Informations générales
Événement : 84e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 600 - Colloques multisectoriels
Description :À première vue, l’humour et la mort ne présentent pas de points de rencontre. Comment peut-on rire d’un événement aussi tragique que la disparition de soi ou d’êtres chers? Les modalités complexes du deuil, les affects de tristesse et de chagrin suggèrent qu’un décès s’accompagne d’émotions fortes qui ne laissent que peu de place à la légèreté et à la plaisanterie. À l’inverse, l’humour peut être source de réactions extrêmes pouvant aller jusqu’à la violence et au meurtre. L’exemple des caricatures de Charlie Hebdo et de la fusillade qui a entraîné la mort de plusieurs dessinateurs de ce journal suggère que la raillerie, l’ironie et la satire ne sont pas appréciées quand elles s’attaquent à des sujets porteurs de valeurs considérées comme absolues. Les relations entre ces deux ordres, mort et humour, n’ont pas encore fait l’objet d’une réflexion critique et empirique et, dans cette perspective, le colloque présenté par la revue Frontières, une revue qui porte sur les enjeux de la mort, vise à aborder cette problématique à partir d’un point de vue interdisciplinaire.
Dates :- Patrick Bergeron (UNB - University of New Brunswick)
- Diane Laflamme (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Programme
Accueil au nom de l'organisateur du colloque, la revue Frontières, une revue de recherche et de transfert des connaissances en études sur la mort, à l'Université du Québec à Montréal
-
Mot de bienvenue
Rire avec la mort
-
Pierre Desproges (1939-1988), l'humoriste philosophe qui rit devant la mortGilles Ernst (UL - Université de Lorraine)
Desproges avait beaucoup de talents. Dont celui de regarder la mort en face tout en ne la prenant pas au sérieux. Enfin, pas trop. Pour preuves, ces sujets de sa célèbre chronique sur FR 3 (La minute nécessaire de monsieur Cyclopède) : « Apprenons à vaincre la mort avec un marteau » ; « Égayons une veillée funèbre » ; « Sachons cacher notre joie à l'enterrement d'un être cher ». Ou le titre d'un de ses livres : Vivons heureux en attendant la mort. Ou cet avis irrévérencieux : « Conseils aux centenaires : dépêchez-vous ». La nouvelle de l'Agence France Presse annonçant sa mort le 18 avril 1988, rédigée par un de ses proches, était ainsi formulée : « Pierre Desproges est mort d'un cancer. Étonnant, non ? ». Reflétant cet humour noir qui caractérisa toujours Desproges et lui valut, notamment, l'admiration de Françoise Sagan, elle servira d'exergue à une étude où on analysera, d'abord, les procédés langagiers et rhétoriques, les uns et les autres centrés sur l'art, trop peu pratiqué aujourd'hui dans les médias, de la maxime classique ou, plus simplement, du raccourci ; et ensuite — car c'est bien de cela qu'il s'agit en définitive — la véritable philosophie de la mort qui se cache derrière ces procédés. Et qui, dans le contexte actuel, constitue un rare exemple de mise à distance de la tragédie par le mot d'esprit.
-
Le double jeu énonciatif de l'humour comme jonction entre mélancolie et euphorie : le cas de Walter, Fellag et KavanaghDalila Bouras (Université de Sétif 2)
Partant de l'intention de faire rire, l'humoriste se met à transgresser toutes conventions sociales. Son acte est perçu comme une forme de libération qui relativise et désacralise les valeurs et les sujets les plus graves comme pour s'exorciser de l'absurdité et de la noirceur répondues.
Nous tenterons de palper la frontière délicate et indéterminée entre l'humour et le sérieux chez trois humoristes : Walter, Fellag et Kavanagh puisqu'ils semblent s'amuser avec des valeurs aussi sacrées que la mort, la souffrance et la maladie, la religion et la morale. La question est de voir comment l'humoriste tient cette distance entre ce qu'il exprime comme discours détaché et désengagé et ce qu'il véhicule comme fond à visées critiques. Une position extrême qu'il s'agira d'appréhender sur le plan énonciatif en suivant les principes théoriques sur la double énonciation.
La relation entre l'humour est la mélancolie reviendrait à son origine étymologique, « humeur », et qui s'exprime par la distance énonciative que manifeste chacun des humoristes par rapport à leurs dires, au monde et aux dires des autres.
