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Louise Dandurand, Présidente du Comité pour l'élaboration d'une nouvelle politique de recherche et d'innovation au Québec
Un des défis sera de bien communiquer aux citoyens, afin qu’ils en soient très conscients, l'idée que l'objectif ultime d’une telle politique, c’est de faire avancer la société dans tous les domaines : social, environnemental, économique et culturel.

Découvrir : Madame Dandurand, comment recevez-vous cette nouvelle Politique nationale de la recherche et de l’innovation?

Louise Dandurand : Je suis très heureuse d’abord que le Québec reprenne sa position de chef de file au Canada, voire en Amérique du Nord, quant à la réalisation de politiques scientifiques ayant de la profondeur. Cette politique renoue avec celle de 2001, Savoir changer le monde, centrée sur le bien commun. C’est ce que les citoyens sont en droit d’attendre de telles politiques.

Je suis particulièrement heureuse parce qu’on s’était éloigné de cette vision au cours la dernière décennie, pour des motifs financiers et des raisons d’orientation. Nous en étions presque arrivés à une instrumentalisation de la recherche à des fins économiques.

Sans renier l’importance des retombées économiques de la recherche ni sans pour autant négliger la portée des collaborations entre universités et entreprises, la nouvelle PNRI va bien au-delà.

Un des défis sera de bien communiquer aux citoyens, afin qu’ils en soient très conscients, l'idée que l'objectif ultime d’une telle politique, c’est de faire avancer la société dans tous les domaines : social, environnemental, économique et culturel.

Découvrir : La politique aborde la question de la concertation entre entrepreneuriat scientifique et innovation industrielle, et ce, sous la gouverne d’une nouvelle structure, le Réseau recherche innovation Québec. Il y a aussi cette initiative relative au premier emploi en recherche. Comment voyez-vous ces propositions?

Louise Dandurand : Dans la mesure où l’on n’a pas toutes les informations, il faut être prudent. Comme on dit, pour utiliser un calque de la langue anglaise, « le diable est dans les détails ». Il y a cependant une chose qui me semble d'emblée essentielle : la mise en place de ces mesures doit s’accompagner d’une évaluation sérieuse des mesures existantes.

Il faut que ces structures de remplacement aillent plus loin, qu’elles rationalisent les interventions, lesquelles, pour l’instant, me semblent quelque peu cacophoniques. C’est déjà compliqué pour les chercheurs universitaires habitués à repérer les fonds là où ils sont, mais si vous êtes une PME, une organisation communautaire, on vous aura sans doute déjà découragé.

Toutes les structures bureaucratiques, on le sait, ont de la difficulté à faire ce genre de ménage. C’est beaucoup plus facile de créer des structures que d’en abolir pour en faire naître de nouvelles.

Découvrir : L’Acfas a procédé à une grande consultation auprès des organismes de recherche. Leurs attentes ont-elles été satisfaites?

Louise Dandurand : Oui, je le pense. Mais pour l’instant, on prend note des intentions. Les milieux consultés, organismes de transfert, entreprises, milieux universitaires et collégiaux avaient déploré cette multiplicité d’interventions et de programmes, et souhaitaient des approches plus fédératrices et rationalisées. Le Réseau recherche innovation, par exemple, répond aux besoins exprimés. Mais encore faudra-t-il que des mesures d’appui concrétisent le tout « sur le terrain ».

Découvrir : La politique s’échelonne sur cinq ans. Cela vous semble sérieux ou est-ce de la poudre aux yeux?

Louise Dandurand : J’espère bien que c’est sérieux. J’aurais personnellement souhaité que ce soit sur sept ou dix ans. Mais cinq ans, c’est déjà un grand pas en avant, et on ne peut que s’en réjouir.

Une approche triennale était un non-sens. En effet, les programmes sont annoncés un an après l’adoption d’une politique. Puis, les chercheurs se préparent. On est déjà rendu à un an et demi. Ensuite, les demandes sont déposées : six mois de plus. Les travaux mêmes  débutent la dernière année, et déjà les fonctionnaires commencent à évaluer l’impact des programmes...

