415 - Former par et aux paradoxes organisationnels

Depuis près de 25 ans, le concept de paradoxe s’est révélé fertile dans les sciences de la gestion (Putnam et al., 2016; Schad et al., 2016). Que ce soit comme perspective d’analyse ou comme métathéorie (Lewis, 2000; Sparr et al., 2022), penser en termes de paradoxes autorise un changement de regard dans les études sur le travail des gestionnaires. La conférence retracera l’origine et les étapes de ce champ d’études pour en souligner les derniers développements. Elle mettra notamment en évidence l’importance d’articuler forces centripètes (typologie des paradoxes) et forces centrifuges (interrelations entre les paradoxes et analyse des singularités) (Schad et al., 2018) . Cette conférence introduira le colloque en permettant de problématiser la question : comment enseigner les paradoxes aux professionnels de la gestion ?

Cette communication porte sur un programme de formation destiné à des cadres scolaires et basé sur le modèle des paradoxes (Smith & Lewis, 2011). Les théories classiques modélisent la gestion sous la forme d’un processus qui va de la planification à l’évaluation en passant par l’organisation et la direction. Une attention précise au travail réel des gestionnaires montre qu’ils et elles font face à des dilemmes pour lesquels les solutions ne semblent pas préexistantes (Yvon & Huguenin, 2021). Les doutes et hésitations qui s’ensuivent sont souvent intériorisés par les professionnel.le.s sous la forme d’une remise en question de leurs compétences.

La formation proposée prend la forme d’un module transversal où les paradoxes classiques de la gestion peuvent être objectivés et travaillés. La communication présentera en particulier l’atelier introductif qui repose sur une analyse de la pratique professionnelle et permet de passer de la notion d’épreuve personnelle à celle de paradoxe constitutif des situations de gestion.

S’appuyant sur une émission de téléréalité qu’est l’amour est dans le pré, nous mobilisons le concept de paradoxe pour la réalisation d’un cours de Master 2 portant sur les facteurs de prédisposition du stress. Le cours est destiné à des étudiants gestionnaires en apprentissage suivant le parcours santé et qualité de vie au travail. Afin de mettre en évidence le travail visible et invisible des agriculteurs, le prisme du paradoxe nous semble opportun et ses implications pour l’enseignement de la gestion ont été peu explorées. La réflexion d’un cas neutre permet aux étudiants d’apprécier le paradoxe, de l’utiliser comme méthode de conception d’un cours et de développer des compétences dans la gestion de situations paradoxales dans un cadre organisationnel. Nous mettons ainsi en place un contexte propice à l’apprentissage, un processus expérientiel et un espace de réflexion critique.

Depuis 30 ans, l’étude des paradoxes occupe une place grandissante dans la littérature en Management & Organization Studies (MOS). En surplomb d’une telle prolifération, les synthèses reflètent un angle mort : la tendance des théoricien(ne)s à positiver ou idéaliser l’approche pour ne concevoir les tensions paradoxales que sous l’angle de leur potentiel révélateur, créatif, génératif, ou innovant (Gaim et al. 2022). De rares publications rompent depuis peu avec la panacée (voir Gaim et al. 2021; Berti et Simpson 2021). Partant des changements climatiques et de leur enseignement dans le cadre d’un cours de premier cycle universitaire en management, la présente communication vise à marquer l’importance de cette rupture. Par le biais de ma propre expérience, j’avance que l’éco anxiété et la crise climatique à sa racine relèvent d’un paradoxe existentiel qu’il convient de reconnaître comme tel : les jeunes étant fréquemment conçus comme les « sauveurs » et les « principales victimes » d’une menace climatique dont ne peut ni banaliser ni pathologiser les effets psychologiques (Benoit, 2022). Le partage de cette expérience vise notamment à alimenter la réflexion pédagogique quant à l’idée que le caractère insoluble (côté sombre) du paradoxe puisse gagner à être explicité en classe.

La communication présentera comment la méthode d’instruction au sosie (Clot, 2001; Nicolini, 2009; Miossec, 2017) et l’analyse subséquente réalisée par l’étudiant sont mobilisés dans le cadre d’un cours de 2e cycle en gestion de l’éducation. Il est attendu que ces directions soit capables de mobiliser les personnes autour de leur projet de changement dans un contexte reconnu comme complexe, équivoque et ambigu (Karp et Helgo, 2008; OCDE, 2008). Pour exercer son leadership dans un tel contexte, la direction d’école doit comprendre l'éventail des tensions vécues, et doit apprendre à y répondre de manière différenciée, complexe et intégrative (Smith et coll., 2017). Pour développer cette capacité, nous proposons une séquence pédagogique dans laquelle l’instruction au sosie porte sur une rencontre au cours de laquelle un changement est présenté et suscite des résistances. L’instruction fait l’objet d’une réécoute à l’aide d’une liste d’indices. Ensuite, les moments identifiés grâce aux indices sont analysés à l’aide d’une grille. Cette activité permet de provoquer une prise de conscience et développer un niveau de réflexivité et d’abstraction assez élevé pour adresser les situations dans un état d’esprit de « both/and » plutôt que « either/or » (Smith, Lewis et Tushman, 2016).  

L’omniprésence des paradoxes dans les organisations contemporaines incite de plus en plus de questionnements quant à l’application d’une approche paradoxale en management. L’étude à la source de cette communication propose le modèle de conciliation des tensions paradoxales liées au développement de la capacité d’agir. En s’appuyant sur le vécu de gestionnaires valorisant la prise d’initiatives de leurs employés, cette modélisation met en lumière quatre tensions paradoxales : prévision/réaction, contrôle/autonomie, collectif/individuel et stabilité/changement.

Dans le cadre de cours offerts à des gestionnaires en exercice aux 2^e et 3^e cycle, cette modélisation sert d’outil pédagogique pour former les gestionnaires par et aux paradoxes. La modélisation jumelée à une expérience de tensions paradoxales vécues par l’étudiant/gestionnaire favorise la prise de conscience de la présence de ce type de tensions. Celle-ci semble tout d’abord entraîner une forme de soulagement, un sentiment « d’être normal » et par la suite, elle incite à voir l’approche paradoxale comme un levier pour identifier de nouvelles pistes d’actions à explorer. Nos expérimentations récentes portent à croire que la modélisation, l’approche pédagogique expérientielle et la symbolisation (métaphores/images) soutiennent l’appropriation de l’approche paradoxale.