la direction. Ces nouvelles formes de résistance s’opèrent souvent de manière clandestine (Denis et Côté, 2020). En 2017 (n=71) et en 2022 (n=57), un total de 128 entretiens semi-dirigés ont été réalisés auprès d'une majorité de femmes en travail social, dont des gestionnaires, des coordonnatrices cliniques et des TS cliniciennes œuvrant dans divers services ruraux et urbains. Aux fins de cet présentation, nous avons procédé à une nouvelle analyse de ces entrevues. Les résultats montrent que, même dans un contexte de contrôle accru, ces personnes professionnelles déploient des stratégies de résistance variées pour maintenir la qualité des services. Cette résistance, loin d'être une opposition stérile, est présentée comme une forme d'engagement envers le travail bien fait et pourrait se déployer éventuellement avec le concours des hauts gestionnaires en une transformation produite par une co-production de l'action publique, reflétant un effort collectif pour naviguer et contester les normes imposées par les nouvelles pratiques de gestion.

  • Communication orale
    Consommation de substances psychoactives et perte d’autonomie liée à l’âge : nouvelles façons d’intervenir et enjeux associés en milieux d’hébergement et de soins de longue durée
    Valérie Aubut (Institut universitaire sur les dépendances, CISSS de l'Outaouais, Québec, Canada), Nadine Blanchette-Martin (Institut universitaire sur les dépendances, CIUSSS de la Capitale‐Nationale/CISSS de Chaudière‐Appalaches, Québec, Canada), Francine Ferland (Institut universitaire sur les dépendances, CIUSSS de la Capitale‐Nationale/CISSS de Chaudière‐Appalaches, Québec, Canada), Jorge Flores-Aranda (Institut universitaire sur les dépendances, Université du Québec à Montréal, Québec, Canada), David Guertin (Institut universitaire sur les dépendances, CIUSSS du Centre‐Sud‐de‐l'Île‐de‐Montréal, Québec, Canada), Christophe Huỳnh (Institut universitaire sur les dépendances, CIUSSS du Centre‐Sud‐de‐l'Île‐de‐Montréal, Université de Montréal, Québec, Canada), Auriane Journet (CCSMTL), Nadia L'Espérance (Institut universitaire sur les dépendances, CIUSSS de la Mauricie‐et‐du‐Centre‐du‐Québec, Québec, Canada), Vincent Wagner (Institut universitaire sur les dépendances, CIUSSS du Centre‐Sud‐de‐l'Île‐de‐Montréal, Québec, Canada)

    Les milieux d’hébergement et de soins de longue durée accueillent de plus en plus fréquemment une clientèle présentant des enjeux liés à leur usage de substances psychoactives, en plus d’une perte d’autonomie liée au vieillissement et d’autres enjeux de santé et sociaux. Ces interrelations peuvent dégrader davantage l’état de santé et de fonctionnement des personnes, en plus de poser des défis pour l’organisation des services et la pratique professionnelle. Les intervenant(e)s, en l’absence de lignes directrices claires, restent en effet souvent peu outillés pour accompagner ces clientèles. Dans ce contexte, de nouvelles pratiques d’intervention émergent, parfois au-delà des savoir-faire et des normes habituelles d’intervention. Cette présentation s’appuie sur l’analyse thématique du contenu d’entrevues semi-structurées réalisées avec 28 résident(e)s et 48 intervenant(e)s et gestionnaires de milieux d’hébergement et de soins de longue durée au Québec. Après avoir survolé les défis actuels associés à l’accompagnement de ces usager(e)s, nous parcourrons les principaux ajustements qui ont eu lieu du côté des pratiques d’intervention et des services. Nous évoquerons notamment l’évolution, catalysée par la pandémie de COVID-19, des stratégies d’approvisionnement, de stockage et de distribution des SPA (légales) aux résident(e)s. Nous discuterons ensuite plus largement des questionnements associés à ces interventions, sur le plan clinique, organisationnel, ou encore éthique.

