Le mercredi 29 mai 2019
Le Groupe de recherche interuniversitaire en limnologie et en environnement aquatique (GRIL) est un groupe de recherche actif en limnologie fondamentale et appliquée depuis 30 ans. Il constitue un des regroupements stratégiques du Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies (FRQNT). Le GRIL joue un rôle de chef de file international en écologie aquatique des eaux douces. Le but de ce colloque est de faire une rétrospective de ces 30 années de recherche sur les écosystèmes aquatiques d’eau douce au Québec et de faire état des avancées actuelles dans le domaine.
Il y aura six grands thèmes abordés pour lesquels les chercheurs du GRIL donneront des conférences. Ces thèmes touchent plusieurs enjeux actuels de notre société : 1) les services écosystémiques des eaux douces; 2) les défis auxquels font face les écosystèmes aquatiques d’eau douce (espèces exotiques envahissantes, microplastiques, contaminants émergents, etc.); 3) la problématique des cyanobactéries; 4) les changements climatiques et la santé des écosystèmes aquatiques; 5) le rôle des eaux souterraines et des milieux humides; et 6) les nouvelles approches et les nouvelles technologies pour mieux comprendre les écosystèmes aquatiques.
À noter qu’un autre colloque présenté par des membres du GRIL fera état des travaux actuels sur le fleuve Saint-Laurent. Cet écosystème sera donc seulement brièvement abordé.
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Le succès du GRIL résulte de la défaite du CREM (Centre de Recherche Écologique de Montréal) et a été initié grâce à la collaboration des deux groupes de limnologistes francophones et anglophones occupant la scène dans les années 1980-90 au Québec. Le noyau initial regroupait 15 chercheurs de 4 institutions, dont l’UdeM, McGill, l’UQAM et l’UQTR qui ont décidé de s’associer pour créer un réseau de recherche en limnologie et écologie aquatique en 1989. Les universités fondatrices ont fourni les fonds de démarrage qui ont permis, grâce à un bel effort de concertation et de collaboration des membres du GRIL, de développer une thématique de recherche originale et pertinente au niveau fondamental et appliquée. Le GRIL a été financé continuellement depuis 1993 dans le cadre du programme des regroupements stratégiques du FQRNT. Les activités du GRIL se sont développées sous la supervision de quatre directeurs: Bernadette Pinel‐Alloul de l’UdeM (1989–1999), Yves Prairie de l’UQAM (2000–2008), Pierre Magnan de l’UQTR (2008–2015), ainsi que Beatrix Beisner de l’UQAM qui assume la direction depuis 2015. Depuis sa création, le GRIL est devenu le plus grand réseau de recherche en limnologie et écologie des eaux douces au Canada et l’un des meilleurs au niveau international. Il doit son succès à l’esprit d’entreprise des fondateurs, à une collaboration basée sur le respect et l’amitié et à la qualité de ses contributions en recherche et leur pertinence sociétale. Longue vie au GRIL.
La complexité de l’aléa spatio-temporel des fleurs d’eau d’algues (FEA) de même que la méconnaissance de certains processus physico-chimiques sous-tendant leur apparition restreignent la capacité des modèles déterministes à expliquer ce phénomène avec précision. La modélisation de l’aléa spatio-temporel des FEA nécessite une approche par statistiques fréquentielles dans un contexte de gestion du risque associé à l’émergence des FEA. Par ailleurs, la hausse marquée en fréquence et en intensité des FEA dans les écosystèmes d’eau douce semble être en partie le résultat du réchauffement global de la planète et des changements dans le régime hydrologique. L’impact des changements climatiques sur l’occurrence de ce phénomène demeure cependant difficile à quantifier par les méthodes standard de suivi d’échantillonnage, restreintes à un cadre spatio-temporel ponctuel. L'objectif de cette étude est de développer un modèle stochastique non-stationnaire permettant d’étudier l’impact des conditions climatiques, physiographiques et anthropiques sur l’occurrence des FEA des lacs québécois. À terme, il sera possible d’appliquer le modèle fréquentiel régional à des simulations du climat afin d’estimer les probabilités d’apparition future des FEA des lacs québécois et d’étudier l’impact des changements climatiques sur la phénologie des FEA sur notre période de référence et à des horizons futurs.
