677 - « Speed-dating » méthodologique : défis et méthodes de la recherche engagée

Les principes positivistes de scientificité (rationalité, objectivité, neutralité) se voient mis à l’épreuve dans des démarches ethnographiques qui se développent au cours d'engagements directs, pratiques et sensoriels avec le milieu de recherche (Aumais et Vàsquez, à paraitre). Adopter cette posture implique de repenser le rapport entre engagement politique et rigueur méthodologique. Le dialogue proposé ici s’inscrit en réponse à des appels récents sur la nécessité d’une réflexion autour de la responsabilité des académiques comme acteur.ices de changements sociaux et des répercussions possibles des connaissances produites. Dans ce contexte, je partagerai quelques expériences mobilisant des approches qualitatives (shadowing, netnographie, auto-ethnographie) dans des projets de recherche récents ainsi que des grilles de lecture articulant les épistémologies féministes et intersectionnelles afin d’aborder quelques défis d’ordre pratiques et éthiques.

L’identité est une lentille à travers laquelle le contexte et les événements peuvent être interprétées, y compris les questions de stigma – et l’identité est aussi un levier clé pour la motivation. Cette présentation porte sur un projet qui se concentre sur l'identité pour mettre en lumière les expériences des personnes racisées, mais aussi pour développer leurs ressources personnelles et collectives. La présentation portera sur deux études expérimentales et collaboratives réalisées dans le cadre du projet « Racines et rêves », qui ont été implantées à Chicago, dans une école publique, et à Montréal, dans une maison de jeunes. Dans les deux cas, mon équipe de recherche et moi avons réalisé des activités interactives invitant les jeunes à explorer et à relier les aspects de leur identité, en particulier les identités raciales/ethniques et futures. Jusqu’ici, les résultats préliminaires suggèrent que les connections identitaires développées par les jeunes favorisent leur motivation jusqu’à plusieurs mois plus tard. Cette présentation mettra l’emphase sur les méthodes novatrices utilisées dans ce projet, qui permettent d’établir la causalité, tout en priorisant la collaboration et en invitant la participation de la communauté. Les forces et les défis associées aux études expérimentales sur le terrain, ainsi qu’à la collaboration et au développement de projets avec la communauté seront discutées.

La plupart des comptes-rendus qui portent sur la recherche engagée sont des récits de réussite. Cependant, en réalité, nous connaîtrons tou.te.s des échecs à un moment ou à un autre dans nos projets de recherche, car il y a tellement de façons dont un projet de recherche engagé bien planifié peut dérailler. Nous pouvons échouer à obtenir un financement. Un projet peut stagner et sembler ne jamais décoller. Même lorsque nous réussissons à obtenir un financement, nous pouvons échouer à impliquer avec enthousiasme des parties prenantes importantes. Et la conséquence de ces différents obstacles peut être l'absence de ressources adéquates pour encadrer les étudiants des cycles supérieurs.    

Cette présentation en format de « speed dating » propose de regarder sous le tapis et de stimuler le dialogue concernant ce sujet délicat. Nous normalisons l'expérience de l'échec en partageant certains de nos propres « récits d'échec » dans le cadre d'un projet de recherche engagée en cours. Dans notre cas, notre terrain de recherche, des organisations de soins de santé, a complètement bloqué l'accès pendant des mois.  De telles expériences pourraient être familières à quiconque a tenté de mener des recherches engagées pendant la pandémie (Rahman et al., 2021). Ainsi, les participants seront invités à partager leurs propres expériences et craintes, et nous discuterons de quelques conseils sur les moyens d’aborder l’échec et les façons d’y chercher des opportunités.

La science et la pratique de la mise en oeuvre (SPMO) dans le domaine de la santé sont des processus rigoureux et planifiés qui visent à réduire l’écart entre la recherche et la pratique. L’utilisation de divers types de connaissances contribue à améliorer l’offre et la qualité des services et soins de santé, de même que les résultats et l’expérience aux soins. En dépit des connaissances dans ce domaine, des critiques ont été soulignées sur l’attention limitée aux facteurs structurels et contextuels qui produisent et reproduisent les inégalités sociales en santé et affectent la qualité de vie et le bien-être des personnes concernées. De plus, les assises théoriques en SPMO se sont peu intéressées à la manière dont les identités et les structures sociales croisées pourraient entraver ou favoriser le succès d'une intervention de mise en oeuvre donnée, ni même de la manière dont elles devraient être prises en compte lors du développement d'une intervention de mise en oeuvre. Dans cette démarche, il y a un intérêt croissant sur l’utilisation de la perspective intersectionnelle comme une avenue prometteuse pour s’assurer de réaliser une recherche qui soit pertinente avec des résultats utiles et applicables pour les utilisateurs finaux, et ultimement d’améliorer les inégalités sociales de santé.