  • Communication orale
    La coercition informelle en psychiatrie : une pratique dérogatoire formelle ?
    Vincent Billé (UdeM - Université de Montréal), Marie-Hélène Goulet (Faculté des sciences infirmières, Université de Montréal, Québec, Canada), Pierre Pariseau-Legault (Département des sciences infirmières, Université du Québec en Outaouais, Québec, Canada)

    Ancrée dans une culture paternaliste axée sur la gestion des risques, la coercition informelle en psychiatrie se manifeste par diverses formes de pression subtile – persuasion, menace – visant à orienter les choix d’une personne lors de ses soins, sans passer par une contrainte légale. Sa prévalence estimée entre 29 % et 59 % témoigne de son ampleur. En contournant le cadre légal établi, elle agit en marge de la réglementation sur les mesures coercitives formelles, devenant ainsi une pratique « dérogatoire ». En effet, elle substitue et outrepasse ces cadres formels de coercition en adoptant des méthodes plus implicites portant atteinte à la prise de décision éclairée d'une personne. Cette communication propose d’éclairer la nature et l’étendue de cette pratique dérogatoire : (1) en examinant la diversité de ses définitions et de ses manifestations rapportées dans la littérature ; (2) en analysant les facteurs institutionnels, relationnels et organisationnels qui en favorisent l’émergence, tels que les dynamiques de pouvoir ; (3) en mettant en lumière les effets délétères qu’elle peut engendrer pour les personnes premières concernées – comme la déshumanisation –, les dilemmes éthiques auxquels sont confronté·es les intervenant·es et l’impact global sur la qualité de la relation thérapeutique. Enfin, nous suggérerons des pistes de réflexion pour la reconnaître et la réduire, afin de promouvoir une psychiatrie non oppressive et respectueuse des droits humains.


Communications orales

Agentivité, éthique et résistance

Salle : D-4019 — Bâtiment : ETS - Bâtiment D
  • Communication orale
    Le soutien des doulas : une pratique transgressive dans le cadre des grossesses sans suivi médical et des accouchements non assistés
    Audrey Bujold (UQO - Université du Québec en Outaouais), Christine Gervais (Département des sciences infirmières, Université du Québec en Outaouais, Québec, Canada), Pierre Pariseau-Legault (Département des sciences infirmières, Université du Québec en Outaouais, Québec, Canada)

    Au Québec, certaines femmes choisissent de vivre des grossesses sans suivi médical et des accouchements non assistés (GANA), c’est-à-dire sans professionnel.le de la santé. Bien qu’elles rejettent partiellement ou complètement l’expertise médicale, elles se tournent parfois vers des doulas (accompagnantes à la naissance) pour un soutien émotionnel, physique et parfois même médical. Cette communication s'appuie sur l’analyse de 64 questionnaires sociodémographiques et de 23 entretiens semi-dirigés menés auprès de femmes ayant vécu des GANA au Québec. Les résultats révèlent que près de la moitié des participantes ont été accompagnées par une doula lors de leur dernière GANA. Les résultats soulignent également que le rôle des doulas s'articule autour de trois principales dimensions : soutien émotionnel et spirituel, soutien instrumental, et soutien médical. Bien que les doulas ne soient pas des professionnel.les de la santé formées pour effectuer des actes médicaux, elles interviennent parfois dans des contextes critiques et proposent donc des gestes à caractère médical. Bien que généralement motivées par un souci de soutien et d’urgence, ces pratiques, par leur nature transgressive, s'inscrivent dans un cadre dérogatoire informel et souvent dissimulé, où les doulas, bien qu'exclues du champ médical, naviguent dans des zones grises entre soutien non médical et intervention médicale, soulevant ainsi des enjeux complexes de responsabilité et de sécurité.