Des humoristes qui entretiennent dans leurs spectacles une relation incongrue avec la mélancolie en dépit des énoncés aux aires euphoriques qu'ils laissent paraître. Ils rendent compte de ce que l'existence a de profondément et d'essentiellement irrationnel, quitte à renverser les repères habituels, laissant place à la confusion et au doute.
-
Période de questions
-
Pause
L'humour face à la souffrance
-
L'humour : de la blessure à l'éthiqueJérôme Cotte (Centre de recherche en droit public de l'Université de Montréal)
L'humour peut empêcher la libre expression de celui dont on se moque en le réduisant au silence. Si le rire est une sorte d'élévation, son phénomène opposé est la honte : une mort provisoire, un repli douloureux sur soi. En justifiant l'humiliation railleuse par la prétention de « rire de tout », l'humour polémique contemporain « s'obstine dans son intransigeance, sans se soucier du concept de réconciliation qui s'attachait autrefois à l'humour » (Adorno). Se faire des gorges chaudes de celui qui est déjà oppressé ne revient pas à se défendre de l'horreur et de la mort. C'est y concourir en quelque sorte.
Pourtant, tout un humour se tourne plutôt vers la mort et les situations pénibles afin de nous donner la force d'y faire face. À la manière d'une promesse en voie d'articulation, il laisse pressentir qu'une transformation souhaitable du monde reste possible. Loin de réifier les identités, le rire peut favoriser la reconnaissance de notre humanité, de notre finitude. L'humour éthique fait de notre fragilité commune une force éthique.
Cette communication vise à nuancer les débats actuels concernant l'humour et la liberté d'expression en discutant du concept d'humour éthique et de la mort. Je privilégierai la méthode herméneutique-critique. Je compte ainsi reconnaître l'autorité des théories classiques de l'humour (Aristote, Kant, Hobbes, Bergson, Freud) tout en les interprétant avec les lumières de philosophes critiques contemporains (Adorno et Derrida, entre autres).
-
Danser sur la corde, entre le rire et l'inéluctable : réflexions autour de la fonction du personnage clownesque en soins intensifs et palliatifsFlorence Vinit (UQAM - Université du Québec à Montréal)
« La contradiction lourd-léger est la plus mystérieuse et la plus ambiguë de toutes les contradictions. » écrivait M. Kundera dans le Livre de l'Oubli. Le personnage clownesque porte en lui cette tension en étant capable d'exagérer, de souligner un trait, de caricaturer pour amener le rire, mais également de garder une forme de légèreté le préservant de tomber du côté du déplacé, de l'inconvenant ou même du tragique. Le clown est ainsi un être de frontière, marchant tel un funambule entre le rire et les larmes, entre la vulnérabilité et l'arrogance. Depuis vingt ans, on le voit arriver dans des établissements de santé, en pédiatrie mais aussi dans des départements traversés par le risque ou le réel de la mort : soins intensifs, urgences, mais aussi maisons de soins palliatifs. Dans des zones de combat, des personnages au nez rouge sont également venus manifester ayant comme seule arme leur fragilité assumée et leur sourire naïf.
Cette présentation cherchera à comprendre ce qui permet aux clowns docteurs de pouvoir investir des lieux où la souffrance et la mort sont des enjeux indépassables. Comment interviennent-ils dans ces endroits? De quoi sont-ils porteurs? Comment partagent-ils, avec certaines formes de tradition philosophique (comme la posture phénoménologique ou le bouddhisme) la capacité à suspendre tout jugement pour revenir fondamentalement au moment présent?
