Informations générales
Événement : 92e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 600 - Colloques multisectoriels
Description :Les industries culturelles sont en pleine transformation du fait de l’intelligence artificielle. Les enjeux de découvrabilité amènent à de nouvelles pratiques d’utilisation, de création et de structuration de l’écosystème.
L’automatisation, les nouvelles données, les nouveaux contenus « autogénérés » par IA, etc. suscitent de nombreuses craintes dans les industries culturelles et créatives pour les tâches qui étaient auparavant dédiées aux seuls « créatifs » : rédaction et interprétation de texte, composition musicale ou lumineuse, interprétation artistique ou musicale sont autant de métier qui sont touchés par l’IA dite générative. Pour autant, les professionnel·les et artistes des secteurs culturels les plus touchés tiennent souvent le même discours : l’IA ne « serait qu’un outil », mais qui nécessiterait cependant une remise en question du statut de la technique du créateur et de l’œuvre. Les capacités de création qui sont attribuées à l’intelligence artificielle générative relèveraient ainsi bien moins des capacités de calculs décuplées que des imaginaires sociaux qui la sous-tendent.
Ce colloque aura pour vocation d’accueillir les contributions en langue française dans tous les domaines scientifiques relevant des SHS (design, sociologie, histoire, science politique, STS, sciences de l’information, etc.) qui porteront sur les trois thématiques principales :
1) Vers des industries de la donnée culturelle? approche critique et sociohistorique des transformations des industries culturelles.
2) Intelligence artificielle et découvrabilité : économie politique des données culturelles.
3) Vers une nouvelle Kulturindustrie? : défis théoriques et articulations de la recherche empirique sur les industries culturelles.
Dates :Format : Sur place et en ligne
Responsables :- Romuald Jamet (INRS - Institut national de la recherche scientifique)
- Guillaume Blum (ÉTS - École de technologie supérieure)
- Jonathan Roberge (INRS - UCS - Institut national de la recherche scientifique - Urbanisation Culture Société)
Programme
Créativité, imaginaires sociaux et ICC
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Communication orale
Le rôle de l'intelligence artificielle dans la redéfinition du travail créatif au sein des industries culturelles et créativesIngrid Kofler (Free University of Bozen-Bolzano), Andreas Metzner-Szigeth (Free University of Bozen-Bolzano)
L’intégration de l’intelligence artificielle (IA) dans les industries culturelles et créatives (ICC) révolutionne les processus de création et la nature même de la production culturelle. Ce changement transformationnel remet en question les conceptions traditionnelles de la créativité et soulève des interrogations cruciales sur les rôles professionnels.
L’influence de l’IA dépasse la seule production culturelle en façonnant également les imaginaires sociaux, ces cadres collectifs à travers lesquels les sociétés interprètent la réalité. Les capacités de l’IA ouvrent aussi de nouvelles perspectives de collaboration entre humain·es et technologies. Plutôt que de remplacer la créativité humaine, l’IA agit comme un outil d’expansion du potentiel créatif, permettant aux professionnel·les d’explorer de nouvelles méthodes et narrations. Cependant, l’intégration de l’IA dans les ICC soulève aussi d’importantes questions éthiques et socio-économiques. L’automatisation des tâches créatives remet en cause les structures traditionnelles du travail, tandis que les stratégies de contenu pilotées par l’IA influencent le comportement des consommateur·rices et façonnent les modes de consommation culturelle de manière subtile mais significative. Cette évolution invite alors à reconsidérer la définition même de la créativité et les mécanismes de production de valeur culturelle dans un environnement de plus en plus numérique.
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Communication orale
Imaginaires sociotechniques des créateur.ices travaillant avec l’intelligence artificielle au Québec : vers l’exploration des communs de l’IA en créations numériques dans l’ICCOla Siebert (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Le projet Art-IA : vers des communs de l’IA pour la création numérique (2024–2025) vise à explorer les impacts de l’IA sur la création numérique. L'une de ses quatre initiatives est dédiée aux pratiques et aux imaginaires (Jasanoff 2015) liés à l’IA créative. Cela implique d'interroger le « capitalisme de plateforme » (Srnicek 2018) ainsi que la pensée « mainstream » issue de la Silicon Valley, et de déterminer comment offrir aux créateur·rice·s et aux artistes une plus grande flexibilité pour élaborer une « boîte à outils » destinée à faciliter et encourager leur créativité et leur innovation.
