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CISAMarie-Joëlle Brassard, Simon Dugré, Sandrine Ducruc et Lucie Veillette
CISA - Centre d’innovation sociale en agriculture
DOSSIER Régions
16 novembre 2016

La recherche au collégial et ses contributions en innovation : l’exemple du CISA

Le Québec compte 49 centres collégiaux de transfert de technologie (CCTT), dont la mission est d’accompagner les organismes et les entreprises, particulièrement les PME, dans leurs démarches d’innovation. Les CCTT sont reconnus par le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. Ils réunissent 1300 experts – chercheurs, ingénieurs, technologues et spécialistes – présents dans toutes les régions du Québec. Le domaine de recherche de chaque centre est reconnu par le ministère, de sorte que les expertises mobilisées et les thèmes de recherche appliquée sont complémentaires. Six CCTT conduisent des activités de recherche et de transfert dans le domaine des pratiques sociales novatrices. Et parmi ceux-ci, il y a nous, le Centre d’innovation sociale en agriculture (CISA) du Cégep de Victoriaville.

Simon Dugré, coordonateur du Centre, et doctorant en géographie à l’Université de Montpellier, est à l’origine du démarrage du CISA en 2009.

  • Dès le départ, nous avons abordé l’agriculture dans toute sa complexité. Pour y arriver, nous avons débordé de la notion trop étroite de production agricole pour une vision systémique « agriculture et agroalimentaire », allant de la semence à l’assiette, tout en abordant les aspects sociaux, économiques et environnementaux. Cette vision explique la grande diversité de thèmes des recherches menées au cours des premières années : la détresse psychologique des agriculteurs, l’alimentation nordique, les travailleurs agricoles migrants, l’agriculture communautaire, la récupération des déchets agricoles, les fiducies foncières agricoles ou encore les systèmes agroalimentaires territorialisés. Cette vision globale a aussi influencé l’approche méthodologique de coconstruction de solutions avec les usagers du terrain. Le CISA vise à ce que les pratiques innovantes demeurent bien vivantes après le passage des chercheurs en contribuant à développer l’autonomie d’action des intervenants.  En ce sens, il développe une expertise de recherche qui pourra ensuite inspirer d’autres communautés.

C’est dans cette lignée d’action que le projet de recherche sur la détresse psychologique des producteurs agricoles a conduit à la mise en place d’un service de remplacement dans le Centre-du-Québec sous la forme d’une coopérative de solidarité. Après deux années d’exploitation, le service est toujours en place. De son côté, le CISA détient maintenant une expertise sur les facteurs et les conditions qui prévalent à l’implantation d’un tel service susceptible de profiter à l’ensemble des régions du Québec.

Le CISA est présentement en processus de planification stratégique quinquennale. Le contexte est bon pour effectuer cet exercice, puisque les enjeux mobilisant aujourd’hui le domaine agricole et agroalimentaire correspondent bien aux travaux actuels de notre petite équipe : établissement de la relève, contribution du numérique, virage agroécologique, saines habitudes alimentaires, croisement entre l’innovation sociale et l’innovation technologique.

La relève non familiale

L’accès à la terre et à la propriété agricole demeure un des enjeux complexes qui nécessitent l’élaboration de nouveaux modèles. Lucie Veillette, agroéconomiste, détentrice d’une maîtrise en géographie et chercheuse au CISA, s’intéresse à la reprise d’entreprise agricole en dehors du cadre familial. Elle veut trouver des solutions pour réduire le démantèlement des fermes et faciliter l’établissement de la relève non familiale au Québec.

Depuis quelques années, on observe une évolution des modes d’établissement de la relève, qui passe par le transfert d’entreprise hors cadre familial, le démarrage d’entreprise ou la location d’actifs. Dans le même ordre d’idées, Lucie Veillette a travaillé à la constitution d’une banque de fermes provinciale visant à faciliter le jumelage d’agriculteurs cédants et de candidats à la relève, tant pour la location d’actifs que pour le transfert de fermes. Un rapport de recherche intitulé Du cédant au repreneur : planifier et réussir un transfert d’entreprise agricole à une relève non apparentée analyse et documente des expériences de transfert  réussies, et ratées. On y apprend que pour réussir, il faut, outre les modalités économiques et techniques, mettre l’accent sur les aspects humains et organisationnels de l’entreprise. Les capacités communicationnelles et relationnelles sont déterminantes pour le succès de chacune de ces dimensions. Au contraire, les visions divergentes entre le repreneur et le cédant, les conflits conjugaux et familiaux ou les modes de vie surchargés sont tous des facteurs de risque d’échec. Ainsi, le CISA est maintenant en mesure d’offrir un service d’accompagnement à la reprise et au transfert d’entreprise, bien appuyé sur les réalités vécues.