-
Période de questions
Repas libre
Subversion d'images
-
Des fous rires autour du Führer? Représentations comiques d'Adolf Hitler dans le romanPatrick Bergeron (UNB - University of New Brunswick)
Le nom d'Adolf Hitler restera à jamais accolé à l'un des pires monstres de l'Histoire. Considérant l'infinie souffrance que le Führer a infligée aux victimes de la Shoah et à leurs proches, est-il décent, voire moral, de le représenter à l'intérieur de fictions dont le propos vise notamment à faire rire le destinataire ? Charlie Chaplin avait montré dans The Great Dictator (1940) que le rire pouvait servir à dénoncer la menace nazie. Mais ce classique du cinéma satirique américain a été réalisé avant que ne soit mise au point la « Solution finale » et, surtout, avant que la communauté internationale ne découvre l'horreur des camps nazis comme la révèlerait peu à peu, à la suite de Primo Levi, la littérature de la Shoah. Alors que Mein Kampf vient d'entrer dans le domaine public et que sa réédition soulève une polémique en Allemagne, il est plus que jamais d'actualité de débattre sur ce qu'il est légitime ou non de faire avec la figure d'Hitler. Ma communication portera sur la personnification d'Hitler dans Il est de retour (2012) de Timur Vermes et dans Dolfi et Marilyn (2013) de François Saintonge. J'examinerai d'une part les procédés par lesquels Vermes et Saintonge établissent la « risibilité » d'Hitler, avant de considérer, d'autre part, le contexte socio-imaginaire qui favorise (ou non) ce type d'appropriation humoristique.
-
La subversion de l'image de la Grande Faucheuse dans les dessins humoristiques et la bande dessinéeJoseph Levy (RRSPQ - Réseau de recherche en santé des populations du Québec)
Parmi les représentations majeures de la mort, l'image de la Grande faucheuse occupe une place importante dans la littérature et l'iconographie occidentales. Personnification de la mort et de son inévitabilité, associée à la terreur, elle fait l'objet, cependant, dans la culture populaire anglo-saxonne et française contemporaine, d'une réinterprétation humoristique à la fois dans les dessins hébergés sur Internet et dans les albums de la « petite mort » du dessinateur Davy Mourier, dont certaines planches sont disponibles en ligne. L'analyse de contenu de ce corpus met en évidence la variété des thèmes traités qui tentent de subvertir l'image sérieuse de la Grande faucheuse : difficultés rencontrées dans le processus de socialisation d'un petit faucheur et son apprentissage du métier; angoisses existentielles des Grandes faucheuses et problèmes de santé; obstacles à affronter dans l'accomplissement des tâches (utilisation de la faux, choix et difficultés à repérer les victimes, épuisement professionnel); réactions des appelés face à la Grande faucheuse. Ce matériau iconographique fait donc appel, comme c'est le cas pour d'autres thématiques traitées par ce type de production (maladie, vieillissement, guerre, etc.) à des formes d'humour absurde, visant à désamorcer par ce recours les affects liés à la mort (anxiété, peur) et à la dédramatiser en mettant en scène des Grandes faucheuses aux prises avec les préoccupations du quotidien, tout comme les vivants.
-
Période de questions
-
Pause
Humour et mort au cinéma
-
Le souffle de la mort dans les films d'humour noir contemporainsJean-François Fournier (Appalachian State University)
Cette communication aborde la fonction de l'humour noir dans des films récents de Thomas Jensen, Tarantino, Jeunet, les frères Coen et Barco. Nous partons de la définition de l'humour comme mécanisme d'économie d'affects en vue d'une préservation des attaques du monde extérieur. À un degré supérieur, l'humour noir est un subterfuge de lutte face à la douleur et à la mort.
Les films choisis exposent directement le spectateur à des morts violentes traitées avec désinvolture. La vie et la mort y perdent leur importance et l'atteinte à l'intégrité du corps et de la personne offre un discours où éthique et sacré n'ont en apparence plus cours. Même si une telle violence produit un choc visuel, le spectateur n'en prend pas moins plaisir.
De la simple économie d'énergie psychique, nous passons à une positivité du sens à partir de la question du tragique entendu comme tension insoluble. Les films traitent d'un événement tragique, celui de la mort inévitable et cruelle sur un mode ludique. Ce qui nous intéresse est l'adéquation entre le jeu humoristique et la tension tragique de la mortalité. Le plaisir filmique provient d'une positivité attachée à la recomposition supposément impossible d'un sens dans la mort et la violence qui l'accompagne. Les films humoristiques sur la mort parlent-ils vraiment de la mort ? Ils en parlent en prenant en broche le tragique sans payer le prix de l'anéantissement du sens.
