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Dominique Drullion - Concours de vulgarisation - 2008
Lauréate

Dominique Drullion

UdeM - Université de Montréal

Le comportorment amoureux des oiseaux

Source : Dominique Drullion
Famille de diamants mandarins

Concours de vulgarisation de la recherche 2008

S’informer pour mieux choisir

Tout au long de leur vie, les animaux comme les humains font face à des choix décisifs dont l’objectif final est la transmission de leurs propres gènes. Quoi, quand et où manger?Avec qui coopérer et qui trahir ? Mais la préoccupation essentielle est : avec qui et où se reproduire? Après s’être informés sur les différentes options, ils choisiront celle qui leur semble être la plus avantageuse et ainsi les choix individuels contribueront à l’évolution de l’espèce.

Dans un groupe, il y a deux façons d’appréhender les alternatives présentes dans l’environnement. Soit on utilise l’information privée acquise au travers de notre expérience personnelle. Soit on utilise l’information sociale produite par nos pairs.Depuis de nombreuses années, les écologistes du comportement accumulent des preuves démontrant que les animaux sont influencés par leurs congénères dans leurs prises de décisions, ce qui permet d’affirmer que leurs choix peuvent être déterminés autrement que par l’éducation reçue d’un parent, et ce, dans une vaste gamme de situations.

Comment choisir son partenaire?

Si on s’amuse souvent des ressemblances comportementales entre les hommes et les animaux, il existe un domaine où ce rapprochement est particulièrement croustillant : le choix du partenaire et la fidélité du couple. Ces comportements « amoureux » sont généralement étudiés chez les oiseaux. Dans ce groupe, les femelles sont reconnues pour choisir les mâles les plus colorés, les plus dominants ou les plus mélodieux. Ces caractéristiques les renseignent sur la qualité génétique, le système immunitaire, la qualité parentale ou encore sur la valeur du territoire de leur soupirant potentiel. La préférence de ces caractères a longtemps été considérée comme fixe et entièrement déterminée génétiquement. Cependant, plusieurs études chez les polygames et, récemment, quelques études chez les monogames montrent que les femelles peuvent être influencées dans leurs préférences par le choix de leurs voisines.Ainsi, elles peuvent tout à coup préférer le mâle le moins attirant au départ, simplement parce qu’elles ont observé d’autres femelles le courtiser. Encore plus surprenant, les femelles sont capables de généraliser cette préférence à tous les mâles ressemblant « physiquement » au mâle courtisé.L’imitation dans le choix du partenaire permet de réduire les coûts, en termes de temps et d’énergie, liés à la recherche d’un prétendant. De plus, les jeunes femelles sans expérience augmentent leurs chances de choisir un partenaire de bonne qualité en se basant sur le choix de femelles plus expérimentées.

L’herbe est-elle plus verte dans le nid du voisin?

Une fois un partenaire trouvé il est reconnu que chez les oiseaux monogames environ 70 % des espèces commettent des infidélités ou divorcent. Beaucoup d’études ont été menées sur les divorces et, si on comprend maintenant que les moeurs de reproduction (fidélité au site, au nid, migration, etc.) peuvent expliquer la variation de fidélité d’une espèce à l’autre, les variations de comportements au sein d’une même espèce restent encore mal comprises.Une partie de l’explication pourrait résider dans l’utilisation de l’information sociale. Puisque les femelles sont capables d’apprendre par imitation et de choisir ainsi un partenaire reproducteur, elles pourraient tout autant utiliser l’information fournie par les voisins pour décider du devenir de leur couple. Ainsi, en manipulant de façon expérimentale le succès reproducteur de plusieurs couples de diamants mandarins, nous avons pu établir que, lorsqu’ils ont l’opportunité d’observer d’autres couples pendant tout le processus de reproduction, les oiseaux parviennent à estimer s’ils font mieux ou moins bien que leurs congénères en termes de nombre de jeunes amenés à l’indépendance. Les individus peuvent alors tirer les conclusions nécessaires à l’amélioration de leur performance reproductrice; en résulte soit un renforcement du couple soit un divorce. Certains se permettent même quelques escapades temporaires dans les ailes d’un voisin plus performant, le temps d’une copulation hors couple...

La politique du moindre effort

Les femelles estimant pouvoir améliorer leur performance en changeant de partenaire choisiront un nouveau partenaire en fonction notamment de ses qualités de père. En effet, chez les monogames, l’aide des deux parents est en général nécessaire depuis la couvaison jusqu’au sevrage des jeunes pour assurer la survie de la progéniture. Or, dans un couple, chacun pratique la politique du moindre effort en essayant de contraindre l’autre à travailler pour deux et à assurer la survie de la famille. Ce conflit des sexes aboutit parfois à l’élaboration de toutes sortes de stratégies et les femelles font preuve d’une grande imagination dans le domaine. Elles peuvent aller jusqu’à se blesser pour faire croire au partenaire que seules elles n’y arriveraient pas.Elles sont également capables de faire croire à plusieurs mâles qu’ils sont les géniteurs probables de cette magnifique progéniture pour s’assurer d’une aide multiple dans le nourrissage et l’élevage des jeunes. Enfin, elles vont jusqu’à manipuler le degré de testostérone déposé dans l’oeuf en formation pour altérer l’intensité de quémandage des jeunes et obliger le mâle à fournir un maximum de soins. Vu tous ces stratagèmes, les mâles n’ont plus qu’à se montrer créatifs pour résister à cette véritable course au moindre effort.

Vers la notion de « culture » animale

Les oiseaux, comme beaucoup d’autres groupes taxonomiques, sont donc capables, et parfois dans leur intérêt, d’utiliser une information produite par leurs congénères pour décider de ce qui est le mieux pour eux et pour la propagation de leurs gènes. La capacité de pouvoir apprendre et transmettre une information autrement que par les gènes est intéressante car elle fournit les prémisses de ce que plusieurs chercheurs appellent la « transmission culturelle » de l’information. Cette transmission, si elle se vérifie, est particulièrement importante pour la compréhension des processus de sélection et d’évolution, car elle se propage beaucoup plus rapidement que la transmission génétique, puisqu’elle peut avoir lieu non seulement entre parents et enfants mais également entre frères et soeurs, cousins et cousines ou encore entre voisins.La culture au sens biologique du terme ne serait donc pas uniquement la propriété des humains.