  • Communication orale
    Déroger pour soigner : Stratégies de résistance et post-professionnalisme
    Sagal Saïd-Gagné (CIUSSS Centre Sud), Pier-Luc Turcotte (École des sciences de la réadaptation, Faculté des sciences de la santé, Université d’Ottawa)

    Devant la précarisation des services publics et les appels managériaux à la standardisation, les professionnelles de la santé se retrouvent aux frontières de leurs idéaux de pratique, naviguant entre le respect des protocoles et la nécessité d’adapter créativement leurs actions aux réalités du terrain. Issue d’une étude ancrée dans le posthumanisme critique (Turcotte et al., 2024), cette présentation explorera trois figures mythiques—Méduse, la Sorcière et la Sirène—comme métaphores de pratiques « dérogatoires » adoptées par les soignantes qui contestent les normes institutionnelles. Inspirée par Hélène Cixous, Méduse symbolise des expériences incarnées, soulignant le pouvoir de l’écriture pour mettre en lumière les luttes quotidiennes des soignantes. La Sorcière, réinterprétée par Silvia Federici, illustre les alliances clandestines entre soignantes et patient·es, défiant l’isolement et l’individualisme imposés par les structures de soins. Enfin, la Sirène, chez Jacques Rancière, incarne la capacité de détourner les hiérarchies en transformant le silence en acte de subversion. En s’appuyant sur des exemples de la pratique et de la recherche, ces figures nous serviront à illustrer des stratégies de résistance développées par les professionnelles face aux menaces à leurs idéaux de pratique. Notre intention est de montrer l'émergence de « post-professionnelles » qui s'éloignent d’une vision apolitique du professionnalisme en forgeant de nouveaux modes de relations sociales.

  • Communication orale
    Stratégies de résistance des travailleuses sociales pour un exercice éthique de leur profession
    Mylène Barbe (Université Laval), Catherine Devost (Université Laval), Josée Grenier (Département de travail social, Université du Québec en Outaouais, Québec, Canada), Audrey Mantha (Université Laval), Valérie Roy (Université Laval)

    Depuis son implantation dans le réseau québécois de la santé et des services sociaux dans les années 1990, la Nouvelle gestion publique (NGP), une approche en administration publique visant à réduire le rôle et les dépenses de l’État tout en augmentant son efficience, a transformé les pratiques des travailleuses sociales. Soumises à des exigences croissantes de performance et à diverses contraintes administratives, il devient de plus en plus difficile pour elles d’adopter des pratiques éthiques. Si les effets délétères de la NGP sur les travailleuses sociales sont bien documentés, les stratégies qu’elles déploient au quotidien pour y faire face et pour assurer un exercice éthique de leur profession demeurent peu explorées. C’est dans ce contexte qu’une recherche qualitative a été réalisée auprès de 43 travailleuses sociales de différents secteurs du réseau public de la santé et des services sociaux. La présentation rendra d’abord compte de l’éventail des stratégies dégagées de l’analyse, pour s’attarder plus spécifiquement sur les stratégies qui expriment une résistance de la part des travailleuses sociales, notamment des actions visant à confronter, contourner ou détourner les règles en vigueur, ou à défendre leur autonomie et valeurs professionnelles. Ces stratégies seront examinées et discutées sous l’angle des règles ou contraintes qui sont contestées, de l’agentivité dont font preuve les travailleuses sociales rencontrées et de leurs effets.

  • Communication orale
    Améliorer les services publics sociaux et de santé au Québec : actions agentielles et crainte de représailles
    Mylène Barbe (UdeS - Université de Sherbrooke), François Bolduc (Faculté des sciences sociales, Département de relations industrielles, Université Laval, Québec, Canada), Carine Bétrisey (Faculté de médecine et des sciences de la santé, Université de Sherbrooke, Québec, Canada), Annie Carrier (Faculté de médecine et des sciences de la santé, Université de Sherbrooke, Québec, Canada), Marie-Ève Caty (Département d’orthophonie, Université du Québec à Trois-Rivières), Nathalie Delli-Colli (Faculté des lettres et sciences humaines, Université de Sherbrooke, Québec, Canada), Arnaud Duhoux (Faculté des sciences infirmières, Université de Montréal, Québec, Canada), Anne Hudon (Faculté de médecine, Université de Montréal, Québec, Canada), Samuel John Hétu (Faculté des lettres et sciences humaines, Université de Sherbrooke, Québec, Canada), Finn Makela (Faculté de droit, Université de Sherbrooke, Québec, Canada)