-
Regard sur Je suis mort mais j'ai des amis, des frères MalandrinMarie-Luce Liberge (Université de Vincennes Saint Denis (Paris 8))
Freud, dans L'inquiétante étrangeté et autres essais, évoque l'humour comme une capacité de dépassement de la souffrance qui relève d'une certaine dignité. A la différence du Witz, que l'on traduit en français par mot d'esprit, qui, explique-t-il, sert à générer du plaisir ou produire de l'agressivité, l'humour serait cette potentialité humaine liée à l'expressivité d'une force en présence face aux difficultés. Freud prend, pour illustrer son propos, l'exemple d'un condamné à mort sur le point d'aller à la potence qui se met à ironiser sur son sort : « Eh bien la semaine commence bien !» dit-il sur le point de se faire exécuter. Si l'autodérision quant à sa propre mort semble rare au cinéma, l'humour face à la mort des autres semble plus prégnante. Le film Je suis mort mais j'ai des amis des frères Malandrin relate l'histoire de rockeurs quinquagénaires décidés à partir en tournée à Los Angeles avec les cendres de leur chanteur. Il s'agira de montrer de façon descriptive et analytique comment, dans ce film, se voient questionnés le thème du dépassement et la dialectique dignité et révolte. Seront traités : les mécanismes de distanciation et le rôle de l'accident, la prégnance de l'absurde, la rythmique du film et la force dramaturgique des personnages qui, pris dans leur excès et leur fragilité face à la mort, tracent un cheminement intérieur et cherchent un sens.
-
Période de questions
-
Mot de clôture
Le macabre humoristique
-
Humour et macabre dans les imaginaires sociaux mexicains : une épistémologie de la violence?Martin Hébert (Université Laval)
Les imaginaires mexicains ont été abordés comme mise en scène humoristique de la violence et de la mort, souvent présentés comme une forme de catharsis. Nous examinerons ici des contextes autochtones et non autochtones particulièrement marqués par la violence pour tenter de mieux cerner les dimensions épistémologique et politique de ces récits et nous questionner sur la manière dont le macabre humoristique peut agir comme une théorisation locale de la violence. Nous nous pencherons sur une diversité de récits portant sur les criminels et la violence criminalisée. De la Révolution mexicaine à la flambée actuelle de la violence narco, la mise en récits de la violence et de ses agents puise dans un vocabulaire visuel macabre et, semble-t-il, mobilise ce dernier pour « mexicaniser » la violence. Ainsi, en faisant passer des thèmes tragiques universels comme la mort, la perte et la dépossession par le filtre discursif d'un humour particulièrement noir, il devient possible de signifier ces souffrances et surtout ceux qui les causent comme profondément ancrés dans le monde mexicain. Nous établirons un contraste entre ces représentations et d'autres qui les construisent, la violence et les violents comme exogènes, opérant dans un autre registre de l'imaginaire mexicain, où figure notamment le simple et simpliste gringo. Nous conclurons par quelques propositions plus générales sur l'importance de l'humour dans les épistémologies locales de la violence au Mexique.
-
De l'art de rire de tout : le cas artistique des crânes d'Andreas Dettloff en Polynésie française ou lorsque l'humour et la mort permettent le dialogueGaëtan Deso (Université Paul-Valéry Montpellier 3)
Abordant l'humour et la mort au travers de l'art, cette communication va présenter une pratique artistique contemporaine singulière pour la Polynésie française. Il s'agit de la série dite des crânes réalisée par l'artiste Andreas Dettloff. D'une part, il sera question de démontrer la place de l'art dans le contexte d'une société en redéfinition ainsi que celle, toute particulière, occupée par ces œuvres dans le monde de l'art local. D'autre part sera abordée la façon dont le détournement de la mort par l'humour en art se fait l'écho des tensions culturelles qui officient actuellement en Polynésie française. En se jouant des référents culturels malmenés par la colonisation, ces œuvres controversées traduisent néanmoins une société contemporaine à la croisée des cultures. Si le détournement de la mort par l'humour en art est attesté depuis longtemps, cette pratique revêt une valeur toute particulière pour cette région du monde car inscrite dans un contexte de restitution des crânes ramenés en Europe au XIXe siècle. À travers une approche combinant histoire de l'art et anthropologie, oscillant entre étude d'œuvres et contexte d'insertion, l'examen de ces crânes se révèle un moyen d'observer et d'attester des points de rencontres et de conflits au sein de la société contemporaine de Polynésie française. Faites d'irrévérences envers les poncifs les œuvres viennent bousculer les spectateurs et nous forcent alors à être partie prenante aux débats.