Tout le monde au laboratoire!

L’enjeu environnemental présente également un vif intérêt pour le CISA, car cet enjeu est au cœur des préoccupations de l’ensemble des collectivités. D’un côté, les consommateurs sont plus attentifs à la manière dont sont produits leurs aliments, et de l’autre, les agriculteurs s’activent pour diminuer l’empreinte écologique laissée par leurs activités de production. La chercheuse Sandrine Ducruc, géographe et maître en sciences de l’environnement, dirige un projet en partenariat avec l'entreprise Gaudreau Environnement, Gesterra et la Municipalité de Tingwick, une ville du Centre-du-Québec. Il s’agit d’un laboratoire ouvert vivant, une méthode participative inspirée des Livings Labs, où l’on expérimente un nouveau système de collecte des plastiques agricoles. L’objectif est de détourner le maximum de plastiques du site d’enfouissement et de valoriser la matière. Le laboratoire met continuellement à profit le savoir-faire et les compétences des producteurs agricoles pour coconstruire des solutions et les évaluer. À ce jour, le projet compte 34 fermes participantes, ce qui représente 90 % des entreprises agricoles de Tingwick. De plus, la nouvelle collecte a permis de ramasser plus de 23 tonnes de plastiques agricoles en 24 semaines. À la fin du projet pilote, l’objectif est de récupérer jusqu’à 50 tonnes de matière. La municipalité pourra alors dégager des profits nets de l’ordre de 3 000 $ qui seront réinvestis dans des installations de récupération, tel l'achat d’un  conteneur.

L’expertise des laboratoires ouverts vivants a conduit Sandrine Ducruc dans une toute autre voie de recherche-intervention qui croise la contribution de l’innovation sociale et celle de l’innovation technologique. Son projet d’automatisation d’un véhicule agricole électrique fait l’objet d’un partenariat inédit entre le CISA et un CCTT technologique, soit l’Institut du véhicule innovant (IVI). L’objectif est d’identifier les caractéristiques d’un véhicule électrique autonome dont la fonction première est le désherbage. Il s’agit de sonder les conditions aptes à créer une relation de confiance entre les futurs utilisateurs, soit les producteurs agricoles, les concepteurs (IVI) et le fabricant, ELMEC. Cette expertise ajoute à l’enjeu stratégique de l’interface entre l’innovation sociale et l’innovation technologique.  

700 000 vaches dans une application

Cette interface intéresse également Marie-Joëlle Brassard, Ph.D. en développement régional. Au CISA, elle dirige  un projet en partenariat avec Valacta, une entreprise de 300 employés qui entrepose et traite des données portant sur 700 000 vaches (10 000 troupeaux). En plus d’offrir une gamme de services, Valacta analyse la qualité du lait des producteurs laitiers au Québec. L’entreprise souhaite proposer à ces derniers une application mobile pour qu’ils puissent visualiser et croiser eux-mêmes des données qui portent sur leur troupeau à partir de leur téléphone intelligent. La contribution du CISA consiste ici à identifier les conditions et les apports qui permettront de mobiliser positivement les compétences des producteurs laitiers, ce qui aura des impacts sur la dynamique relationnelle des conseillers, des techniciens et des chercheurs de Valacta.

Les terres passent au collectif

Le virage agroécologique, le changement climatique et la croissance annoncée de la population mondiale sont des thèmes qui traversent l’enjeu de la remise en exploitation des terres sous-exploitées et en friche. Dans un projet de recherche-action intitulé Terre-à-terres, Marie-Joëlle Brassard explore des réponses à une préoccupation partagée par la grande majorité des MRC dans leur plan de développement de leur zone agricole (PDZA). Ce projet repose sur un partenariat entre le CISA, l’Université du Québec à Rimouski avec Mario Handfield, l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue avec Patrice LeBlanc, et le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité représenté par Marie-Paule Robichaud. Essentiellement, le but est de remettre en exploitation des terres dans une approche collective ou coopérative, et ce, grâce à la mise en place de trois laboratoires ouverts vivants dans autant de régions, à travers la coconstruction et l’expérimentation.

