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Informations générales

Événement : 92e Congrès de l'Acfas

Type : Colloque

Section : Section 300 - Lettres, arts et sciences humaines

Description :

Le consentement sexuel s’est imposé comme une norme primordiale dans nos sociétés. Il a pour effet juridique de légitimer des interactions sexuelles qui, en son absence, seraient des agressions. Son primat se justifie généralement pour trois raisons. Il garantit le respect de l’autonomie des personnes impliquées dans une interaction sexuelle : c’est à chaque partenaire que revient l’autorité de l’accepter ou non, suivant ses désirs et ses raisons. De plus, c’est une norme neutre : peu importe ce que les autres peuvent penser moralement de certaines pratiques, ces dernières sont permises du simple fait que tous les partenaires y consentent. Enfin, le consentement sexuel est une norme qui protège notre liberté : au contraire de la promesse et du contrat qui nous obligent pour le futur, le consentement, parce qu’il peut être retiré à tout moment, nous laisse libres de changer d’idée.

Le consentement sexuel semble ainsi être une norme juridique tout à fait adéquate. Pourtant, il pose son lot de défis. Mal interprété, peu informé, difficile à retirer, souvent complaisant voire contraint, parfois non enthousiaste. Il n’est pas toujours garant de nos épanouissements sexuels ni d’une égalité sexuelle entre les partenaires. Nombreuses sont les critiques qui lui ont donc été adressées en différents domaines : études féministes et de genre, psychologie, droit, éthique, philosophie, etc. Au point où il nous est permis aujourd’hui de nous interroger sur ses limites. Sous quelles conditions le consentement sexuel est-il une norme adéquate pour nos interactions sexuelles? Et sous quelles conditions ne l’est-il plus? Faut-il le transformer, voire le remplacer par d’autres normes? Que doit-il être pour être garant de nos épanouissements sexuels?

Date :

Format : Sur place et en ligne

Responsables :

Programme

Communications orales

Limites et enjeux du consentement sexuel face aux rapports de genre

Salle : D-5012 — Bâtiment : ETS - Bâtiment D
  • Communication orale
    Consentement et masculinités : une meilleure compréhension des mécanismes genrés pour une prévention ciblée des violences sexuelles
    Dominique M-Lavoie (Université d’Ottawa)

    Après plusieurs décennies de travail colossal mené par les mouvements féministes dans la lutte contre les violences faites aux femmes, force est de constater la prégnance toujours actuelle de ces violences au Canada et à travers le monde. Les violences sexuelles (VS) ne faisant pas exception, des études indiquent même qu’elles n’ont connu aucune diminution significative dans le temps (Perreault, 2015). Souvent pensé comme pierre angulaire de la prévention des VS, le consentement sexuel (CS) fait l’objet d’une attention accrue ces dernières années, notamment dans les milieux de recherche. Selon certain.es auteurices, l’absence de déclin dans l’occurrence des VS s’expliquerait entre autres par l’ambigüité dans la définition et la compréhension de la notion de CS, au sein de la population et chez les professionnel.les (Fenner, 2017). Cette conférence vise à mettre au jour certaines interactions complexes entre le CS et le genre, plus particulièrement en ce qui concerne la compréhension et la mise en pratique du consentement chez les hommes. Une telle démarche apparaît d’autant plus névralgique qu’il est largement reconnu que ces derniers sont surreprésentés parmi les personnes perpétrant des VS. Suivant la présentation d’un bref état des lieux de la littérature sur ces questions, nous discuterons de la pertinence d’aborder la notion de masculinités dans une perspective féministe intersectionnelle et d’identifier finement les mécanismes genrés dans les analyses entourant le CS.