Le Canada contient plus d’un million de lacs, lesquels apportent de nombreux services écosystémiques aux résidents. Cependant, il est maintenant généralement accepté que les activités humaines ont un effet prononcé sur les écosystèmes naturels via l’utilisation du territoire et les changements climatiques. De plus, nous n’avons qu’une compréhension fragmentée et limitée de l’intégrité écologique de ces plans d’eau. Le zooplancton est un excellent indicateur de l’intégrité écologique des lacs étant donné sa position centrale dans le réseau trophique et sa particularité de se préserver dans les sédiments. Dans le cadre du réseau panCanadien LakePulse du CRSNG, 54 lacs ont été sélectionnés dans l’est du Canada en considérant un gradient d’impact humain. Les communautés contemporaines pélagiques de zooplancton ont été comparées aux assemblages contemporains et préindustriels de cladocères provenant de carottes de sédiments. Pour déterminer quels facteurs influencent la biogéographie passée et actuelle du zooplancton, nous avons comparé l’influence du type d’écozone, du niveau d’activités humaines et de l’environnement sur la composition et la fonction du zooplancton. Cette recherche renforce notre compréhension de l’état de santé des lacs Canadiens et des conséquences des activités humaines sur le plancton aquatique.
La réserve écologique de la RB à l’embouchure de la rivière éponyme et de la Baie Missisquoi, Lac Champlain, a mandat de protéger un marécage abritant plusieurs espèces animales et végétales à statut précaire au Québec. En 2015, une fleur d’eau de cyanobactéries (cyanos) sans précédent a été relevée par le MELCC, mettant sous pression la réserve. Dans un contexte où les changements climatiques sont de plus en plus présents, il est nécessaire de comprendre les facteurs déclenchant les efflorescences cyanobactériennes de cette rivière. Le phénomène étant très peu connu en milieu lotique au Québec et dans un soucis de conservation durable, il semble plus que nécessaire de prévoir comment les changements climatiques affecteront la dynamique des cyanos de ce cours d’eau. À l’aide d’une collaboration avec le MELCC, le CNRC et le projet ATRAPP, des modèles empiriques de prédiction de dynamiques cyanos et de concentrations en cyanotoxines pour les 50 prochaines années dans la RB seront générés à partir d’analyses multivariées des données des étés 2018-2019. Elles comprennent les concentrations en pesticides, en cyanobactéries (ainsi que les taxa), en cyanotoxines, et les conditions météorologiques et physico-chimiques de l’eau, récoltées par les partenaires et des prédictions climatiques pour la région établies par le Consortium OURANOS.
Les herbiers submergés constituent un habitat complexe dans les grands lacs peu profonds. Notre projet vise à trouver une méthode opérationnelle et non destructive d’estimer la biomasse et la complexité structurelle des herbiers submergées sur la base de photographies subaquatiques, et évaluer les relations avec les communautés de zooplancton. L’étude a été réalisée dans 52 stations de la rive sud du Lac Saint-Pierre (Québec). À chaque station, les macrophytes ont été photographiés en plongée avec une caméra sous-marine. Ensuite, le zooplancton a été récolté en pompant et en filtrant l’eau dans les macrophytes. Finalement, les macrophytes ont été récoltés dans 3 quadrats de 30 cm2 pour estimer leur biomasse. Deux métriques ont été estimées à partir des photos: la couverture en macrophytes basée sur la proportion de l’habitat occupé (PLAND) et la complexité basée sur la dimension fractale (PAFRAC). Des modèles linéaires et des analyses de redondance ont permis d’évaluer les relations entre la biomasse et les métriques des macrophytes et les variables zooplanctoniques. Notre étude démontre que l’approche photographique est efficace pour estimer la biomasse, la couverture et la complexité des habitats de macrophytes submergés. Nos résultats appuient l’hypothèse que la complexité et la couverture de macrophytes affectent la structure du zooplancton. Cependant, il reste difficile de discerner les effets respectifs des habitats végétaux et de l’environnement.
Après-midi
Alors que l’étude du son en milieu marin est une discipline scientifique historiquement active, nous en connaissons encore peu sur l’environnement acoustique des lacs et rivières. Et pourtant les poissons d’eau douce entendent, et même très bien! La présentation abordera d’abord les principales sources de pollution sonore, ainsi que l’effet des barrages, du dragage et de la rectification des cours d’eau sur le paysage acoustique des écosystèmes d’eau douce. Nous passerons ensuite en revue l’incroyable diversité d’adaptations auditives qui existent chez les poissons. Enfin, nous tenterons de répondre à deux questions fondamentales pour la gestion durable des lacs et rivières : À quoi sert l’audition chez des poissons qui ne vocalisent pas et dont les prédateurs n’émettent pas de sons? Les poissons évitent-ils les sons subaquatiques issus des activités récréatives ou industrielles?