    Pour améliorer les services sociaux et de santé (SSS) et mieux répondre aux besoins des usagers, les acteurs de terrain, professionnels et gestionnaires cliniques, posent des actions agentielles, incluant des pratiques dérogatoires, pouvant leur faire craindre des représailles. Pour identifier les actions suscitant une telle crainte, nous avons conduit une enquête transversale auprès de plus de 25 000 acteurs de terrain des SSS de février à juillet 2024. Le questionnaire comportait des questions fermées et ouvertes aux réponses analysées par statistiques descriptives et analyse thématique semi-ouverte. De plus, nous menons actuellement des entretiens individuels semi-dirigés auprès de ces mêmes acteurs. Seuls 371 participants ont répondu au questionnaire (taux de réponse: 0,01%). Face aux situations problématiques, les participants ont le plus fréquemment envisagé de faire connaître le problème à l’externe, de porter plainte et de changer d’emploi. Toutefois, les actions le plus souvent réalisées étaient de faire connaître à l’interne, proposer des solutions et collaborer. Les pratiques dérogatoires, comme cacher ou s’opposer, ont moins souvent été envisagées ou réalisées. Les résultats du questionnaire, étoffés par les entretiens individuels en cours, montrent la complexité de la crainte de représailles. Pour favoriser l’amélioration des services, mieux connaître la prévalence de cette crainte selon le type de situations et les actions envisagées ou réalisées est essentiel.



Réseautage

Événement festif

Pour compléter la première journée de ce colloque, les participant.e.s seront invité.e.s à une soirée festive improvisée de type "5 à 7" dans un lieu situé à proximité du congrès. Les détails de cette soirée seront communiqués sur place.

Salle : D-4019 — Bâtiment : ETS - Bâtiment D

Communications orales

Indisciplines, subversion et lignes de fuite

Salle : D-4019 — Bâtiment : ETS - Bâtiment D
  • Communication orale
    Enseigner l’indiscipline pour soigner la résistance infirmière
    Caroline Dufour (UQO - Université du Québec en Outaouais), Natalie Stake-Doucet (Faculté des sciences infirmières, Université de Montréal, Québec, Canada)

    L’enseignement en sciences infirmières s’inscrit dans des structures politiques complexes où se côtoient souvent des concepts contradictoires, tels que le soin, le professionnalisme et les valeurs néolibérales qui fragilisent les services publics d’éducation et de santé. Cette conférence présentera le parcours atypique de deux enseignantes en sciences infirmières qui utilisent la résistance comme outil pédagogique. Nous analyserons comment les structures du système d’éducation et de santé agissent comme des mécanismes perpétuant des conditions de subordination pour les professionnelles infirmières. Plutôt que de tenter de se conformer à ces systèmes qui essentialisent à la fois le soin et l’enseignement, les pédagogues critiques (Freire, 1986) et féministes (Hooks, 1994, 2010) proposent d’explorer les voies de la dérogation afin de concevoir l’enseignement comme une pratique de résistance. Cette approche crée un espace où l’indiscipline peut s’incarner de manière sécuritaire, tant pour les personnes étudiantes que pour les enseignantes qui la pratiquent. Deux pratiques dérogatoires et indisciplinées seront analysées à travers une lentille féministe et expérientielle : 1. l’objectification des structures et des règles d’enseignement pour les défier, et 2. l’effacement de la « distance » professionnelle.