On le voit, la réalité de la recherche commandait minimalement cinq ans. Est-ce de la poudre aux yeux? Je crois qu’un gouvernement, quel qu’il soit, aura beaucoup de difficulté à faire marche arrière sur cet enjeu.

Découvrir : Parmi les trois axes de recherche prioritaires, on trouve les changements démographiques, le développement durable et l’identité québécoise. Comment ce dernier défi peut-il se traduire en termes de recherche?

Louise Dandurand : La recherche dans le domaine de l’identité québécoise, pour moi, fait appel à la contribution de l’histoire, de l’anthropologie, de la sociologie, de l’ethnologie, de la littérature, de la recherche création et des arts. C’est tout cet univers qui forge une identité.

De plus, avec ce défi, on reconnaît de manière explicite dans une politique, ce qui est rare, la contribution des résultats de la recherche en sciences sociales et humaines.

Il y a aussi des éléments de l’identité québécoise dans les domaines technologiques, médicaux et industriels, ne serait-ce que dans la manière d’intégrer la réalité des PME dans nos politiques économiques.

De plus, des synergies très claires existent entre ces trois axes. Les changements démographiques modulent notre identité, qu’on le veuille ou non, parce qu’ils transforment les manières dont on fait évoluer nos grands systèmes, santé comme éducation; démographie et identité se croisent aussi autour de la question de l’intégration des communautés culturelles, ou encore, des Premières Nations.

L’identité se manifeste aussi dans les manières d’intégrer le développement durable à nos pratiques. Dans la mesure où pour relever le défi du durable, il faut être innovants, il faudra solliciter notre « culture », au sens anthropologique, au profit du bien commun.

Je vois donc ces trois défis comme en écho l’un de l’autre. Et toutes les disciplines se trouvent invitées. L’identité québécoise et la démographie privilégient la contribution des sciences sociales et humaines, la démographie fera appel aux experts de la santé et de l’éducation, tandis que le développement durable sollicitera certes les chercheurs en génie et sciences de la nature, mais aussi ceux des sciences sociales et de la santé.

Découvrir : Du côté de l’identité, il y a aussi la question de la langue.

Louise Dandurand : En effet, et il est tout à fait légitime que la nouvelle politique aborde la question de la promotion de la science en français. Elle le fait intelligemment, car il n’y a pas de croisade pour dire « tout le monde doit publier en français ». On prend acte de la réalité scientifique internationale. Par contre, les mesures pour la promotion de la science en français sont plus que bienvenues, car dans les universités et les collèges, le savoir doit se développer en français et se transmettre en français. Mais si un chercheur québécois a l’occasion de publier dans Science ou Nature, ce serait une catastrophe pour le rayonnement de la science québécoise que cela ne se fasse pas.

Découvrir : Que pensez-vous du chapitre consacré à la relève?

Louise Dandurand : Je trouve très bien tout cet accent sur la promotion de la culture scientifique. Dans ce chapitre, ce qui m’a particulièrement intéressée et nourrie d’espoir, c’est qu’il soit question de transmission de la passion plutôt que de transmission du savoir. À partir de cette notion, on pourrait repenser le profil des passeurs de passion, et de là entamer un chantier avec le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport pour réfléchir à la formation des maîtres. Je ne vous cacherai pas que celle-ci me tient à cœur depuis des décennies. Cette notion d’instiller la passion dans la formation des étudiants, j’en aurais rêvé, mais je n’aurais pas pensé que cela puisse se retrouver dans une politique.

Dire qu’il faut mettre l’accent sur la formation en sciences, en mathématiques, c’est bien beau, tout le monde le dit, mais instiller la passion dans les salles de classe, ça constitue un objectif d'une véritable force. C’est original et très puissant. En termes administratifs, j’ajouterais que cette volonté d’arrimer deux ministères démontre que cette politique ne cloisonne pas la question des sciences et de la recherche.


  • Louise Dandurand
    Présidente du Comité pour l'élaboration d'une nouvelle politique de recherche et d'innovation au Québec

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