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Photo de Sylvie Belleville
Sciences biologiques et sciences de la santé

Sylvie Belleville

Université de Montréal

Le prix Acfas Léo-Pariseau, pour les sciences biologiques et les sciences de la santé, est remis à Sylvie Belleville, professeure au Département de psychologie de l’Université de Montréal.

Il y a beaucoup d’intérêt pour les travaux qui œuvrent à traiter nos têtes, et ce tout au long du parcours de nos vies, de plus en plus longues. Chez la lauréate, c’est en neuropsychologie des démences que se tracent des avenues porteuses sur le plan théorique, mais aussi, déjà applicables auprès de nombreux patients. Avec son équipe, elle a démontré qu’un train d’exercices cognitifs, administrés à des patientes et des patients présentant un stade précoce de la maladie d'Alzheimer, réussissait à activer des zones cérébrales alternatives pour prendre le relais des aires de mémoires précocement détériorées en début de maladie.

Cette souplesse du cerveau, cette multifonctionnalité possible des différentes aires est un phénomène qui relève de la « plasticité cérébrale ». La chercheuse a su tirer parti de cette capacité du cerveau à remodeler ses connexions en fonction des expériences vécues par l'individu. Dans le cas de maladie d'Alzheimer (MA), il y a notamment une perte précoce des cellules de l’hippocampe, spécialisées dans la mémoire. L’ensemble d’exercices cognitifs, développé par la chercheuse, vise à doter d’autres neurones, a priori non spécialisés dans la mémoire, à prendre la relève.

La professeure Belleville fut l’une des premières à utiliser l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle pour mesurer avec exactitude l’effet physiologique de ces interventions cognitives, révélant ainsi les phénomènes de plasticité cérébrale à l’œuvre dans les stades précoces de la MA; et conséquemment la possibilité de mobiliser, par des interventions non pharmacologiques, ces mécanismes plastiques.

Encouragé-e-s par ces résultats, la chercheuse et son groupe ont développé, validé et évalué une foule d’interventions cognitives, potentiellement préventives, et ce en élargissant les groupes de populations visées à tout le spectre du vieillissement : c’est-à-dire en intégrant autant les personnes âgées normales que celles présentant un trouble cognitif léger ou celles pleinement atteintes de la MA. Ce travail précurseur a mené au développement d’approches cliniques aujourd’hui implantées partout dans le monde. L’une des grandes qualités d’une recherche médicale n’est-elle pas de pouvoir passer aisément du laboratoire aux malades, dans les situations de grande urgence?

Professeure titulaire au département de psychologie de l’Université de Montréal, Sylvie Belleville s’est fait aussi largement connaître comme directrice du Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal (CRIUGM), le plus grand centre de recherche en gériatrie de la francophonie (59 chercheur-se-s, 350 étudiant-e-s, 100 technicien-ne-s) dont elle a tenu les rênes, de 2009 à 2021.

Un autre des points tournants des travaux de cette leader et de son équipe est d’avoir caractérisé le phénotype cognitif de la MA ainsi que sa trajectoire, et d’en avoir expliqué l’impact délétère sur l’adaptation des patient-e-s. En montrant l’atteinte précoce des fonctions exécutives, elle a prouvé que l’effet ne se limite pas à la mémoire, comme on le croyait auparavant. Cela l’a amenée à combiner différents marqueurs pour identifier les phases les plus précoces de la MA. En combinant des mesures cognitives fines et l’imagerie cérébrale, Sylvie Belleville a mis au jour des marqueurs sensibles et spécifiques qui prédisent la survenue ultérieure des signes plus sévères. Elle a d’ailleurs été la première au Québec à défendre qu’il fallait travailler sur le prodrome, soit sur les premiers signes de la MA en examinant le trouble cognitif léger et plus récemment, le déclin subjectif de la mémoire. Cela a eu un impact majeur sur le domaine puisqu’on reconnaît maintenant que la maladie débute des années, voire des décennies avant le diagnostic courant et qu’il faut agir pendant la phase prodromale. Réduire considérablement l’incertitude du diagnostic précoce contribue à une meilleure prise en charge des patient-e-s.

Tout au long de sa carrière, la professeure Belleville se sera engagée à mettre en place des structures qui font avancer les connaissances et la recherche. En 2013, elle a fondé le Consortium québécois pour l’identification précoce de la maladie (CIMAQ), dont un des objectifs fut de constituer une cohorte de patient-e-s aux premiers stades de la maladie d’Alzheimer, augmentant ainsi les chances d’en identifier des marqueurs encore plus précoces. En 2018, elle est devenue titulaire de la Chaire de recherche du Canada en neuroscience cognitive du vieillissement et plasticité cérébrale. Ces deux engagements traduisent bien aujourd’hui la longue odyssée qui fut la sienne depuis ses premiers pas en laboratoire.

Le vieillissement populationnel à l’œuvre dans de nombreux pays de la planète laisse présager des besoins qui ne cesseront de s’accroître. Interrogées sur leurs priorités en matière de santé, les personnes âgées insistent sur l’importance de s’attarder aux conditions susceptibles de compromettre leur qualité de vie et leur dignité, les troubles cognitifs étant leur toute première préoccupation. Une préoccupation que la lauréate au cœur des travaux de la lauréate, sans contredit.