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Luc Pellecuer - Concours de vulgarisation - 2007

Luc Pellecuer

ÉTS - École de technologie supérieure

Les carrefours giratoires : petit tour de la question

Source : Lun Pellecuer
Exemple de carrefour giratoire

Concours de vulgarisation de la recherche 2007

L’art de tourner en rond

Au début du 19e siècle, avant même que les automobiles ne s’accaparent nos routes et nos rues, la densification des villes et de la circulation routière commença à provoquer de nombreux embouteillages aux intersections des grandes métropoles. Eugène Hénard, architecte à la ville de Paris, eut alors l’idée originale de placer au centre des croisements problématiques un obstacle, un îlot central, qui forcerait les véhicules à tourner autour de cet obstacle pour traverser l’intersection. Ce type d’intersection, appelé rond-point, crée un flux ininterrompu de véhicules autour de l’îlot central, ce qui permet de fluidifier la circulation dans l’intersection. Les grandes capitales virent alors naître de prestigieuses places surmontées d’une statue ou d’une fontaine. Mais, dans les années 1950, la popularisation de l’automobile posa de nouveaux problèmes de congestions et les ronds-points perdirent de leur popularité. Cependant, l’idée de tourner en rond ne fut pas délaissée chez les Britanniques… En 1966, au Royaume-Uni, on établit un nouveau régime de priorité. Désormais, les véhicules entrant dans l’intersection devraient céder la priorité à ceux y circulant déjà. Ce changement de régime de priorité, allié à plusieurs modifications géométriques destinées à améliorer la fluidité et la sécurité de la circulation, sonna l’avènement d’un tout nouveau type d’intersection : le carrefour giratoire.

Une intersection qui fait le tour du monde

Là où ses ancêtres n’apportaient que des résultats moyens, le carrefour giratoire s’impose face aux intersections conventionnelles comme une option plus qu’intéressante. Après le Royaume-Uni, il conquiert tour à tour l’Europe continentale, l’Océanie puis toutes les autres régions du globe. Et, partout, il rencontre le même enthousiasme. En France, le succès est phénoménal : de quelque 500 carrefours giratoires au début des années 1980, on en compte plus de 25 000 vingt ans plus tard!

Pourquoi un tel succès? La principale raison demeure dans ses deux principaux atouts que les ingénieurs apprécient particulièrement : la capacité et la sécurité. Aux intersections converties en carrefours giratoires, on observe une augmentation de 30 % de la capacité. C’est-à-dire que l’absence de feux ou de panneaux « arrêt », imposant des arrêts inutiles, permet à près d’un tiers de véhicules supplémentaires de traverser l’intersection. Pour les automobilistes, cela se traduit par une diminution de la durée du temps de parcours. L’amélioration des conditions de circulation contribue de plus à la préservation de la qualité de l’air. En effet, la conversion d’intersections conventionnelles en carrefours giratoires induit une réduction significative des émissions de gaz à effet de serre par les véhicules (entre 20 et 60 % selon les gaz). Cela est principalement dû à la diminution du temps d’attente à l’intersection et à la simplification des manoeuvres d’arrêt et de départ à la priorité aux carrefours giratoires, puisque l’arrêt n’est pas obligatoire si la voie est libre.

La conversion des intersections conventionnelles en carrefours giratoires apporte également un important gain de sécurité. Lors d’une telle opération, le nombre total d’accidents diminue très fortement, jusqu’à plus de 80 % avec les règles de conception actuelles.  Deux particularités, absentes des intersections conventionnelles, expliquent ces résultats. Tout d’abord, la réduction de la vitesse de circulation dans l’intersection parce que l’îlot central oblige les automobilistes à ralentir avant d’entrer dans l’intersection. Ensuite, l’absence de collision violente entre les véhicules parce que les collisions ne se font plus à angle droit. Dans la pratique, non seulement les accidents sont moins nombreux, mais ils y sont surtout moins graves.La recherche ne cesse de perfectionner les règles de conception, notamment pour accroître la sécurité des usagers les plus vulnérables : les cyclistes et les piétons bénéficient à ce jour d’une baisse respective de 30 % et 60 % seulement de leur nombre d’accidents. En analysant encore plus précisément les différentes caractéristiques du carrefour giratoire, on peut parvenir à déterminer la conception la plus efficace représentant le meilleur compromis entre la sécurité et la capacité. Parmi ces paramètres, on retrouve, entre autres, le diamètre de l’îlot central, la déflexion de la trajectoire des véhicules et le nombre et la largeur des voies.Le potentiel du carrefour giratoire représente un tel atout pour les professionnels de la route qu’un véritable phénomène de mode s’impose parfois de façon incontrôlable. Ainsi, les planificateurs et les entrepreneurs l’implantent souvent à tort et à travers, au mépris du bon sens et des recommandations des chercheurs, provoquant des problèmes d’efficacité et de sécurité à l’intersection. Pourtant, chaque implantation de carrefour giratoire devrait s’accompagner d’un examen de son environnement pour qu’il intègre au mieux, dans sa géométrie et sa signalisation, les particularités régionales et locales telles que la longueur et le poids des véhicules, les limites de vitesse ou le climat.

Le Québec entre dans la ronde

Actuellement, malgré la mauvaise réputation qu’il a héritée du rond-point, le carrefour giratoire est en voie de s’imposer au Québec. Avant de l’implanter à grande échelle, il est cependant nécessaire de se poser quelques bonnes questions. Quelles sont les caractéristiques de cet aménagement qui amèneront un résultat optimal, à la fois en termes de sécurité et de capacité ? Devrait-on s’aligner sur les directives anglaises, françaises, australiennes, américaines... ? Et quelles sont les spécificités québécoises à prendre en compte pour établir les normes de construction ? En 2002, le ministère des Transports du Québec a publié un guide de conception basé sur les expériences étrangères. Mais ce guide ne fait pas force de loi et ne tient pas compte des spécificités provinciales. La recherche actuelle veut aller plus loin et adapter au mieux le concept de carrefour giratoire au Québec, de la même façon qu’il a été adapté dans chacun des pays où il a été implanté. Ainsi, nous pourrons nous aussi bénéficier des avantages des carrefours giratoires… et tourner en rond!