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Pierre Drapeau
Sciences de l'environnement

Pierre Drapeau

Université du Québec à Montréal

Le Prix Acfas Michel-Jurdant 2023, pour les sciences de l’environnement, est remis à Pierre Drapeau, professeur au Département des sciences biologiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

Les travaux du lauréat, depuis trois décennies, en ont fait un des plus éminents spécialistes en sciences forestières au Québec et au Canada. Sa contribution originale au domaine tient à sa capacité d'intégrer l'écologie animale à une approche écosystémique de l’exploitation forestière. Par exemple, il s’est intéressé à la fragmentation des grands paysages forestiers et à ses effets sur les animaux qui y vivent. Il collabore de très près avec les écologues de la végétation pour expérimenter l’approche écosystémique de gestion durable de la forêt.

Après un doctorat sur la structure des communautés d'oiseaux de la forêt tempérée du sud du Québec, Pierre Drapeau se joint à l'UQAM en 1994 comme chercheur postdoctoral, au sein du Groupe de recherche en écologie forestière interuniversitaire (GREFI). En 2003, il devient professeur au Département des sciences biologiques de la même université. De juin 2010 à mai 2022, il assume la direction (avec Louis Bernier de 2010 à 2019, et seul de 2019  à  2022) du Centre d'étude de la forêt (CEF), un regroupement stratégique du Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies (FRQNT) qui rassemble les forces vives du Québec dans le domaine forestier.

Pierre Drapeau est un spécialiste des recherches visant à établir le rapport qui existe entre l’aménagement industriel des forêts et ses conséquences sur les populations animales. Dès 2000, il publie dans la revue Ecological Monographs une des premières études menées en forêt boréale nord-américaine. Cette recherche documente les effets, à l’échelle des paysages, des changements de la structure et de la composition de la forêt boréale mixte liée aux activités humaines sur les communautés d’oiseaux. En 2016, avec ses collègues du Réseau de centres d’excellence de gestion durable des forêts, il publie dans la revue Diversity and Distributions une analyse pancanadienne pionnière sur la tolérance des oiseaux à la transformation anthropique du couvert forestier en fonction de leur résilience historique aux perturbations naturelles. L'immense intérêt de cette percée scientifique est de démontrer que le postulat à la base de l'aménagement écosystémique de la forêt rapprocher l'aménagement forestier de la variabilité naturelle des écosystèmes est une stratégie appropriée pour la conservation de la biodiversité dans les paysages forestiers aménagés.

L’écologue explorera également avec beaucoup d’acuité le rôle des peuplements forestiers âgés dans le maintien de la biodiversité en milieu boréal. Ces types de forêts sont en déclin en raison de l'expansion des systèmes d'aménagement forestier conventionnels, qui diminuent la superficie des peuplements âgés au détriment d'un accroissement de la proportion de jeunes forêts. L’ouvrage Aménagement écosystémique en forêt boréale, publié en 2008 avec la collaboration de ses pairs écologues Sylvie Gauthier, Marie-Andrée Vaillancourt, Alain Leduc, Louis De Grandpré, Hubert Morin, Daniel Kneeshaw, Yves Bergeron, ainsi que plus d’une cinquantaine d’autres, offre une réponse à cet enjeu en proposant de nouvelles pratiques forestières.

Un des legs biologiques qu’offrent les forêts âgées aux écosystèmes est le bois mort qu’elles recèlent, un formidable « habitat » pour maintenir la biodiversité, des oiseaux aux insectes en passant par les champignons et les bactéries. Les travaux de Pierre Drapeau et son équipe portant sur la dynamique du bois mort et son utilisation par la faune (vertébrés et invertébrés), et entre autres sur les réseaux complexes d’espèces animales utilisatrices de cavités d’arbres, ont été particulièrement remarqués. Cette expertise l’a mené en 2011 à la présidence et au titre d'organisateur principal du comité scientifique du premier Symposium international sur la dynamique et les services écologiques du bois mort dans les écosystèmes forestiers, tenu à Rouyn-Noranda.

La recherche du lauréat s'est également largement développée dans le domaine des forêts brûlées, autour des relations entre les populations aviaires et les réseaux trophiques bois incendié/insectes foreurs de bois/oiseaux. S’inspirant de ces travaux, le gouvernement du Québec a adopté, en 2011, de nouvelles orientations d'aménagement écosystémique de la récupération des bois dans les forêts brûlées, visant le maintien de la biodiversité dans ces écosystèmes uniques et méconnus. Toutes ces découvertes pionnières du côté du bois mort et du bois brûlé jouissent aujourd’hui d’un rayonnement international dans l'ensemble du biome boréal.

Le rôle central de Pierre Drapeau dans la protection du caribou des bois, dossier symbolisant avec force la crise de biodiversité en forêt boréale canadienne, mérite également d'être souligné. Membre d’une équipe de rétablissement du Québec depuis douze ans, il a été sollicité par le gouvernement du Québec, Hydro-Québec et le Grand Conseil des Cris à plusieurs reprises à titre d'expert.

Au-delà de sa recherche, Pierre Drapeau a également contribué de façon concrète et substantielle au développement institutionnel de la recherche en sciences forestières. Pendant ses douze années à la direction du CEF, il a réussi à établir ce dernier comme le plus important regroupement de chercheur·euses en sciences forestières en Amérique du Nord.

Aujourd’hui encore, l'aménagement de la forêt québécoise fait l’objet de nombreux défis. Pour y faire face, la communauté scientifique du CEF a, sous le leadership responsable de Pierre Drapeau, publiquement proposé au gouvernement du Québec, en mars 2021, la création de l’Observatoire national sur la forêt publique du Québec. Cet organisme analyserait la mise en œuvre de l'aménagement durable des forêts et répondrait au questionnement de la société de manière transparente et rigoureuse.

D’ici là, Pierre Drapeau aura fort à faire, et dans un domaine bien insolite cette fois : Hydro-Québec lui a demandé de trouver des solutions au fait que les pics s’en prennent… aux poteaux de distribution d’électricité!