Ce projet cherche à proposer des alternatives à des pratiques observées où artistes et créateur·rice·s d’arts numériques ont été sollicité·e·s par des entreprises privées pour jouer le rôle de travailleur·euse·s et de bêta-testeur·euse non rémunéré·e·s, à l’exemple d’OpenAI avec son produit Sora (un modèle texte-vers-vidéo). Ces initiatives, loin de soutenir véritablement la créativité et l’innovation, limitent la liberté d’expression des artistes en les mobilisant essentiellement pour servir les stratégies marketing de ces entreprises.Pour mettre en valeur l’importance des imaginaires artistiques, la réflexion sur les communs intègre également une discussion sur l’éthique et sur la nécessité d’une collaboration artistique durable avec tous les partenaires, y compris les acteurs de l’industrie technologique.
Résistances dans les ICC
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Communication orale
Adaptation, ruse ou résistance : réponse de l’écosystème culturel québécois aux chants des sirènes de l’IAEtienne Grenier (INRS - Institut national de la recherche scientifique)
L’introduction des technologies de l’IA au sein de l’écosystème culturel a entraîné une mise en relation avec une nouvelle génération d’outils, entre autres dans les domaines de la reconnaissance d’image et du traitement naturel du langage. La place prépondérante occupée par les grandes entreprises de l’IA dans la construction de l’imaginaire sociotechnique (Mager et Katzenbach, 2021) est dès lors dédoublée par une transformation effective des conditions de pratique dans le milieu culturel.
Cette communication vise à présenter les résultats préliminaires d’un projet de recherche visant les processus de structuration ainsi que les conflits d’interprétation associés à l’introduction récente (2020-) des outils technologiques générative dans l’écosystème culturel du Québec. À partir de la sociologie de la traduction, il sera possible de dessiner le réseau de relations dynamiques alimentant les stratégies d’adaptation et de résistance des parties prenantes tout en illustrant les modifications que ces derniers tentent d’imposer aux objets techniques eux-mêmes.
Plus précisément, cette présentation mobilisera des données ethnographiques visant le milieu culturel québécois recueillies dans le cadre d’une étude menée par l’organisme Compétence Culture ainsi qu’à travers différentes initiatives (projet Art-IA et chantier IA) menées par un regroupement de structures associées tant au milieu des arts numériques (Sporobole et la SAT) qu’à l’économie sociale (Llio et Project Collectif).
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Communication orale
Acteurs culturels et politiques de l’IA: une cartographie des mobilisations en France et des imaginaires pluriels de protestation dans la perspective des enjeux de découvrabilitéLaurence Allard (Université Lille)
Cette communication présentera une cartographie des mobilisations critiques des acteurs culturels autour des derniers développements de l’IA générative et des imaginaires de protestation qui s’y trouvent articulés dans la perspective des enjeux de découvrabilité. En prolongeant la méthodologie de la cartographie de controverses sociotechniques (Callon, 2006) tout en suivant l’analyse des formes de protestation (Cefai, 2007) tout en se situant dans le contexte de la tenue d’un « Sommet pour l’action sur l’Intelligence Artificielle » en février 2025, a été procédé à un repérage des acteurs, des argumentaires ainsi que des arènes de controverse quant au déploiement de l’IA générative dans tous les secteurs des ICC. Seront mises en lumière des alliances inédites entre différents acteurs et ce sous des formats d’actions diverses (conférences, ateliers ou déambulations) qui vont articuler à nouveaux frais des motifs d’engagement (Wright Mills, 1940) tels que « justice environnementale », « anti-surveillance », « désinformation », « uberisation de la culture », etc. Ainsi, nous pourrons déplier sur un temps long les imaginaires sociaux de l’IA associés aux positionnements des différents acteurs mobilisés lors de ces journées. Les enjeux de la découvrabilité des contenus culturels seront ainsi appréhendés au prisme des actions collectives auxquelles donnent lieu les récentes propositions politiques en faveur du « tout IA » au sein des ICC et des imaginaires sociaux associés.
Vers une nouvelle kulturindustrie?
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Communication orale
Une nouvelle Kulturindustrie ou retour au source? Une question de prospective de l’industrie culturel et de l’inteligence artificielphilippe fournelle (UQAM - Université du Québec à Montréal)
L’arrivée de l’Intelligence Artificielle Génératives (AIG) durant les trois dernières années apporte son lot de questions éthiques, économique et théorique. Les industries culturelles et créatives (ICC) n’échappent pas à ces nouveaux questionnements. Quel est l’avenir des ICC face à la montée en puissance de l’AIG? Comment répondre à cette question? Les ICC ont déjà posé des gestes discutables en utilisant les innovations à leurs portées. Est-ce que les craintes des artistes au sujet de l’AIG ne seraient ce que la pointe d’un terrifiant iceberg?