Les milieux naturels dépendants des eaux souterraines (MNDES) se retrouvent aux endroits où l’eau souterraine émerge à la surface (sources et milieux humides). Dans ces milieux, l’apport d’eau souterraine favorise le développement de conditions morphologiques et biologiques qui contribuent à rendre de nombreux services (ex. : soutien à la biodiversité, débits d’étiage, contrôle des inondations, filtration et sédimentation). Les MNDES sont particulièrement sensibles aux baisses de niveau de nappe pouvant être causées par les pompages, le drainage agricole, le développement urbain et les changements climatiques. Ces baisses sont souvent difficiles à identifier et peuvent n’être mises en évidence que lorsqu’elles sont devenues suffisamment importantes pour limiter les usages anthropiques de l’eau souterraine. Les conditions dans lesquelles les MNDES se mettent en place, les seuils au-delà desquels la connectivité avec la nappe est altérée et leur résilience aux pressions sont encore mal connus. Une meilleure protection de ces milieux nécessite 1) qu’ils soient adéquatement cartographiés à différentes échelles, 2) que les conditions de recharge et d’émergence de l’eau souterraine soient bien quantifiées, 3) que les conditions hydrologiques minimales pour leur maintien soient identifiées et 4) que les effets des activités anthropiques et des changements climatiques soient mieux compris. La présentation tracera un portrait de ces enjeux pour le territoire québécois.
Les biofilms algaux sont des composantes clés dans les écosystèmes aquatiques (base des réseaux trophiques). Ils répondent rapidement aux perturbations environnementales, et ce, à divers niveaux. L’utilisation des biofilms pour le biosuivi offre ainsi un vaste choix de descripteurs moléculaires, enzymatiques, métaboliques et taxonomiques. Par exemple, la composition nutritionnelle des biofilms permet d’estimer la qualité nutritive des ressources à la base de la chaîne alimentaire. Les lipides représentent un bon biomarqueur puisque plusieurs acides gras (AG) produits par la composante algale des biofilms sont essentiels pour les organismes des niveaux trophiques supérieurs qui ne peuvent pas les synthétiser. Des modifications dans les profils en AG des biofilms peuvent donc avoir des répercussions sur les niveaux trophiques supérieurs. Au sein de notre équipe, des études sont menées pour évaluer les effets des métaux et des pesticides (seuls ou en combinaison à une augmentation de la température) sur les profils en AG des biofilms et déterminer les effets d’un biofilm de moins bonne qualité nutritive sur les niveaux trophiques supérieurs. Un projet est également en cours dans des rivières agricoles afin de coupler les profils en AG des biofilms avec d’autres indicateurs d’eutrophisation. L’objectif de ces travaux est de développer un outil de suivi environnemental basé sur les profils en AG permettant d’évaluer la réponse des écosystèmes lotiques face aux perturbations.
Il est de plus en plus reconnu par la communauté scientifique que laisser les processus fluviaux opérer permet non seulement de réduire les risques pour la sécurité publique associés aux inondations et à l’érosion de berge, mais que cela apporte aussi de nombreux avantages pour la faune aquatique. L’espace de liberté des rivières est basé sur des concepts hydrogéomorphologiques, et inclut l’espace d’inondabilité, de mobilité, ainsi que les milieux humides riverains. La méthodologie développée au Québec dans les dernières années permet de distinguer un espace de liberté minimal (aléa fluvial élevé sur un horizon temporel de 50 années, présence de milieux humides riverains) et un espace de liberté dit fonctionnel, où les processus fluviaux opèrent à plus long terme. Cette distinction permet de prendre des décisions plus éclairées selon que l’enjeu principal soit la sécurité publique ou la restauration écologique. Cette présentation fera état des derniers développements dans la mise en application du concept d’espace de liberté dans la gestion des écosystèmes fluviaux au Québec, en mettant particulièrement l’accent sur la nécessité de mieux intégrer ces concepts dans les projets de restauration des habitats aquatiques.
En 2013, nous avons découvert des microbilles de polyéthylène réparties sur une section de 320 km du lit du fleuve Saint-Laurent à des concentrations locales allant jusqu'à 100 à 1 000 par litre de sédiments. Cette découverte a inspiré une législation fédérale visant à interdire les microbilles des produits de soins personnels. Depuis cette étude, nous tentons de découvrir les sources, l’abondance et les impacts de ces particules sur le fleuve et les communautés qui y vivent. En 2017 lors d’une 2e étude, on a mesuré une concentration moyenne de 828 (± 150 SE) particules de plastique par kg de poids sec dans les sédiments du fleuve; soit une valeur parmi les plus élevées enregistrée en rivière dans le monde.
Pour comprendre l’effet que peuvent avoir ses particules sur la chaîne alimentaire du fleuve, nous avons recueilli plusieurs espèces de poissons, moules et mulettes dans le fleuve pour comptabiliser la quantité et diversité de microplastique que ces espèces ont ingérée. En laboratoire, nous quantifions l’ingestion et le temps de rétention de ces particules dans le corps d’animaux clés afin de mieux comprendre les interactions entre cette pollution et les espèces aquatique. Ces informations nous permettront de proposer un plan de surveillance plus efficaces de la contamination par le plastique et émettre des recommandations pour réduire cette pollution.