Au nord comme au sud

En plus de diriger le CISA, Simon Dugré se consacre à une recherche captivante portant sur les savoirs traditionnels alimentaires de la nation Crie. Le projet, qui s’inscrit dans une préoccupation de sécurité alimentaire, se déroule à Chisasibi dans le Nord québécois. Mené en partenariat avec le Chisasibi Business Service Center inc., il consiste à identifier et à implanter une solution novatrice pour capter et transmettre un échantillon des savoirs des aînés concernant  l’alimentation traditionnelle.

En conclusion

L’équipe du CISA répond aux préoccupations des producteurs agricoles, certes, mais aussi à celles des entreprises agroalimentaires, des institutions municipales et des organismes locaux et nationaux. La vision est systémique. C’est ainsi que la Ville de Victoriaville a fait appel au CISA pour soutenir la mise en place d’un système agroalimentaire territorial à toutes les étapes, de la production de semence à la gestion des déchets, en passant par la consommation. De plus, l'enseignement au Cégep de Victoriaville se trouve enrichi par les contributions du CISA aux différents projets d’innovation sociale. La formation technique en production légumière et fruitière biologique qui y est offerte, la seule au Québec, profite de cette proximité du Centre. Les étudiants et les enseignants dans ce domaine, mais aussi ceux en sciences humaines, sont impliqués dans les projets de recherche-action du CISA, ce qui se reflète sur la qualité de l’enseignement. Ainsi, ce centre en innovation sociale en agriculture est un facteur de résilience régionale au cœur des relations entre science et société.


  • Marie-Joëlle Brassard

    Marie-Joëlle Brassard est chercheuse sénior au CISA. Elle détient un doctorat en développement régional, une maîtrise en études régionales et un baccalauréat en sciences sociales. Sa thèse doctorale a porté sur la construction des savoirs collectifs comme levier de développement pour les communautés. Au CISA, elle dirige un projet de laboratoire ouvert vivant sur le thème de la revitalisation des terres en friche en s’appuyant sur une expérimentation au sein de trois territoires. Ses travaux portent aussi sur la révolution du numérique en agriculture, la valorisation des circuits économiques courts, la gestion des ressources locales par une prise en charge citoyenne des leviers de leur développement.

  • Simon Dugré

    Simon Dugré, coordonnateur du CISA depuis 2009 du CISA, détient un  baccalauréat en Génagogie de l’Université du Québec à Trois-Rivières. Il poursuit actuellement des études  doctorales en géographie à l’Université Paul-Valéry Montpellier 3 portant sur les dynamiques d’innovation sociale en relation avec la transition agroécologique des entreprises agricoles . Actif depuis 20 ans en développement économique et social, il accompagne les entreprises et organismes œuvrant au sein du système alimentaire dans le but de contribuer à leur développement.

  • Sandrine Ducruc

    Sandrine Ducruc est chercheuse et chargée de projet au CISA. Titulaire d’une maîtrise en sciences de l’environnement de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) et d’un baccalauréat en géographie de l’Université Laval, elle possède une expertise de pointe en  systèmes agroalimentaires territorialisés, ayant conduit des projets de recherche appliquée à Longueuil et Argenteuil. Au CISA, elle travaille principalement sur des projets d’implantation d’innovations sociales en agriculture, notamment ceux du laboratoire vivant (Living Lab) et de l’amélioration du système de collecte des plastiques agricoles, ainsi que des projets axés sur l’agriculture urbaine et les saines habitudes alimentaires dans le sud et le nord du Québec.

  • Lucie Veillette

    Lucie Veillette, chargée de projets et chercheuse au CISA, détient un baccalauréat en économie et gestion agroalimentaires de l’Université Laval ainsi qu’une maîtrise en géographie de l’Université du Québec à Montréal. Elle conduit des recherches sur la reprise et le transfert d’entreprises agricoles dans un contexte non apparenté. Elle a également représenté le CISA à titre d’agente de maillage et de reprise pour le projet Banque de fermes. Elle s’intéresse aux modèles de reprise de fermes hors du cadre familial, aux conditions de réussite des jumelages et des reprises, et aux besoins des cédants en matière de planification de la retraite et du transfert. Enfin, elle mène des projets d’accompagnement des repreneurs et des cédants à l’aide de dispositifs innovants d’incubation et de mentorat.

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