La recherche engagée s’éloigne des standards de la recherche traditionnelle en réinventant les relations avec son terrain. Les réponses classiques pour assurer l’éthique de la recherche (ex. se placer en position d’observation pour éviter les conflits d’intérêt, planifier, en amont du terrain, les méthodes de collecte dans l’optique d’obtenir un consentement éclairé, l’anonymisation systématique des participant.es…) traduisent un positionnement épistémologique différent de celui de bien des formes de recherches engagées qui reconnaissent la co-fabrication des données avec les “participant.es” plutôt que l’analyse neutre de données que lea chercheureuse peut collecter sur le terrain sans en troubler l’essence. D’ailleurs, ces réponses classiques aux considérations éthiques peuvent mener à des enjeux de pouvoirs qui ne sont que rarement pris en considération. Pour ce speed-dating méthodologique, je propose une discussion sur l’éthique de la recherche engagée et sur comment je me suis inspirée d’une éthique du care féministe et de la théorie queer pour réfléchir le design méthodologique de ma thèse qui vise à comprendre les pratiques discriminatoires dans le réseautage entrepreneurial. Les méthodologies queer aident à déconstruire la norme de la relation chercheureuse/participant.e en en révélant les enjeux de pouvoirs latents. L’éthique du care, quant-à-elle, offre des pratiques pour construire ces nouvelles relations basées sur l’interdépendance, la proximité et l’empathie.

Cette session commencera avec la présentation d’un projet qui vise à comprendre comment les attentes des utilisatrices d’Instagram, y compris leurs attentes pour les relations intimes et sexuelles, sont affectées par le contenu et les discours qu’elles affrontent sur les réseaux sociaux. À cet effet, on intègrera dans l’entrevue une méthode qui s’appelle the media go-along (en français : accompagner les médias). Avec cette méthode, la participante prendra son téléphone portable et nous montrera des médias, comme les images et les messages, qui démontreront sa réponse aux questions. En plus de nous permettre d’analyser des médias dans l’entrevue, cette méthode rendra l’entrevue plus intéressante et participative. Le présentateur parlera aussi d’un autre projet qui examine les expériences des adolescents qui subissent la violence sexuelle facilitée par les technologies (« VSFT »). Il vise à identifier quels éducations, politiques et soutiens les adolescents aimeraient avoir pour combattre la VSFT et de créer des ressources et des recommandations de bonnes pratiques. Pour atteindre ces objectifs, notre équipe travaillera avec des adolescents considérés comme nos partenaires de premier plan. Ils nous aideront avec la conceptualisation du projet, l’exécution du projet et la mobilisation des connaissances.

En 2017, une réflexion collective entre le monde académique et communautaire autour des conditions de travail et pratique de gestion dans le secteur communautaire s’est amorcée. De cette réflexion sont nés deux projets de recherche partenariale : l’un portant sur la précarité des conditions de travail dans le secteur et les pratiques de gestion et l’autre sur les répercussions de la pandémie sur les conditions de travail et d’emploi dans les organismes. Parallèlement, la Table nationale des corporations de développement communautaire (TNCDC) a mis sur pied un comité de travail visant initialement à aborder la question de la pénurie de main-d’oeuvre et à s’inscrire dans le discours public autour des enjeux de recrutement et rétention de la main-d’oeuvre en abordant les spécificités du secteur communautaire. Au fil de l’avancement de nos travaux, la collaboration entre les chercheur·euse·s et la TNCDC a permis un aller-retour entre les réflexions théoriques produites dans le cadre de nos recherches partenariales et les réflexions pratiques issues de ce comité de travail. Comment les recherches produites ont-elles influencé le discours et les revendications des acteurs terrain? Quels sont les facteurs décisifs dans la conception méthodologique de la recherche qui ont permis cette réflexion continue et dialogique? À travers cette présentation, nous proposons de revenir sur la chronologie de notre projet de recherche et de porter un regard réflexif sur notre démarche à partir de nos points de vue particuliers d’universitaire et d’agente de recherche dans un regroupement d’organismes.

Que peuvent apporter les approches psychosociologiques cliniques aux participants des recherches qui les adoptent ? Dans cette communication nous souhaitons partager une réflexion épistémologique et méthodologique appuyée sur des exemples de terrain dans une visée de promotion de l’adoption d’une méthodologie clinique pour une réflexivité de ses participants. Nous présenterons la pratique de recherche-action dont nous avons fait l’expérience personnelle lors d’une thèse doctorale avec des consultant.es en management.

Sera ainsi présentée la démarche – ses formes et modalités – les référents théoriques et éthiques sur lesquels elle se fonde, et ce afin de relever sa pertinence d’utilisation pour des recherches critiques et engagées. Les approches psychosociologiques cliniques se présentent comme une méthodologie de co-construction de savoirs critiques à travers l’engagement des chercheur.es. En effet, elles s’inscrivent dans une double visée indissociable. Une première est de nature thérapeutique et vise le « dégagement de la souffrance » (Barus-Michel, 2016) à travers le vécu du sujet. Tels des signes cliniques permettant au médecin de diagnostiquer un mal, la seconde visée est de produire à travers des sens construits sur cette souffrance un savoir scientifique sur des données factuelles, descriptives et sur les représentations des sujets sur ces  données (Blondel, 2007).