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Sonia Guillemette - Concours de vulgarisation - 2009
Lauréate

Sonia Guillemette

UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières

Le cerveau : un organe plastique!

Imaginez-vous un instant en plein centre-ville de Montréal, avec l’intention de traverser un boulevard.  Jusque là, tout va bien.  Refaites l’exercice, cette fois en traversant les yeux fermés!Au quotidien, 80% des informations traitées par notre cerveau sont de nature visuelle.  À quoi s’occupe donc cet organe lorsque nos yeux ne l’alimentent plus en information?

Un cerveau bien organiséLes images et les sons de notre environnement sont captés par nos organes sensoriels, tels que nos yeux et nos oreilles.  Ces informations sont acheminées, par de multiples relais, au cortex.  Cette couche superficielle de notre cerveau permet à notre espèce d’être différente des autres animaux.  C’est à ce niveau que se joue la conscience et le langage, mais aussi le traitement fondamental de l’information captée par les sens. L’information sensorielle n’est pas dirigée au cortex aléatoirement, bien au contraire.  Le cortex est organisé en régions, telle pays subdivisé en provinces.  Des régions sont donc spécialisées dans le traitement d’informations associées spécifiquement à la vue ou à l’ouïe. 

Rien ne se perd, on récupère!Le cerveau n’aime pas travailler à vide. Tant qu’à maintenir en vie des milliards de cellules nerveuses, aussi bien les faire travailler!   En effet, lors de la perte de la vision, la zone traitant cette information, le cortex visuel, sera récupéré par d’autres modalités ou fonctions.  Ce phénomène est appelé « plasticité intermodale».  On a d’ailleurs démontré chez des personnes aveugles depuis l’enfance, l’activation des neurones du cortex visuel suite à l’écoute de Bach ou à une activité tactile comme la lecture du braille.   Cette activité du cortex visuel chez les aveugles de naissance démontre donc une réorganisation des connexions du cerveau. Tout le sous-réseau destiné aux informations visuelles se met  à traiter des données auditives et tactiles.  Ce phénomène explique que les aveugles obtiennent de meilleures performances dans la localisation des sources sonores que les personnes dotées d’une vision normale. On peut visualiser les connexions dans le cerveau de la même façon qu’il est possible de cartographier un réseau de câblages téléphoniques entre différentes villes.  Chez la souris aveugle ayant subi très tôt une perte de vision, des expériences ont permis de valider la présence de liaisons directes entre le cortex visuel, désormais inutilisé, et les cortex auditif et tactile.

Une vision d’avenirLa réorganisation de la connectivité, observée chez l’aveugle précoce, n’est pas observée suite à une perte tardive de la vision.  En effet, le cerveau d’un jeune enfant fait preuve d’une grande plasticité, c’est-à-dire qu’il est apte à intégrer plus d’informations nouvelles que le cerveau adulte.  Pensons par exemple à l’apprentissage d’une nouvelle langue qui est beaucoup plus aisé à réaliser durant la jeune enfance.  Cette capacité adaptative du cerveau peut par contre être perçue comme un couteau à double tranchant.  D’une part, la plasticité peut favoriser l’adaptation des personnes aveugles, mais d’un autre côté, elle peut diminuer le succès d’une implantation de prothèse visuelle, introduite au niveau du cortex cérébral.  Récupéré par les autres sens, le cortex visuel n’est plus aussi disponible pour le traitement d’informations visuelles. C’est pour cette raison qu’il est impératif d’obtenir une meilleure connaissance de l’ensemble des changements survenant dans le cerveau des personnes aveugles. La détermination du moment auquel ils surviennent sera grandement utile pour évaluer les chances de réussite d’implantation de prothèse visuelle corticale.  Un jour, il sera alors peut-être possible pour les aveugles de faire une discrimination grossière des formes et de naviguer plus facilement dans un environnement qui leur est non familier.  De quoi nous donner une belle vision du futur…