  • Communication orale
    Ils ont vu, ils sont venus, ils ont vaincu : phénoménologie du regard pornographique sur le consentement sexuel
    Vanessa Agenor (UdeS - Université de Sherbrooke)

    En m’appuyant sur une phénoménologie de la proie et du prédateur, je conçois la pornographie comme dispositif du regard qui structure la perception des corps et plus largement, le rapport à la notion de consentement sexuel. Mon analyse du regard pornographique se décline à travers quatre figures (Barthes, 1980, dans Dorlin, 2017) qui orchestrent la mise en scène du désir et du consentement: l’operator (celui qui produit l’image), le spectator (celui qui regarde), le spectrum (le corps donné à voir), et le perpetrator (la figure invisible dont l’image célèbre la puissance). La pornographie, en tant qu’operator, organise une vision du sexe où la notion même de consentement est occultée ; les corps y sont présentés comme toujours disposés à la sexualité. Le consentement y est à la fois implicite et présumé permanent, orientant ainsi le spectator vers une posture de prédateur et le spectrum vers une posture de proie, figée dans un éternel assentiment. Le perpetrator, bien que hors champ, structure cette dynamique. Il est la figure invisible dont le contenu pornographique magnifie le pouvoir, en plus d’imposer un impératif dans les rapports sexuels, où plaisir et domination sont systématiquement enchevêtrés. J’examine ainsi les effets de ces dynamiques sur notre compréhension du consentement sexuel et les formes de résistance possibles face à cette structuration du regard.

  • Communication orale
    Le consentement sexuel : discours majoritaire et paradoxes
    Geneviève Proulx-Masson (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Je propose d’aborder le consentement sexuel comme un discours majoritaire. Depuis #MeToo, parler de sexualité c’est toujours parler de consentement. Celui-ci est devenu le critère d’évaluation normative des relations sexuelles (Sikka, 2020). Mais que fait le discours du consentement aux interactions sexuelles? Je soutiens qu’il pose trois paradoxes biaisant sa pratique. D’abord, il ne possède pas les outils nécessaires pour penser les rapports de pouvoir structurant nos sociétés – notamment le genre et l’hétérosexualité – créant un écart entre les conditions réelles des interactions sexuelles et les conditions idéales, quoique fictives, qu’il déploie. Deuxièmement, il agit de concert avec d’autres discours, par exemple le discours post-féministe qui enjoint les femmes à la connaissance de soi et à l’affirmation claire de leur désir, ce qui influence leurs choix tout en leur faisant porter la responsabilité d’un rapport sexuel réussi (Angel, 2022). Enfin, le discours du consentement envisage seulement sa dimension interpersonnelle, soit les signes extérieurs octroyant une permission. Il ignore le rapport à soi complexe sous-jacent et les mécanismes d’autocontrainte (Boucherie, 2019) découlant des paradoxes 1 et 2. En biaisant la pratique du consentement, ces trois paradoxes participent des expériences sexuelles consenties mais non voulues, tout en suscitant des injustices herméneutiques (Fricker, 2007) pour qui cherche à faire sens de ces expériences.


Dîner

Dîner

Salle : D-5012 — Bâtiment : ETS - Bâtiment D

Communications orales

Limites et enjeux du consentement sexuel face aux normes et à l’éthique

Salle : D-5012 — Bâtiment : ETS - Bâtiment D
Discutant·e·s : Marie-Hélène Desmeules (UdeS - Université de Sherbrooke), Elye Plourde (Assemblée nationale du Québec), Maxime Tremblay (Cégep de l'Abitibi-Témiscamingue)
  • Communication orale
    La variable neutralité du consentement sexuel : quand l’ordre public supplante l’autonomie
    Elye Plourde (Assemblée nationale du Québec)

