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Laurie Noreau, Journaliste
En juin 2006, cette région du sud-est de la France a été le siège de la première manifestation au monde contre les nanotechnologies. Après analyse, le chercheur s’est aperçu que, derrière cette contestation, il n’y avait plus qu’une opposition à ces technologies.

[Colloque 25 - Critiquer la science aujourd’hui : pourquoi, comment?]

L'économie de la région grenobloise est fortement basée sur le développement de nouvelles technologies. En contrepartie, plusieurs citoyens ne suivent pas le mouvement. Ils vont jusqu’à « mettre [le progrès] à la poubelle », selon les mots de Thomas Lerosier, doctorant en histoire des sciences de l’Université Pierre-Mendès-France Grenoble 2.

Ce groupe de résistance a de quoi étonner, car le progrès est aujourd’hui vu comme la réponse à tous les problèmes contemporains. « En fait, ces gens de Grenoble ne s’opposent pas complètement au progrès », rectifie Thomas Lerosier. « Ils refusent plutôt de s’associer au progrès tel que proposé de nos jours ». La consommation de masse et la privatisation des connaissances ne sont que quelques-uns des concepts devant lesquels s’indignent ces citoyens. « C’est donc plutôt contre la technologie qu’ils se dressent », tient à spécifier le chercheur.

Pour l’instant, ce qui mobilise cette partie de la population, ce sont les technologies qui opèrent à l’échelle du nanomètre (nm). À cette dimension, la matière revêt de nouvelles propriétés promettant des avancées particulièrement remarquables, mais aussi ouvrant le champ à des risques qu’on arrive mal à évaluer.

En juin 2006, cette région du sud-est de la France a été le siège de la première manifestation au monde contre les nanotechnologies. Après analyse, le chercheur s’est aperçu que, derrière cette contestation, il y avait plus qu’une opposition à ces technologies. En effet, celles-ci ont fait ressortir des refus déjà énoncées face à la puissance de la technoscience et face au contrôle que celles-ci pourraient exercer les citoyens. Les manifestants y voyaient, entre autres, une façon déguisée de renforcer l’hégémonie des classes dirigeantes. 

Le débat s’élargit donc passablement. « Les militants qui critiquent les sciences ne le font presque jamais à propos d’une seule technologie ou d’une seule question scientifique. Ils s’engagent généralement sur plusieurs fronts », constate Thomas Lerosier. « Les nanotechnologies vont donc fournir un prétexte pour critiquer le système en général et les choix de société »,  précise-t-il.

Le chercheur a observé que l’évolution de la critique sociale dans la région s’inscrit dans un riche historique de contestations envers la science. Au début des années 1970, c’est d’abord la pollution industrielle qui a mobilisé les citoyens autant que les chercheurs. Puis, en 1974, la transformation d’un espace boisé en carrière de gravier a de nouveau rassemblé la population pour mettre en place des actions politiques contre ce projet. « Déjà, on prônait la protection de la nature, oui, mais c’était aussi une critique du mode de vie capitaliste », souligne Thomas Lerosier. Le mouvement antinucléaire, vers la fin des années 1970, a quant à lui impliqué beaucoup de chercheurs et d’universitaires dans le débat qui s’opposait à une société du nucléaire.

Absence des scientifiques aux barricades

Alors que durant ce mouvement antinucléaire, les chercheurs participaient activement aux débats, ils se font plus discrets en ce qui concerne les nanotechnologies. En effet, les scientifiques s’impliqueraient moins qu’ils ne le faisaient historiquement durant la succession de mouvements critiques de la science des années 1970-80.

Les scientifiques sont-ils désintéressés du débat public sur la place de la science? Ou préfèrent-ils ne pas prendre parti dû à la présence de groupes plus radicaux auxquels ils ne veulent pas s’associer? Sans confirmer ces hypothèses, Thomas Lerosier croit que cette dernière peut être une piste de réflexion possible. « Les scientifiques ne trouvent pas nécessairement leur place à travers ce milieu. Cela complique leur engagement dans le débat », concède-t-il.


  • Laurie Noreau
    Journaliste

    Laurie Noreau est étudiante à la maîtrise en communication publique – profil journalisme scientifique à l’Université Laval. Le stage au magazine Découvrir constitue donc une occasion pour cette jeune femme de 23 ans de parfaire sa formation dans le domaine. Depuis deux ans, elle acquiert de l’expérience en journalisme dans différents médias, dont L’Exemplaire, le média-école des étudiants en journalisme de l’Université Laval. L’été dernier, elle a également effectué un stage dans sa ville natale au sein du Nouvelliste, le quotidien de Trois-Rivières.

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