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Irina Perlitch, Université McGill

À mon arrivée à ma première conférence, l’an passé à Gatineau, je ressentais un peu de tout, sauf de l’excitation. J’avais les nerfs en boule. J’étais entourée de scientifiques bardés de doctorats et cumulant des années d’expérience. Et soudainement, je me sentais comme la petite nouvelle à l’école. Mes compétences sociales tombaient vite à l’eau, je ne voulais approcher personne, voulant éviter le péril de « la » question à laquelle je ne saurais répondre.

DC - Irina
Scène de Psycho, d'Alfred Hitchcock, 1960. Source : Wikimedias Commons.

Quand j’ai débuté ma maîtrise, mes collègues disaient que ma superviseure était très généreuse quant à la participation de ses étudiants aux colloques scientifiques. Je pourrais assister à au moins un événement par année, selon mon choix et son approbation. On se considérait chanceux, plusieurs de mes amis, dans d’autres laboratoires, n’avaient pas cet avantage. Je trouvais ça excitant, un petit voyage payé et une chance de développer mes connaissances.

À mon arrivée à premier colloque, l’an passé à Gatineau, je ressentais un peu de tout, sauf de l’excitation. J’avais les nerfs en boule. J’étais entourée de scientifiques bardés de doctorats et cumulant des années d’expérience. Et soudainement, je me sentais comme la petite nouvelle à l’école. Mes compétences sociales étaient vite tombées à l’eau, je ne voulais approcher personne, voulant éviter d'être soumise à « la question », celle où je ne saurais répondre. Une question où je me reprocherais plus tard de ne pas avoir eu les connaissances pour y faire face, me disant que j’aurais pu et que j’aurais dû.

Au cours des jours, ouf, je me suis fait quelques amis, mais je gardais mes discussions scientifiques les plus brèves possible. Le soir de la présentation de mon affiche, je « calai » vite un verre de vin, histoire de me calmer. Mais sans succès.

Arrive ma première communication, et je me lance dans le monologue de mon texte mémorisé, sans prendre un souffle. Ça se passe plutôt bien, les mots me reviennent; après tout, c’était un projet auquel j’avais investi déjà un an de travail.

Quelques répétitions plus tard, sans obstacle, auprès de divers publics, je fais soudain face à l'objet de ma « terreur ». Un homme muni d'un carnet officiel s’approche. Je lui récite mon monologue désormais maîtrisé, mais il s’intéresse (déstabilisant) à mes opinions quant au domaine, mais hors du cadre de mon projet sur l’immunologie et le cancer. Je commence à formuler quelques phrases, sans assurance. En fait, je ne savais pas comment répondre à sa question. Je m’arrête et j’admets que malheureusement je n’en sais pas plus. Il acquiesce, rédige une note dans son carnet, me pose encore quelques questions techniques sur mon projet, et poursuit sur son chemin. Mes quelques amis passent me voir et me demandent comment cela s’est passé. Je fais part de mon inquiétude face aux manques dans mes connaissances, maintenant notés quelque part, officiellement, dans un petit carnet et confirmés par un juge. Mais vite, on me rassure. C’est bien normal, il est rare d’avoir réponse à toutes les questions, et que surtout, je ne suis qu’au début de ma carrière scientifique, comme tous ces grands scientifiques l’avaient un jour été.

Désormais armurée de cette pensée, j’approchais mes conversations scientifiques hors de mon champ d’expertise sous un nouvel angle. Quand j’en savais peu, je n’en avais plus honte. Au contraire, libérée, je voulais apprendre des experts qui m’entouraient. À ma surprise, m’étant forcée de discuter avec des gens hors de mon petit groupe, les conversations devenaient de plus en plus faciles et je pouvais bien gérer. J’apprenais aussi beaucoup plus, sortie de mon état de réserve. Parfois, les gens s'instruisaient aussi de mes travaux, quelques petits détails ici et là. Un phénomène très encourageant.

De retour au labo, quelques jours plus tard, assise face à mon ordinateur, je me demandais par quoi commencer ma journée. Soudainement, je me suis rappelé  « la question » du juge. Je compose les quelques mots clés dans ‘Google’ et je commence mes lectures, « bouchant les trous » qui me terrifiaient tant.

Depuis ce temps, j'ai participé à deux autres conférences, et mon ignorance assumée s’additionne maintenant d’avidité d’apprentissage. Sans faute, je reviens toujours à mon ordinateur avec une multitude de nouveaux sujets à explorer, liés à mon projet ou au domaine en général. J’espère un jour répondre aux questions de jeunes étudiants comme moi-même, et les encourager à partager leur ignorance comme une boîte vide prête à remplir.


  • Irina Perlitch
    Université McGill

    Irina Perlitch est étudiante en deuxième année de maitrise au Centre de recherche sur le cancer Rosalind & Morris Goodman, à Montréal. Ayant complété un baccalauréat en immunologie, elle poursuit dans ce domaine, dans le cadre d'un projet sur le rôle du système immunitaire face à la lutte au cancer, un sujet très proéminent dans la recherche sur le cancer en ce moment.

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