    Le consentement constitue une source de légitimité d’un acte sexuel pour trois (3) raisons : il garantit l’autonomie, il est neutre et il protège la liberté. Le motif de neutralité repose sur le caractère individuel du consentement sexuel : la perception des tiers – et notamment leurs biais – est, en principe, insuffisante pour l’invalider. Or, les tribunaux canadiens ont développé une exception d’ordre public qui vicie le consentement sexuel lorsque l’acte sexuel cause des lésions corporelles. Ainsi, la volonté des partenaires sexuels qui souhaiteraient subir un préjudice corporel est niée par des fondements extérieurs.
    Lorsque l’acte sexuel survient dans un contexte BDSM (Bondage et discipline, Domination et soumission, Sadisme et Masochisme), il peut exister un souhait de subir une atteinte – contrôlée – à son intégrité physique ou de participer à un acte qui risque de causer une telle atteinte. D’ailleurs, les trois (3) fondements du BDSM s’ancrent dans les caractères sain (axé sur le plaisir, même lorsqu’il est causé par la douleur), sécuritaire et consensuel de l’activité sexuelle. En invalidant la capacité juridique pour une personne de consentir à une sexualité qui lui causerait des lésions corporelles, on l’usurpe de son autonomie à disposer de son corps de la manière souhaitée, en fonction de ses désirs. La moralité est au coeur du raisonnement justifiant l’existence de l’exception d’ordre public. Elle ouvre la porte à des biais sexistes, homophobes et transphobes.

  • Communication orale
    ″Tout était correct?″ Le consentement sexuel comme rupture de la responsabilité pratique
    Marie-Hélène Desmeules (UdeS - Université de Sherbrooke)

    Les critiques du consentement sexuel (CS) se limitent souvent à l’étude des différentes conditions que doit respecter tout CS valide (expression, libre, informé…). Nous proposerons pour notre part une autre voie à la critique du CS : il institue une rupture problématique de la responsabilité pratique. D’une part, la jurisprudence canadienne nous indique que la personne consentante n’a pas à mobiliser ses propres de capacités pratiques : elle n’a pas à agir ou à participer pour consentir, mais simplement à avoir certaines capacités cognitives (R. c. G.F.; R. c. J.A.). D’autre part, cette jurisprudence indique que la responsabilité de la personne qui cherche le CS de ses partenaires consiste simplement à prendre les moyens raisonnables pour vérifier le respect de ses conditions de validité (R. c. Barton ; R. c. A.E). Il s’ensuit une rupture : c’est la personne consentante qui détient la responsabilité de réfléchir à la qualité de l’interaction, alors que ce ne sont pas ses pratiques et actions qui sont en cause. À partir d’une réflexion sur la responsabilité et l’excuse (Burgat 2017, Ricœur, 1990), nous démêlerons le nœud entre responsabilité et CS afin de critiquer l’usage de ce dernier. Seulement, si la stratégie adoptée dans la littérature consiste souvent à « corriger » le CS (Garcia 2021, Kukla 2018), nous souhaiterons pour notre part quitter le terrain du CS afin de recentrer l’éthique sexuelle sur un meilleur partage des responsabilités entre les partenaires sexuels.

  • Communication orale
    Le consentement sexuel entre éthique et morale. Proposition d’une perspective polysémique à partir de la phénoménologie du soi de Paul Ricœur.
    Maxime Tremblay (Cégep de l'Abitibi-Témiscamingue)

    Cette présentation a pour ambition de répondre à une critique souvent adressée à la norme de consentement en matière sexuelle. Il s’agit de la critique « mécaniste », selon laquelle le consentement serait une formalité nécessaire, mais insuffisante, pour établir le caractère éthique d’une interaction sexuelle (est-elle réussie, bonne, épanouissante ?). Nous nous appuierons pour ce faire sur la phénoménologie du soi élaborée par le philosophe Paul Ricœur, nous référant en particulier à l’éclairage inédit qu’elle apporte sur le lien entre éthique (domaine de la réalisation de soi) et morale (domaine de l’obligation). Loin de la dichotomie insurmontable qu’on a coutume de voir entre éthique et morale, selon Ricœur ces dernières seraient plutôt les pôles opposés d’un unique parcours allant du désir d’accomplissement de soi avec autrui jusqu’à la cristallisation de ce désir dans des normes protégées par les institutions. Cette perspective, qu’on pourrait qualifier de « polysémique », a l’avantage de rendre justice à la visée éthique en tant que source originaire des impératifs moraux. Nous pensons ce faisant fournir de nouvelles pistes théoriques pour soutenir l’intuition commune suivant laquelle l’essor du vocabulaire du consentement sexuel marque un réel progrès éthique quant au contenu de nos sexualités, et non seulement quant à leur forme.