Nathalie Lacelle
Le Prix Acfas Adrien-Pouliot 2025, pour la coopération scientifique avec la France, est remis à Nathalie Lacelle, professeure titulaire au Département de didactique des langues de l’Université du Québec à Montréal.
La lauréate se distingue, au Québec comme en France, par ses travaux sur les pratiques éducatives à l’ère du numérique. Des deux côtés, son nom est devenu indissociable du paradigme de la littératie médiatique multimodale. En 2006, elle était invitée par le Centre de coopération interuniversitaire franco-québécois pour réfléchir à l’intégration de la didactique filmique à l’école. Aujourd’hui, toujours en plaçant les jeunes au cœur de ses recherches, les fruits de sa coopération scientifique avec la France sont devenus, rien de moins, que structurels.
C’est dès le début des années 2000 que Nathalie Lacelle s’impose dans le paysage de la recherche en éducation, alors que peu de personnes réalisent encore l’importance des mutations numériques sur les pratiques de lecture et d’écriture. Issue du monde littéraire et didactique, elle pressent très vite que les formes traditionnelles de l’enseignement du français ne peuvent plus ignorer la montée en puissance des écrans, des images, du son, et plus généralement de la multimodalité.
Sa carrière professorale débute en 2008 à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), où elle explore déjà les articulations possibles entre pédagogie, culture et numérique. Puis, en 2013, elle rejoint l’UQAM, en tant que professeure titulaire au Département de didactique des langues. C’est là qu’elle va fonder un véritable pôle de recherche interdisciplinaire autour d’un concept qu’elle contribuera à théoriser, à diffuser et à faire rayonner : la littératie médiatique multimodale.
Dès 2006, ses travaux de didactique trouvent un écho en France, où une préoccupation pour le renouvellement des pratiques éducatives à l’ère du numérique commence à se manifester. S’amorce alors un dialogue scientifique durable, nourri d’échanges constants et de projets communs.
En 2013, elle est ainsi conviée aux Rendez-vous des lettres à Paris, à l’initiative du ministère de l’Éducation nationale de France, pour intervenir sur les approches renouvelées de lecture/écriture dans une culture dominée par les écrans. L’année suivante, à la demande l’UNESCO, elle est invitée, par l’Université de Rouen, à réfléchir aux enjeux de genre en littératie numérique.
Nathalie Lacelle a grandement contribué à structurer un champ de recherche jusque-là dispersé. C’est ainsi que, en 2009, elle crée l’Équipe de recherche en littératie médiatique multimodale (LMM), qui fédère chercheurs, artistes, enseignants et intervenants du monde de l’éducation et de la culture.
Cette même volonté de mise en réseau est à l’œuvre lorsqu’elle organise, en 2013, les Rencontres internationales sur la multimodalité en didactique de la littérature à l’Université Laval. L’événement va d’ailleurs marquer un tournant puisqu’il contribue à faire de la multimodalité une notion incontournable en didactique du français. Depuis, cette thématique irrigue la recherche dans la francophonie et inspire de nouvelles politiques éducatives.
En 2015, elle sera de la Commission permanente de coopération franco-québécoise : projet Lire et écrire avec les ressources numériques et multimodales, qui donne lieu au 1er colloque international sur l'Enseignement de la littérature avec le numérique, le 2e se tiendra à BAnQ en 2019 et un 3e, au Congrès de l'Acfas en 2023)
Entre 2017 et 2022, Nathalie Lacelle dirige une chaire institutionnelle en littératie médiatique multimodale à l’UQAM. Toujours en 2017, elle devient responsable du Laboratoire virtuel sur l’édition et l’éducation aux œuvres numériques jeunesse, dont elle tient toujours les rênes. Puis, en 2020, elle cofonde la revue scientifique Multimodalité, dont elle est toujours la rédactrice en chef.
La coopération scientifique entre Nathalie Lacelle et la France n’est pas qu’occasionnelle : elle est structurelle. C’est ainsi qu’elle collabore avec des universités et laboratoires de renom, comme COSTECH (Compiègne), LIRDEF (Montpellier), CREM (Lorraine), LINE (Nice) ou encore LLA CREATIS (Toulouse). Elle travaille étroitement avec plusieurs chercheuses et chercheurs français, participe à des jurys de thèses et d’habilitation (HDR) à Paris, Rouen, Toulouse ou Lille, et accueille régulièrement des stagiaires postdoctoraux français à l’UQAM.
Plusieurs des proches collaboratrices françaises de Nathalie Lacelle ont, en outre, participé à l’élaboration, pour le ministère de l’Éducation nationale de France, de programmes d’étude sur le numérique et la littératie en France. Ce qui s’est traduit par la création de ressources et de formations, notamment, sur les sites Éduscol et Canopé la Bibliothèque nationale de France.
L’influence et l’engagement de Nathalie Lacelle dépassent aussi les milieux universitaires. On peut notamment citer sa contribution essentielle à la mise en place de Lab-yrinthe, une plateforme québécoise de diffusion d’œuvres numériques jeunesse. Une ressource qui, d’une part, permet aux chercheur·seuses et enseignant·es de découvrir des œuvres multimodales adaptées au travail en classe, et, d’autre part, de leur proposer des pistes didactiques pour mener ces expérimentations sur le terrain.
Toujours à l’avant-garde, Nathalie Lacelle mène présentement ses recherches sur des thématiques d’une brûlante actualité : l’intelligence artificielle générative en éducation, les littératies en contexte de réalités étendues (virtuelles, augmentées et mixtes), ou encore les compétences médiatiques numériques des adolescents. À ce chapitre, elle a récemment codirigé un vaste projet international qui a permis de recueillir des données sur plus de 4 000 jeunes, répartis entre le Québec et la France, afin d’évaluer leurs niveaux de compétences en recherche d’information et en production médiatique numérique.
C’est dire que, depuis plus de vingt ans, Nathalie Lacelle a patiemment construit une œuvre rigoureuse, inventive, et profondément engagée dans le réel. Non seulement elle a contribué à l’émergence d’un nouveau domaine d’études, mais elle a également réussi à en assurer la reconnaissance institutionnelle, tant dans les milieux universitaires que dans les politiques éducatives. Elle a su privilégier la circulation des idées et la mutualisation des savoirs afin d’œuvrer à la transformation des pratiques pédagogiques. Et ce, bien sûr, grâce à une approche tout aussi polyvalente que polysémiotique…