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François-Olivier Dorais, Université du Québec à Chicoutimi

Mon intérêt de recherche pour la francophonie canadienne s'enracine dans une expérience concrète, quoique tardive, de ses réalités.

Blackburn
Crédit photo : Denis Blackburn

L'entrechoquement

Québécois d'origine ayant grandi à Aylmer (Gatineau), à la lisière de l'Ontario français, j'ai complété mes études de baccalauréat et de maîtrise en histoire à l'Université d'Ottawa, une institution bilingue, majoritairement anglophone, où les « langues se chassent » comme dirait le politologue Jean Laponce. Très tôt pendant mes études, la situation minoritaire du fait français sur ce campus m'a confirmé une évidence que je n’avais jamais saisie avec autant de netteté, à savoir que la coexistence des langues au Canada est loin d’être idyllique et que leur entrechoquement traduit nécessairement une concurrence de projets sociétaux et culturels bien distincts.

Jeune Québécois élevé jusqu'alors dans un univers principalement francophone et n’ayant jamais été réellement confronté à la condition minoritaire, ma sensibilisation à la réalité franco-ontarienne, à laquelle je me sentais naturellement lié, me renvoyait avec une singulière acuité à ces questions existentielles : « Qui sommes-nous? », « D’où venons-nous? », « Où allons-nous ? ». C'est dans cette trajectoire biographique que mon intérêt pour l'histoire du Canada français et de la francophonie canadienne a pris racine. Mon désir de vérité sur cette histoire n'avait alors d'égal que mon désir de lui rendre justice.

Un engagement intellectuel

À force de côtoyer à Ottawa une communauté de recherche soudée autour de ces questions, par le biais notamment du Centre de recherche en civilisation canadienne française (CRCCF), du Centre interdisciplinaire de recherche sur la citoyenneté et les minorités (CIRCEM), du journal étudiant La Relève, mais aussi grâce au précieux mentorat de certains professeurs, en particulier l'historien Michel Bock, mon investissement initial, plutôt affectif, envers la francophonie et son destin a su se canaliser, sinon se métamorphoser, en engagement intellectuel dans la recherche.

Celle-ci a pris forme dans divers projets, que ce soit la biographie intellectuelle de l'historien franco-ontarien Gaétan Gervais, l'analyse des débats entourant la question universitaire franco-ontarienne ou encore, plus récemment, l'étude de l’évolution des représentations identitaires de la francophonie canadienne depuis les années 1960 à travers ses grandes institutions nationales. L'essentiel de mes travaux sur les francophonies minoritaires procèdent d'une interrogation plus vaste sur les filiations entre la dynamique identitaire du Canada français et celle des francophones hors Québec; sur la recomposition de leur intention culturelle qui transcende les générations et érige la francophonie en fait social global. 

Mon engagement en recherche sur cette francophonie a toujours comporté son lot de défis, en suscitant chez moi une tension constante entre la posture de l’herméneute, qui commande une prise de distance par rapport à l’objet, et le sentiment d’appartenance, qui implique une responsabilité dans la préservation et l’édification de ce même objet.

Très tôt pendant mes études, la situation minoritaire du fait français sur ce campus m'a confirmé une évidence que je n’avais jamais saisie avec autant de netteté, à savoir que la coexistence des langues au Canada est loin d’être idyllique et que leur entrechoquement traduit nécessairement une concurrence de projets sociétaux et culturels bien distincts.

Curiosité scientifique et valeurs

Avec le recul, je constate combien le défi méthodologique qu'implique cette tension est progressivement devenu une force qui a modelé mon rapport à la recherche. Très tôt, elle m’a révélé la justesse de l’intuition wébérienne selon laquelle la curiosité et les interrogations scientifiques prennent toujours forme dans un rapport aux valeurs, qu’elles sont toujours redevables d’un enracinement. « Il n'y a pas de science sans espérance. Il n'y a pas de méthode sans désir1 », a déjà écrit le sociologue Fernand Dumont. Ainsi, « l'objectivité n'est pas le contraire de l'attrait pour l'objet »; il s'agit plutôt de « la traquer à l'intérieur même de la subjectivité, selon une exigence de cette dernière2 ». C'est dire que c'est aussi par les questions qu'elle pose à la connaissance que la francophonie canadienne s'avère un formidable objet de recherche.

Poursuivez votre lecture des autres récits du dossier :

  • 1Fernand Dumont, Le sort de la culture, Montréal, L'Hexagone, 1987, p. 35.
  • 2Ibid, p. 361-362.

  • François-Olivier Dorais
    Professeur·e d’université
    Université du Québec à Chicoutimi

    François-Olivier Dorais est professeur adjoint à l’Université du Québec à Chicoutimi, où il enseigne l’histoire du Québec et du Canada aux XIXe et XXe siècles ainsi que l’histoire régionale. Ses recherches se partagent entre l’histoire culturelle et intellectuelle des savoirs au Québec, l’historiographie et l’histoire des francophonies minoritaires au Canada, en particulier l’Ontario français. Il est membre du Centre de recherche interdisciplinaire sur la diversité et la démocratie (CRIDAQ) et du comité de rédaction de la revue Recherches sociographiques.   

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