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Portrait de Michel Biron
Sciences humaines

Michel Biron

Université McGill

Le prix Acfas André-Laurendeau 2021, pour les sciences humaines, est remis à Michel Biron, professeur au Département des littératures de langue française, de traduction et de création de l’Université McGill.

Le lauréat est l'un des rares spécialistes de la littérature québécoise à travailler sur l'ensemble de son histoire ainsi que sur une grande diversité de formes littéraires : roman, poésie, essai, texte épistolaire. De plus, il n'a cessé de lier étroitement l'étude de la société et celle de la littérature, non pas en partant de la première pour comprendre la seconde, mais, à l'inverse, en prenant appui sur la littérature pour révéler les grandes lignes de force des sociétés – québécoise, belge, française – et des époques – moderne, contemporaine – dont elle relève et qu'elle se trouve à éclairer.

Combien de fois avons-nous entendu, durant nos études, de la bouche de mentors particulièrement inspirant-e-s, que ce qui compte en recherche ce ne sont pas tant les réponses que les questions? La puissance d’une question résiderait dans sa capacité à ouvrir des champs d’interprétation inédits. L’actuel lauréat est reconnu pour la finesse, la perspicacité́ et l'envergure des questions qui sont les siennes. Dans son étude fondatrice, publiée en 2000, L'Absence du maître. Saint-Denys Garneau, Ferron, Ducharme, il explore l'hypothèse voulant que la littérature québécoise se développe depuis ses tout débuts non pas selon un principe de tradition ou d'héritage, comme la plupart des autres littératures, mais à travers une quête sans cesse renouvelée de « recommencements » ou de reprises.

Avant de se spécialiser dans le domaine québécois, Michel Biron a consacré sa thèse de doctorat à la littérature belge francophone. Sur ce sujet, il a par la suite codirigé un ouvrage majeur, Histoire de la littérature belge francophone (2003). Cette double connaissance des littératures et des institutions littéraires belges et québécoises constitue sans doute une des grandes originalités du parcours de chercheur de Michel Biron, le passage par une autre culture francophone lui permettant de situer ces deux cultures en regard de la francophonie, et non pas seulement par rapport à Paris comme on le fait d'habitude (pour le Québec aussi bien que pour la Belgique).

En 2007, Michel Biron cosigne une étude proprement unique avec François Dumont et Élisabeth Nardout-Lafarge, Histoire de la littérature québécoise. Celle-ci se distingue par une relecture de l'histoire littéraire du Québec fondée sur les œuvres et les liens se dessinant entre elles (thématiques, analogiques ou stylistiques), plutôt que sur des questions de contexte, comme la plupart des autres synthèses. Novateur dans ses découpes temporelles comme dans ses hypothèses (notamment en montrant le rôle joué par les formes dites mineures – récits de voyage, textes épistolaires, essais – dans le développement de la littérature québécoise), cet ouvrage s'est imposé auprès des chercheuses et chercheurs du domaine comme un outil de référence majeur – et souvent comme l'outil de référence premier. Cette somme historique est aujourd’hui utilisée dans les cégeps et les universités comme un « incontournable » de la littérature québécoise.

Plus récemment, les travaux du professeur Biron ont porté sur l'œuvre de Saint-Denys Garneau, avec la publication, d'abord, d'une importante biographie, De Saint-Denys Garneau (2015), puis d'une imposante édition critique des Lettres du poète (2020) dans la collection Bibliothèque du Nouveau Monde. Beaucoup plus qu'une simple étude de la vie de Garneau et des réseaux qui furent les siens (et notamment ses liens amicaux avec André Laurendeau), le premier ouvrage propose, grâce à la découverte de documents inédits, mais aussi grâce à l'analyse très fine des poèmes, une relecture intégrale de l'œuvre, qui nous est donnée à voir sous un jour plus lumineux, plus inventif et plus proprement singulier que ce qu'en livre l'histoire littéraire usuelle. Quant au second ouvrage, il augmente et corrige de façon considérable les publications jusque-là très fragmentaires de la correspondance de Garneau (plus du tiers des 460 lettres réunies par Michel Biron sont entièrement ou partiellement inédites).

Il ne fait pas de doute que les ouvrages de Michel Biron constituent des contributions majeures aux études québécoises. Peu d’analyses donnent accès à une compréhension aussi organique de la littérature québécoise, proposent autant de liens entre ses œuvres – tout particulièrement pour le domaine contemporain, qui n'est jamais isolé des productions antérieures –, de sorte que ses travaux sont lus par les spécialistes d'à peu près tous les domaines de la littérature québécoise.

Et rappelons que le professeur Biron n'a cessé́ de lier étroitement l'étude de la société et celle de la littérature. C'est ainsi que L'Absence du maître et La Conscience du désert sont très souvent cités par les historiens et les sociologues, ces deux études dépassant les frontières de la seule littérature pour s'ouvrir à la compréhension élargie de l'imaginaire social et culturel québécois. Ce rayonnement tient à la nature même des questions abordées – rapport entre le centre et la périphérie, manière d'hériter ou non de la culture, quête du non conflit – mais aussi au fait que ces questions sont traitées dans une prose d'une clarté et d'une intelligence remarquables.

Il importe également de souligner l'engagement très fort de Michel Biron dans la formation d’une relève (plus d'une cinquantaine de thèses de doctorat et mémoires de maîtrise déposés ou en cours). Plusieurs des étudiant-e-s et stagiaires postdoctoraux qu'il a supervisé-e-s poursuivent aujourd'hui des carrières universitaires : Stéphanie Bernier (Université de Montréal), Luc Bonenfant (UQAM), Sylvain David (Université Concordia), Martine-Emmanuelle Lapointe (Université de Montréal), Frédéric Rondeau (University of Maine), Ching Selao (University of Vermont) et David Vrydaghs (Université de Namur).