-
Période de questions
-
Pause
L'humour, la mort et les artistes
-
L'humour macabre de l'artiste : de la mort et de l'érotisme dans l'œuvre de Jean BenoîtMaria-Rosa Lehmann (Université Panthéon-Sorbonne (Paris 1))
L'œuvre de Jean Benoît est marquée par l'influence de deux pulsions distinctes, celles de l'érotisme et de la mort. Les deux s'articulent entre elles grâce à un sens de l'humour macabre pour lequel l'artiste canadien demeure célèbre. Nombre de ses performances renvoient à cette harmonie entre Éros et Thanatos. Dans l'Exécution du testament du marquis de Sade (1959) ou Le nécrophile (1964), les jeux phalliques et les pulsions sexuelles côtoient les symboles mortuaires et les rites funéraires. Les costumes spécialement fabriqués pour l'occasion par Benoît ne sont pas dénués d'un certain clin d'œil ironique. Ils sont trop fantastiques pour être pris au sérieux et le comportement même de l'artiste pendant ses représentations en témoigne. La réaction des spectateurs montre que ces performances sont aussi censées provoquer le rire.
Ainsi, toutes les manifestations « funéraires-érotiques » de l'artiste, toute sa production d'objets dérangeants et ses performances macabres sont la résultante de cette approche entre désir sexuel et mort, teintée d'humour grotesque et censée provoquer chez le public l'étonnement et la moquerie. Or, rares sont les ouvrages consacrés à Jean Benoît qui parviennent à lier entre eux ces trois éléments dans l'analyse de son œuvre. C'est pourquoi je propose, dans un premier temps, de décrire l'attitude de l'artiste face à la mort et l'érotisme, puis de présenter la manière dont ce dernier manipule les symboles funéraires et érotiques afin de provoquer le rire.
-
Kamikaze dans l'âme : l'humour et la terreur dans les productions artistiques contemporainesMarie Heyd (Université de Strasbourg)
Cette intervention vise à mieux comprendre les comportements erratiques, l'imprévisibilité et les réactions pulsionnelles en lien avec la mort et la vanité dans l'art contemporain. Ce qui prime dans ces œuvres, c'est la distance, le pastiche et le transfert émotionnel, tout autant que l'apparaître phénoménologique. C'est par ailleurs ce comique à combustion lente que nous souhaiterions analyser dans ces œuvres. Si chez certains artistes la mort a une place toute particulière, ces corps qui troublent sont aussi des corps qui attirent. En témoignent le « retentissement fracassant » du crâne de Damien Hirst sur le marché de l'art ou le succès en France d'un artiste comme Théo Mercier qui produit des œuvres à mi-chemin entre carnaval, esthétique théâtrale vodou et cercueils ghanéens. Chez Théo Mercier, le vrai faux réel, l'étrangeté comique font le diagnostic d'une société dégénérescente. L'homme ordinaire, le prolo, la gloire déchue ou le loser auto-consacré dressent le portrait d'un libéralisme qui a atteint son seuil limite, et contre lequel l'humour le plus régressif semble être son seul remède à défaut d'être un rempart. Le sinistre, le dérangeant, l'inconvenant qui s'illustre renvoient à la radicalité d'autres artistes du XXe siècle qui ont mis en scène le politique, la violence et le populaire dans un réalisme qui se veut débarrassé des conventions mensongères.
-
Période de questions
Repas libre
L'humour, la mort et les écrivains
-
La mort comme outil d'un simulacre historique dans les romans de Tahar Djaout et d'Emmanuel DongalaSarah Assidi (Université Laval)
Dans le champ des littératures francophones l'expérience de l'histoire coloniale porte une tension soumise à une inévitable dimension parodique. Tahar Djaout et Emmanuel Dongala exploitent cette tension en relation avec les discours et représentations de l'époque coloniale en Algérie et au Congo. Ils déploient, chacun à sa manière, toute une esthétique de la dérision jouant sur les questions « d'héritage colonial » et de patrimoine culturel. Par l'exploitation d'une rhétorique baroque ils créent un imaginaire historique drôle, fantasque, à l'humour parfois ubuesque où les espaces et les temporalités sont multiples.
