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Sonia Lupien
Multidisciplinarité

Sonia Lupien

Université de Montréal

Le prix Acfas Jacques-Rousseau 2018, pour la multidisciplinarité, est remis cette année à Sonia Lupien, professeure au département de psychiatrie de l’Université de Montréal

« L’apaisement réside en chacun de nous. » Ces mots du Dalaï Lama transmettent, on ne peut mieux, l’esprit qui anime les recherches de la lauréate. Cet apaisement passe, entre autres, par l’amour du stress, dit-elle. Car s’il est parfois délétère, celui-ci n’en est pas moins essentiel. D’un côté, la chercheuse est reconnue pour avoir démontré scientifiquement l’importance des effets du stress sur le comportement et sur le cerveau humain alliant neurosciences et sciences sociales. De l’autre, c’est son constant souci de transfert des connaissances qui la caractérise. Pensons, par exemple, à cette manière de présenter ses travaux sur la réponse au stress à partir de quatre indicateurs psychosociaux : perte de Contrôle, Imprévisibilité, Nouveauté et menace à l’Égo (C.I.N.É). Ce concept novateur illustre on ne peut mieux la nature multidisciplinaire de ses travaux, car il nécessite la convergence de plusieurs disciplines dont les neurosciences, l'endocrinologie, l’analyse des comportements et l'imagerie cérébrale.

Sonia Lupien est reconnue dans le monde scientifique pour avoir démontré les effets des hormones de stress sur deux grandes régions du cerveau, l'hippocampe (chez la personne âgée) et l'amygdale (chez l'enfant). Elle œuvre dans le domaine de la psychoneuroendocrinologie.  Ce mot, à lui seul, traduit la nature multidisciplinaire de ses travaux, alliant ainsi psychologie, neurosciences et endocrinologie.  Elle a d’ailleurs été nommée présidente de l'International Society of Psychoneuroendocrinology qui regroupe les chercheurs du monde entier oeuvrant dans ce domaine.

Côté scientifique, en 2009, soulignons entre autres, la publication d’un article Nature Reviews Neurosciences qui sera abondamment cité. « Life cycle model of stress » est un des premiers articles à proposer un lien entre les différentes phases du développement du cerveau humain et l'impact du stress qui varie selon cette croissance. La recherche propose le « modèle de cycle de vie du stress », une approche basée sur la synthèse des connaissances des effets du stress de la période prénatale à la vieillesse, chez l'animal et chez l'homme.

Côté transfert des connaissances, Sonia Lupien publie l’année suivante, en 2010, Pour l'amour du stress. Un grand succès, cette fois auprès des professionnels de la santé et de l’éducation, et du grand public. L’ouvrage bouleverse de nombreuses préconceptions, dont l’idée que le stress serait une maladie; au contraire, écrit-elle, sans stress le genre humain ne saurait survivre. Elle guide même le lecteur dans une utilisation constructive de son stress dans la vie de tous les jours. C’est tout simplement le tout-le-temps du stress qui poserait problème; le stress chronique ayant, entre autres, un impact dévastateur sur la mémoire.

La chercheuse réalise aussi des travaux sur la réaction au stress selon le sexe (différences biologiques entre hommes et femmes) et le genre (différences entre hommes et femmes basées sur la culture). Alliant neurosciences et sciences sociales, elle établit entre autres que bien que les hommes aient tendance à réagir plus fortement au stress que les femmes, c’est en fait l’adoption de rôles masculins – chez les hommes comme chez les femmes – qui est le meilleur prédicteur d’une production anormalement élevée d’hormones de stress chez les travailleurs.

En 2008, elle accepte la direction scientifique du Centre de recherche Fernand-Seguin de l'Hôpital Louis-H. Lafontaine. Elle amène alors le centre dans une toute nouvelle direction, combinant la fine pointe de la technologie à la médecine translationnelle, une approche qui articule finement les applications concrètes, les théories scientifiques et les découvertes de laboratoire. Désormais multidisciplinaire, le centre réalise des études de neurobiologie humaine en utilisant des technologies de communication pour venir appuyer le traitement des patients. En collaboration avec l’École de technologie supérieure, par exemple, la lauréate a contribué à développer avec les chercheurs du centre de recherche des applications mobiles pour aider les personnes stressées ou les patients psychiatriques; applications qui respectent les thérapies et facilitent la réintégration sociale. De plus toujours au Centre, elle a mis sur pied une biobanque qui cumule 380 000 données psychosociales et 32 000 données biologiques, recueillies auprès de 1200 patients. C’est désormais la plus grande collection au monde de données biologiques, psychiatriques et cliniques concernant des individus ayant des problèmes de santé mentale.

Depuis plus d’une décennie, Sonia Lupien n’a de cesse de communiquer à des publics de tout âge. En 2004, par exemple, elle fonde le Centre d’études sur le stress humain, qui a pour mission de transférer des informations validées scientifiquement au grand public, et aux professionnels de la santé et de l’éducation. Le site stresshumain.ca est devenu depuis un véritable centre de référence. De plus, on y publie le Mammouth Magazine, un magazine traduisant les dernières données scientifiques sur le stress en des termes claires et compréhensible pour le public. En 2005, elle crée aussi avec son équipe Mon fantastique cerveau pour les jeunes de 7 à 11 ans afin de les initier aux neurosciences.

En 2010, elle réalise une étude qui démontre que lorsque les jeunes adolescents font la transition à l’école secondaire, certains produisent une concentration très élevée d’hormones de stress qui est associée à la présence de symptômes dépressifs. Pour aider à la transition, avec son équipe, elle développe le programme DéStresse et Progresse. Depuis, une étude a démontré que les ados exposés au programme montrent une diminution significative des hormones de stress et de la symptomatologie dépressive. Depuis, elle forme chaque année plus de 400 professeurs qui peuvent à leur tour offrir le programme aux adolescents dans les milieux scolaires.  À ce jour, plus de 65 000 adolescents ont bénéficié du programme par l'entremise des professeurs. Une telle approche collaborative entre les chercheurs et les professionnels de l’éducation est un exemple parfait d’une science et d’un transfert réussi, bref de ce qui caractérise merveilleusement bien la lauréate.