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Chantal Leclerc, Université Laval
Dix facteurs sont généralement reconnus pour expliquer le stress : charge de travail, conciliation entre le travail et vie privée, horaires de travail, conflits de rôles, confusion des rôles, équité de l’administration, équité du ou de la responsable du département, équité en matière de récompenses, contrôle sur le travail et utilisation de ses compétences.

 

 

Les professeures et professeurs d’université sont profondément attachés à leur travail. Ici, comme ailleurs dans le monde, des enquêtes révèlent toutefois des signes inquiétants de détresse liés à la culture universitaire et aux conditions d’exercice du travail professoral. Voici donc quelques données extraites de quatre enquêtes quantitatives réalisées au Canada et au Québec, entre 2003 et 2010.

Le stress professionnel parmi le personnel académique d’université au Canada

Enquête réalisée par Catano, Francis, Haines et al., 2010Catano, V., Francis, L., Haines, T., Kirpalani, H., Shannon, H., Stringer, B., & Lozansku, L. (2007). Le stress professionnel parmi le personnel académique d’université au Canada. Halifax, NE : Département de psychologie, Université Saint Mary’s.

  • 1470 membres du personnel univsersitaire
  • Issus de 56 universités canadiennes
  • Taux de réponse : 27 %

Résultats :

70 % des répondant∙e∙s se disent satisfaits de leur travail, sauf que…

  • 24 % déclarent éprouver des troubles d’ordre psychologique typiquement associés au stress;
  • 22 % déclarent éprouver des troubles d’ordre physique typiquement associés au stress;
  • 22 % consultent un médecin ou ont recours à des médicaments pour des maladies liées au stress;
  • Les femmes signalent davantage de symptômes physiques et psychologiques associés au stress et sont plus nombreuses à recourir aux médicaments à cet effet.

Dix facteurs généralement reconnus pour expliquer le stress ont été évalués : charge de travail, conciliation entre le travail et vie privée, horaires de travail, conflits de rôles, confusion des rôles, équité de l’administration, équité du ou de la responsable du département, équité en matière de récompenses, contrôle sur le travail et utilisation de ses compétences.

  • Une grande proportion des répondant∙e∙s déclarent éprouver des difficultés associées à la charge de travail (85 %), à la conciliation entre le travail et la vie privée (76 %) et aux horaires de travail (73 %);
  • 82 % disent vivre des conflits de rôles en ayant à faire face à des exigences ou attentes incompatibles ou contradictoires.
  • 71 % disent éprouver des difficultés associées à une confusion des rôles, c’est-à-dire un manque de clarté des directives, attentes ou normes de rendement.
  • Plus de la moitié des répondant∙e∙s estiment que les cadres de l’administration n’agissent pas de manière équitable (55 %) et que la distribution des récompenses se fait d’une manière injuste (51 %). Les membres du corps professoral voient toutefois leur responsable d’unité comme étant plus solidaire et digne de confiance que les cadres de l’administration, quoique 20 % déclarent qu’il agit de manière injuste.
  • 14 % des répondant∙e∙s considèrent qu’ils ont peu de contrôle sur leur travail.

Les groupes les plus susceptibles d’être tendus et stressés sont les femmes, les professeurs occupant des postes menant à la permanence, les personnes qui ont entre 30 et 59 ans et celles dont la langue maternelle n’est ni l’anglais ni le français.

Enquête de la FQPPU sur le corps professoral québécois

Réalisée par : Dyke et Deschenaux, 2008Dyke, N., Deschenaux, F. (2008). Enquête sur le corps professoral québécois. Faits saillants et questions. Montréal, QC : Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université

Résultats :

  • 1328 professeures et professeurs d’universités québécoises
  • Taux de réponse : 28 %

77 % des répondant∙e∙s se déclarent satisfaits dans leur emploi, sauf que…

  • 31 % ont songé sérieusement à quitter leur emploi pour des motifs d’insatisfaction au travail;
  • 26 % mentionnent avoir déjà vécu un problème de santé psychologique lié au travail ou à ses conditions d’exercice;
  • seulement 20 % disent pouvoir concilier facilement leurs tâches d’enseignement et leurs tâches de recherche.

Des proportions non négligeables expriment de l’insatisfaction à propos :

  • de décisions importantes prises par l’administration (80 %);
  • du temps trop réduit pouvant être consacré à la recherche et à la publication (77 %) ainsi qu’à l’encadrement des étudiant∙e∙s des cycles supérieurs (40 %);
  • de la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale (64 %);
  • du nombre insuffisant de professeur∙e∙s pour répondre aux besoins d’enseignement et d’encadrement des étudiant∙e∙s (60 %);
  • des conditions de travail qui se seraient détériorées en enseignement (55 %) et en recherche (40 %);
  • du temps trop grand consacré à des tâches administratives (54%);
  • de ce qui entoure les règles de promotion et leur application (39 %);
  • des règles de financement de la recherche (38 %) et de l’insuffisance de ce financement (60%).

