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Sara Mathieu-C., Université de Montréal, Émilie Tremblay-Wragg, Université du Québec à Montréal, Marie-Eve Gadbois , Université du Québec à Montréal, Élise Labonté-LeMoyne, HEC Montréal
Pendant plus de vingt heures, les étudiant.e.s rédigent en chœur. C’est fascinant! Un silence solidaire s’installe à chacune des séances de rédaction. Il permet de maintenir le rythme et de ne pas se laisser tenter par la procrastination.

Beaucoup de solitudes

Pour paraphraser Daniel Bélanger, 15 000 nouveaux inscrit.e.s au doctorat par année, ça fait beaucoup de solitudes. Des étudiant.e.s qui, bien que passionné.e.s par leur objet de recherche, peuvent s’égarer au fil de leur parcours. Alors que la plupart d’entre eux partagent  une représentation de la rédaction qui se veut souvent souffrante et solitaire, il n’est pas étonnant que leur état de santé mentale interpelle. Un phénomène qui n’est pas étranger aux taux élevés de prolongation et d’abandon.

Dans ce contexte, une idée a doucement germé : regrouper cette population de reclus et bousculer le rapport à la rédaction afin d’en faire une tâche visible et partagée, autrement dit, s’y mettre « seuls-ensemble ». C’est ainsi que les retraites de rédaction Thèsez-vous? sont nées, encadrées par un organisme à but non -lucratif et organisées par et pour les étudiant.e.s aux cycles supérieurs.

S’inspirer des meilleures pratiques

Une fois l’idée lancée sur les réseaux sociaux, la boite de courriels s’est mise à déborder. Nous avions posé le doigt sur un besoin partagé et devions y répondre en s’inspirant des meilleures pratiques.

Offrir un espace favorable, protéger des périodes de temps, donner accès à des ressources et créer une communauté sont des exemples d’éléments documentés (Kornhaber & al. 2016) dont nous nous sommes inspiré.e.s pour concevoir un modèle optimal de retraite de rédaction. Depuis 2015, nous avons organisé et documenté huit éditions qui se sont bonifiées d’une fois à l’autre, notamment grâce à la collaboration d’étudiant.e.s participant.e.s et de chercheur.e.s interpellé.e.s par la pédagogie universitaire.

Nous croyons avoir trouvé une formule qui fonctionne. Les étudiant.e.s qui se joignent à nous avancent significativement leur rédaction, mais surtout, ils se familiarisent avec d’autres façons de rédiger, plus positives et dans des conditions qui leur sont favorables.

Retraite de rédaction Thèsez-vous?
Source : Thèsez-Vous?

S’exiler

À chaque retraite, nous sommes une quarantaine d’exilé.e.s. Loin du brouhaha quotidien, on se rassemble pour trois jours dans des lieux qui se veulent inspirants, reculés et exempts de distractions. Cette distance physique facilite la coupure du « virtuel ». Soudainement, on se sent légitime de mettre un courriel d'absence, de se déconnecter, d’éteindre son cellulaire. Ce qui semble si difficile à faire à la maison est d’une telle évidence lors d’une retraite de rédaction : il faut se désengager du reste, pour mieux s’engager dans l’écriture.

Se mettre à la tâche

Pendant plus de vingt heures, les étudiant.e.s rédigent en chœur. C’est fascinant! Un silence solidaire s’installe à chacune des séances de rédaction. Il permet de maintenir le rythme et de ne pas se laisser tenter par la procrastination. Non seulement la rédaction n’est plus cette tâche invisible dont personne ne parle, mais elle devient collective. Elle s’affiche même. Chaque participant.e pose au mur ses objectifs de rédaction dès les premières heures de la retraite. Cette planification transparente et collective de la tâche offre une occasion de discuter de ce qui est réaliste d’accomplir en fonction du temps imparti. Cela permet aussi de déconstruire quelques mythes persistants, de l’inspiration qui ne vient jamais aux effets insidieux du perfectionnisme.

Briser l’isolement et relativiser

Lors des pauses, après le yoga matinal ou lors d’une balade en forêt, on discute de rédaction sans tabou, enfin! Peut-être est-ce parce que les étudiant.e.s viennent de différentes universités, toutes disciplines confondues, qu’il est possible de créer un espace-temps sécuritaire et sans compétition.

Les étudiant.e.s présent.e.s ont toujours fait partie des plus performant.e.s, peu habitué.e.s à reconnaitre et partager leurs difficultés au grand jour. Mais heureusement, il y en a toujours un, une qui ose s’ouvrir et rapidement, tout le monde s’y retrouve. Autour du feu, après une journée chargée par plus de 8 heures de rédaction, on peut alors se dire qu’on s’est lancé dans « toute une thèse », puis reconnaitre, humblement, que « ce n’est pas la première thèse jamais écrite »!

Au-delà de cet exutoire, les retraites sont des occasions de renouer avec les motivations pour lesquelles on s’est lancé dans une thèse, si ce n’est que par la nécessité d’avoir à l’expliquer à d’autres. Une opportunité aussi d’écouter des personnes passionnées par un sujet précis, complexe et bien éloigné de ses propres préoccupations.

Chaque fois à la fin, en remballant les bouquins et les post-its, il est difficile de ne pas avoir la conviction que ces espaces communs, pour être "seul-ensemble", en dialogue interdisciplinaire, interuniversitaire et dans la douceur de l'informel, sont bénéfiques au bien-être des étudiant.e.s.

Référence :

  • Kornhaber, R., Cross, M., Betihavas, V. & H. Bridgman (2016) The benefits and challenges of academic writing retreats: an integrative review, Higher Education Research & Development, DOI: 10.1080/07294360.2016.1144572

  • Sara Mathieu-C.
    Étudiant·e au troisième cycle universitaire
    Université de Montréal

    Sara Mathieu-C. est candidate au doctorat en psychopédagogie à l’Université de Montréal, présidente et cofondatrice des retraites de rédaction Thèsez-vous?

  • Émilie Tremblay-Wragg
    Étudiant·e au troisième cycle universitaire
    Université du Québec à Montréal

    Émilie Tremblay-Wragg est candidate au doctorat en éducation à l’Université du Québec à Montréal, vice-présidente et cofondatrice des retraites de rédaction Thèsez-vous?

  • Marie-Eve Gadbois
    Étudiant·e au troisième cycle universitaire
    Université du Québec à Montréal

    Marie-Eve Gadbois est candidate au doctorat en éducation à l’Université du Québec à Montréal et coordonatrice des retraites de rédaction Thèsez-vous?

  • Élise Labonté-LeMoyne
    Postdoctorant·e
    HEC Montréal

    Élise Labonté-LeMoyne est chercheure postdoctorale en technologies de l'information à HEC Montréal et vice-présidente de Thèsez-vous?

     

    Note de la rédaction : Les textes publiés et les opinions exprimées dans Découvrir n’engagent que les auteurs, et ne représentent pas nécessairement les positions de l’Acfas.

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