La fragmentation du temps chez Emmanuel Dongala, ou sa superposition chez Tahar Djaout, créent un effet grotesque par lequel les jeux du langage et les voyages dans le temps et l'espace se multiplient. Dès lors, la configuration spatiotemporelle semble témoigner d'une stratégie de distension de la dimension poétique et imaginaire pour penser l'indicible de la guerre. Il sera question d'analyser comment se crée cet imaginaire historique, où la mort semble détachée de tout fatalisme, en questionnant spécifiquement le rôle qu'elle joue dans la construction de ce simulacre historique.
La figuration de l'Histoire, telle que les écrivains la représentent, est-elle encore empreinte de pouvoir? La parodie et l'esthétique de la dérision élident-elles la réalité du discours littéraire? Ou encore servent-elles de prise de position esthétique ?
-
La littérature, l'humour, l'engagement : Iraj Mirza et la littérature engagée persaneSepideh Shokri Poori (Université Laval)
Parmi les livres interdits, il y a toujours ceux qui raillent des idéologies. Ces livres « non autorisés » possèdent un caractère commun : ne pas prendre au sérieux tout ce qui - d'après certains représentants de l'idéologie - doit être considéré sérieux. Cependant, ce que la liberté d'expression exige, c'est le droit de ridiculiser toute doctrine ; et ce que les régimes totalitaires ne supportent pas, c'est exactement cet humour choquant. À la suite de la fusillade qui a entrainé la mort des caricaturistes français, on a tendance à styliser l'Orient comme la source des conflits, mais sans tenir compte que les artistes de cette région ont déjà beaucoup souffert de toutes sortes d'idéologies. Dans cette perspective, on remarque l'influence de l'humour et son côté résistant dans l'art du Moyen-Orient. Un exemple frappant de ce persiflage vient de la littérature persane. L'écriture d'auteurs tels qu'Iraj Mirza est si pleine de satire et de blasphème qu'elle n'est appréciée ni par le régime ni par les autorités religieuses. Nous souhaitons donc présenter l'aspect satirique et engagé de la littérature persane, en étudiant l'œuvre d'Iraj Mirza, et éventuellement sa mise en scène par Shahrokh Moshkin Ghalam. Pour atteindre cet objectif, nous considérons les théories de Bergson (Le Rire, 1958) et Bakhtine (L'Esthétique et théorie du roman, 1978), ainsi que celles d'Iraniens comme Homa Katouzian (La Satire et l'ironie, 2003).
-
Au-delà de la mort, l'humour salvateur dans les textes mansouriensInès Boukezoula-Bousba (Université de Jijel (Algérie))
Durant les années 1990, l'Algérie fut frappée par la sauvagerie terroriste, mais paradoxalement, ce contexte engendre une floraison d'œuvres littéraires dénonçant la barbarie sanguinaire et s'érigeant comme un hymne à la vie. Des œuvres qui tentent de redonner espoir et sourire en faisant émerger le rire du fond de la mort.
De prime abord, le sang et le deuil habitent les récits de cette période, mais une lueur jaillit de ce chaos où l'humour se fraie un chemin et devient refuge pour les personnages. Ils font alors face au terrorisme. Le rire devient l'ultime salut pour ne pas sombrer dans la folie, il se traduit dans les textes par le biais de la représentation caricaturale, burlesque ou par le recours au comique et l'introduction de personnages grotesques, fous.
Le lecteur, plongé dans un univers tragique, a lui aussi besoin de pauses véhiculées souvent par le rire, ainsi des veillées funèbres se transforment en hymnes à la vie, où les personnages chantent et dansent pour ne pas donner raison aux intégristes sanguinaires.
L'humour peut-il dans ce contexte être salvateur? Contribue-t-il au travail de deuil? Influe-t-il sur le lecteur? Si oui, de quelle manière?
Notre contribution reviendra sur la relation entre mort et humour dans le texte littéraire, à travers ses manifestations, ses formes et ses caractéristiques ; en prenant appui sur l'œuvre romanesque de Latifa Ben Mansour, une œuvre où l'humour se veut polyphonique, bruyant et pluriel afin de triompher de la mort.
-
Période de questions
-
Mot de clôture