L’approche scientifique qu’est la prospective permet, en regardant les événements passés et les différentes options qui existaient pour la résolution des problèmes, ainsi que les solutions adoptées. Cette approche permet de prévoir les évènements et leur implication. Par la même occasion, le structuralisme permet d’analyser des tendances qui sont liées à des structures. Bien que peu utilisé de nos jours, le structuralisme reste une approche efficace pour bien analyser les ICC.Bien sûr, la théorie de l’industrie culturelle de Adorno et Horkheimer est aussi utilisée avec les nuances d'Edgar Morin.
Un des objectifs de cette recherche est de faire ressortir des possibilités de l’AIG qui pourrait être instigué et adopté par les ICC à partir des résultats de recherches et expérimentations déjà effectuer avant l’arrivée de l’AIG dans la sphère publique.
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Communication orale
Pour une théorie critique des interfaces numériques : au-delà du UX, vers une analyse des enjeux sociaux, politiques et culturels du paradigme centré-utilisateur.Guillaume Blum (ETS), Raphaël Guyard (ÉTS - École de technologie supérieure)
Les interfaces façonnent nos actions et nos interactions dans le monde numérique : elles participent ainsi à structurer une représentation du monde qui organise l’information selon les valeurs et les intérêts de ses concepteurs. Cette présentation expose une revue de littérature visant à mettre en lumière la trajectoire de l’idéologie dominante derrière le design des interfaces numériques. En s’appuyant sur l’évolution de la recherche dans les domaines de l’Interactions Humain-Machine (HCI) et du design UX, la présentation a pour objectif de situer les approches actuelles de conception en perspective des décisions managériales observées chez certaines plateformes numériques. La revue s’inscrit dans le cadre d’une recherche doctorale visant à contribuer à une nouvelle théorie critique des industries culturelles à travers l’étude des plateformes de streaming, en prenant en compte les dimensions phénoménologiques, sociales, culturelles et politiques des interfaces.
Découvrabilité(s)
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Communication orale
L’(in)stable diffusion des innovations et l’(in)découvrabilité des contenus culturels: inverser les modèles d’adoption de l’IA et renverser la recommandation des œuvresMaxime Harvey (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Les usages des technologies de l'information et de la communication (TIC) ont été décrits en trois vagues "sociologiques" : 1) la « sociologie de la diffusion » (Rogers, 2003) s'est intéressée au taux d'adoption des technologies, 2) celle de « l'innovation » (Akrich et al., 2013) a décrit les rôles de différents acteurs dans la caractérisation des actions imaginées comme des usages d’objets techniques, 3) et celle de "l'appropriation » (Proulx, 2015) souligne la créativité émergeant des pratiques quotidiennes des utilisateurs. Cependant, l'adoption controversée de l'intelligence artificielle (IA) générative nous oblige à décrire un processus d'inversion de la diffusion de l'innovation : une appropriation des technologies est démontrée a priori de son adoption afin d’en promouvoir les usages, et simultanément intégrée à l’innovation continuelle de celles-ci.
Un constat similaire peut être fait des solutions de découvrabilité de contenus sur les plateformes de diffusion en ligne : alors qu’il est défendu que la recommandation, interpersonnelles plutôt qu’algorithmiques, dépasse en fréquence la recherche active de contenu, plusieurs organisations « innovent » en retournant vers des modèles de curation et de participation collaborative des usagers.
Je défendrai, que ces deux phénomènes s’opposant à l’instable diffusion de l’IA générative et à l’indécouvrabilité de certains contenus peuvent être identifiés à une même économie morale (paradoxale) des industries de l’IA.
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Communication orale
Entre SEO et LLMs : Qui influence la découvrabilité des contenus culturels sur le web?Kouamvi Couao-Zotti (UQAM - Université du Québec à Montréal)
La découvrabilité des contenus culturels est devenue un enjeu majeur pour les industries culturelles, les créateurs de contenu et les utilisateurs du web, notamment en contexte francophone. Le référencement web et les algorithmes de recommandation font partie des facteurs qui influent sur la visibilité des contenus sur le web (Tchehouali & Agbobli, 2020). Le référencement web (SEO) en tant que pratique des professionnels de la communication et du marketing, est un ensemble de techniques visant à optimiser la visibilité des contenus sur le web (Domenget, 2014) et est ainsi intrinsèquement lié aux systèmes algorithmiques des moteurs de recherche. Avec l'essor des Large Language Models (LLMs), un nouvel acteur a fait son entrée dans cet écosystème numérique, produisant des contenus (textuels, multimédias et autres) à la demande et alimentant les moteurs de recherche et les plateformes de recommandation.