  • Communication orale
    Les pratiques dérogatoires : de l’euphémisation à la subversion, petites et grandes résistances du travail social
    Manu Gonçalves (IHP Messidor-Carrefour)

    Comme le rappelle la Fédération Internationale des Travailleurs Sociaux (FITS), le travail social repose sur le respect de la dignité humaine et la promotion de la justice sociale. Sur le terrain ces principes sont de plus en plus mis à mal. Une lecture normative des réalités individuelles domine, occultant la contextualisation macrosociologique et l’analyse conjointe avec les personnes concernées. Les interventions se standardisent, privilégiant une approche centrée sur les déficits individuels au détriment d’une lecture globale et critique. Le contrôle des risques et des coûts devient la valeur cardinale qui formalise les pratiques. Entre soumission, docilité et stratégies d’évitement, les intervenants partagent avec leur public l’absence de reconnaissance qui mine leur créativité, qui réduit davantage encore celle des publics aidés et qui les connecte tous à l’impuissance d’un agir. Cette évolution affaiblit la capacité des dispositifs d’aide et de soin à construire des alternatives et à relier les structures établies aux possibles transformations sociales. D’une approche critique et engagée à une procédurisation des interventions, la dérive progressive du travail social réduit la capacité des professionnels à (s’)interroger et transformer le réel. Cette intervention propose de s’arrêter sur cette énième métamorphose de la question sociale et sur la manière dont elle affecte les intervenants, les publics accompagnés et in fine notre conception du vivre ensemble.

  • Communication orale
    « Réciprocité et filiations communautaires au travail : quand le non-respect des règles se normalise »
    Loulou Guy Gbaka (Université Alassane OUATTARA)

    Cette contribution explore les fondements du non-respect des règles de travail qui implique des groupes professionnels de la santé attachés pourtant à l’idée d’une imminence des décisions de sanctions institutionnelles. La littérature établit, de manière généralisée, le caractère répandu des pratiques transgressives, au sein des bureaucraties ouest-africaines. Les schémas d’analyses présentent des groupes professionnels agissant selon un arbitraire, comme dans des enseignes privées. Pourtant, dans le cas ivoirien, à l’hôpital public, soignants titulaires (fonctionnaires), personnels payés sous ressources propres, supplétifs et dirigeants accommodés à ces pratiques, vivent au quotidien, de façon individuelle ou collective, des pressions multiples, à l’idée d’être soumis à l’omniprésence d’une « épée de Damoclès ». L’enquête ethnographique menée à l’hôpital public, à Abidjan, rend compte d’un système généralisé de stratégies de groupes qui normalisent les écarts aux règles. Entraides mutuelles, codes de désignation des absents, versement de rente et codes d’expression de la parenté entre soignants et dirigeants, reconfigurent les liens de travail et servent de boucliers de protection.


Communications orales

La dérogation face à l’autorité

Salle : D-4019 — Bâtiment : ETS - Bâtiment D
Discutant·e·s : Tanka Gagné Tremblay (Cégep Marie-Victorin), Mathy Turcotte (Université d’Ottawa)
  • Communication orale
    « C’était la meilleure décision » : Lorsque les pratiques dérogatoires deviennent la seule réponse aux tensions éthiques et aux réalités de la recherche
    Tanka Gagné Tremblay (Cégep Marie-Victorin)