Dans cette présentation, nous aborderons l'influence des pratiques professionnelles du SEO, des politiques algorithmiques des moteurs de recherche et des systèmes de recommandation, alimentés par l'IA, sur la visibilité des contenus culturels en ligne. À notre connaissance, aucune recherche scientifique n’a examiné simultanément ces pratiques. Cette présentation a donc pour objectif de poser les bases d'une réflexion interdisciplinaire tout en formulant des recommandations concrètes pour aider les créateurs de contenus culturels à améliorer leur visibilité sur le web.
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Communication orale
Le catalogue des bases de données en culture au CanadaJuliette Denis (Synapse C), Sara Diamond (OCAD University), Michael Li (OCAD University), Elisabeth Madgin (Synpase C), Silvana Sari Novia (OCAD University)
Dans le paysage actuel qui évolue rapidement, le secteur des arts et de la culture dépend de plus en plus de l'analyse des données, une pratique connue sous le nom d'« analytique culturelle ». Cette évolution exige des organismes culturels, de leurs bailleurs de fonds et de leurs publics qu'ils s'engagent plus profondément dans des approches fondées sur les données. Pour comprendre l'impact et l'efficacité des initiatives culturelles, tant au niveau local que mondial, il faut disposer de méthodes complètes de collecte et d'analyse des données (Das et al., 2017).
Cette recherche a pour objectif d’améliorer la capacité analytique du secteur culturel canadien en identifiant les principales sources de données afin d'améliorer la collecte, la découvrabilité et l'analyse des données à l'échelle du secteur. Le projet permettra d’identifier les acteurs de la communauté, les chercheurs et les professionnels de l'industrie, en documentant les efforts et en mettant en relation les chercheurs et les données, en encourageant leur utilisation et en identifiant les lacunes dans les pratiques, y compris le suivi de la provenance des données culturelles, notamment en ce qui concerne les communautés autochtones, garantissant la représentation des données autochtones en appliquant les principes OCAP et CARE.
Économie politique des données culturelles et musicales
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Communication orale
L'empreinte prescriptive des plateformes : données et reconfigurations des stratégies de mise en marché musicaleElsa Fortant (INRS), simon claus (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Les données occupent une place centrale dans l'industrie musicale, et ce bien avant le développement des plateformes numériques de diffusion en ligne. Historiquement, ce sont d'abord les données de vente qui ont servi d'indicateurs de succès, notamment à travers l'attribution de prix et distinctions, comme le disque d'or, instauré en 1975.
Aujourd'hui, les labels et les distributeurs ont accès à une diversité d'indicateurs chiffrés et démographiques via des outils comme Spotify ou Apple for Artists, qui reflètent non seulement les tendances de découverte et de consommation de la musique, mais aussi les critères valorisés par ces plateformes. Ces données influencent directement les stratégies de production et de mise en marché, mais posent aussi la question de la définition du succès musical dans un contexte de consommation éclaté. Ainsi, cette communication explore la question suivante : comment les labels intègrent-ils les données générées par les plateformes dans leurs stratégies de mise en marché de la musique et comment ces données interrogent-elles la notion de succès?
Pour y répondre, nous avons adopté une approche mixte combinant analyse quantitative et qualitative. D'une part, nous avons mené une étude statistique afin d'examiner les corrélations entre les volumes d'écoutes sur les plateformes et laprésence sur les réseaux sociaux. D'autre part, nous avons réalisé huit entretiens semi-dirigés avec des employé-es delabels de différentes tailles basés au Québec.
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Communication orale
des émotion à la musique, et vice-versa : de l'usage des données émotionnelles en musiqueLou Manuel Arsenault (INRS - Institut national de la recherche scientifique), Romuald Jamet (INRS), Camila Rodriguez-bonilla (INRS)
La liste des scandales relatifs aux relation entre musique, IA et plateforme de streaming ne cesse de se démultiplier ces derniers. L'enjeu central se pose sur le placement de contenu généré par IA sur des playlist d'ornementation contextuel et émotionnel d'activité sociale (pelly, 2025) . Au-delà des différents scandales et polémiques relatifs au droit d'auteurs, aux hypertrucages, à la rétribution des artistes ou à la construction algorithmique de l'écoute et de la découverte musical (Kofler, El Moussaoui, et Jamet, 2024; Jamet, Lumeau et Moreau, 2025) nous pensons que la relation entre musique, émotions et IA est arrière fond de ces enjeux : comment les données émotionnelles sont-elles produites et traitées dans le cadre de la consommation musicale en streaming? Sur quels modèles théoriques et pratiques des émotions reposent les différentes IA de production, et de recommandation musicale? Comment les émotions musicales sont-elles captées et produites?
A partir d'une revue de littérature dans le cadre d'une recherche exploratoire, nous présenterons les premiers résultats relatifs aux épistémologies et modèles sous-jacents de ce tournant émotionnel dans le streaming musical.