    Dans le cadre de la recherche scientifique, les tensions éthiques et les réalités de la recherche conduisent parfois à des pratiques dérogatoires, conçues non comme des transgressions délibérées, mais comme des réponses pragmatiques à des contextes complexes. Ces situations soulèvent des défis importants pour les comités d’éthique de la recherche (CER), qui doivent jongler avec des valeurs fondamentales comme la justice, le bien-être et l’équité, tout en répondant aux contraintes inhérentes au terrain. Comment concilier les exigences éthiques et les contraintes pratiques sans compromettre ces valeurs? Ces enjeux sont cruciaux en matière de transparence et de respect des droits individuels, où un équilibre délicat doit être trouvé. À travers mon expérience comme coordonnateur d’un CER et membre de deux autres comités d’éthique, j’examinerai les critères et valeurs qui orientent ces décisions complexes. Je m’appuierai sur des exemples concrets et sur les dérogations prévues par des cadres comme l’EPTC2, en analysant des conditions telles que le risque minimal, les mesures de débreffage et la protection des populations vulnérables. J’aborderai les dilemmes liés à la dissimulation temporaire d’informations ou aux situations où les chercheur·euses flirtent avec le conflit d’intérêt. En m’appuyant sur des cas réels, je tâcherai de mettre un peu de lumière sur ces zones grises, tout en invitant à réfléchir à l’impact de ces choix sur les chercheur·euses et les participant·es.

  • Communication orale
    Pratiques dérogatoires en recherche participative : tensions éthiques et agentivité dans la préservation de la confiance et de la mutualité
    Feu King (Artiste drag), Amélie Perron (École des sciences infirmières, Faculté des sciences de la santé, Université d'Ottawa, Ontario, Canada), Mathy Turcotte (Université d’Ottawa), Véronique de Goumoëns (Institut et Haute École de la Santé La Source HES-So)

    Cette communication explore les pratiques dérogatoires en recherche participative, en mettant l’accent sur les tensions éthiques et les stratégies d’agentivité déployées pour préserver la confiance et la mutualité entre chercheur·euses et co-chercheur·euses. En s’appuyant sur un projet doctoral portant sur l’art du drag comme expérience de guérison, cette réflexion s’intéresse aux situations où les normes institutionnelles et associatives, les attentes des parties prenantes et les idéaux de la recherche participative entrent en conflit, risquant de compromettre les relations de confiance et la co-construction des savoirs. En mobilisant le cadre «hyphen -Space» de Cunliffe et Karunanayake (2013), cette communication analyse les postures du chercheur·euse dans des contextes où les dynamiques de pouvoir et les enjeux de positionnalité (insider/outsider) peuvent fragiliser la mutualité. Cette communication discutera des enjeux de la transgression dans des milieux artistiques et associatifs, en mettant en lumière l’agentivité des acteurs impliqués. Elle s'intéressera aux pratiques dérogatoires en recherche action participative, en soulignant leurs fonctions et leurs risques dans des contextes moralement exigeants. En conclusion, cette réflexion contribuera à une meilleure compréhension de ces pratiques comme stratégies de résistance et de préservation des idéaux de la recherche participative, tout en interrogeant les limites de la mutualité dans des contextes conflictuels.


Communications orales

Clôture du colloque

Salle : D-4019 — Bâtiment : ETS - Bâtiment D
  • Communication orale
    Des déviances nécessaires? Travail social, action publique et résistance dans le réseau sociosanitaire
    Lisandre Labrecque-Lebeau (CREMIS)

    Les pratiques de résistance au sens large, notamment face à l’injustice perçue (Weinberg et Banks, 2019), ont été saisies dans différents contextes de travail. Les transgressions professionnelles en contexte de services sociaux publics restent elles plus difficilement documentées pour différentes raisons, notamment leur nature éparse, informelle et intentionnellement clandestine (Strier et Bershtling, 2016). Nous mobiliserons la proposition théorique du « travail social déviant » (Carey et Foster, 2011) pour discuter de trois cas de dérogation observés dans le cadre de notre pratique de recherche dans les services publics, soient le soutien émotionnel des parents dans l’intervention-pivot en déficience intellectuelle et trouble du spectre de l’autisme, l’affichage de pictogrammes maison inclusifs pour les toilettes ainsi qu’une mobilisation interne pour l’adoption du principe de Joyce. Ces cas, s’ils restent dispersés au sein de milieux, de contextes et d’enjeux différents, nourrissent tous, à leur façon, une réflexion sur l’éthos et l’agentivité du travail social et de l’action publique face à des institutions de plus en plus centralisées, hiérarchiques et définancées.