Concernant les relations et du climat de travail :

  • La presque totalité des répondant∙e∙s (97 %) se disent satisfaits ou très satisfaits de leurs relations avec les étudiant∙e∙s et la majorité expriment une telle satisfaction à propos de leurs relations avec le personnel des services (87 %), le personnel de l’administration (85 %) et leurs collègues (83 %).
  • Les taux de satisfaction baissent lorsqu’il est question de l’appréciation du climat au sein de l’institution (39 %), de la qualité de la vie intellectuelle (36 %) et de la collégialité dans les unités (32 %).

Évaluation de la santé organisationnelle de l'Université de Sherbrooke

Enquête réalisée par Morin, Courcy et Madore, 2006Morin, A., Courcy, F., & Madore, I. (2006). Évaluation de la santé organisationnelle de l’Université de Sherbrooke. Rapport des résultats du Syndicat des professeures et professeurs de l’Université de Sherbrooke. Sherbrooke : Université de Sherbrooke. [Article présentant le rapport]

  • 197 membres du Syndicat des professeures et professeurs de l’Université de Sherbrooke
  • Taux de réponse : 44 %

Résultats :

87 % des répondant∙e∙s se déclarent très engagés dans leur profession, sauf que…

  • 68 % des répondant∙e∙s se déclarent surchargés;
  • 51 % attribuent leurs problèmes de santé psychologique à des facteurs organisationnels.

98 % éprouvent un sentiment d’accomplissement (satisfaction quant à sa compétence, sentiment d’utilité), sauf que…

  • 27 % des professeur∙e∙s ressentent de l’épuisement émotionnel (sensation de ne plus avoir d’énergie);
  • 32 % éprouvent un sentiment de dépersonnalisation (attitudes négatives, hautement critiques ou cyniques).

À propos du soutien émotionnel et de la reconnaissance :

  • 17 % des professeur∙e∙s se sentent laissés à eux-mêmes, sans soutien émotionnel de leur supérieur s’ils en éprouvaient le besoin, et 20 % ont le même sentiment face à leurs collègues;
  • 31 % déclarent que leur contribution est insuffisamment reconnue;
  • 19 % considèrent qu’elle est ignorée au sein de leur milieu de travail, par leurs collègues et par leurs supérieurs.

À propos de la justice perçue :

  • seulement 27 % des répondant∙e∙s jugent que les décisions respectent la jus¬tice distributive qui se traduit par un partage équitable des tâches et des ressources;
  • 49 % des répondant∙e∙s jugent que les décisions respectent la justice procédurale, c’est-à-dire que les règles de partage des ressources sont respectées.

Évaluation de la santé mentale au travail

Enquête réalisée par Brun, Biron, Martel et Ivers, 2003Brun, J.-P., Biron, C., Martel, J., & Ivers, H. (2003). Évaluation de la santé mentale au travail. Une analyse des pratiques de gestion des ressources humaines. Montréal, QC : IRSST

  • 395 professeures et professeurs de l’Université Laval
  • Taux de réponse : 30 %

Résultats :

43 % des répondant∙e∙s déclarent vivre un niveau élevé de détresse psychologique, comparativement à 20,1 % dans la population québécoise.

À partir des calculs de niveaux de risque associés à une liste de 23 facteurs reconnus pour affecter la santé psychologique au travail, 7 facteurs de risque ont été reconnus comme plus importants ou plus menaçants pour la santé des professeur∙e∙s. Il s’agit, par ordre d’importance, de :

  • la surcharge quantitative (niveau de risque = 20);
  • la pression liée aux publications et demandes de subventions (niveau de risque = 15);
  • les horaires exigeants et la difficile conciliation travail-famille (niveau de risque = 14);
  • les conflits de rôles (niveau de risque = 10);
  • la faible reconnaissance de l’entourage (niveau de risque = 8);
  • l’insuffisance et la non-transparence de l’information (niveau de risque = 7);
  • le climat compétitif (niveau de risque = 7).

Références :

Sur la situation d’ici :

  • Bertrand, D. (2004). Diversité, continuité et transformation du travail professoral dans les universités québécoises : 1991 et 2003. Québec, QC : Conseil supérieur de l’éducation.
  • Bonneville, L. (2014). Les pressions vécues et décrites par des professeurs d’une université canadienne. Questions de communication, (26), 197 218.
  • Brun, J.-P., Biron, C., Martel, J., & Ivers, H. (2003). Évaluation de la santé mentale au travail. Une analyse des pratiques de gestion des ressources humaines. Montréal, QC : IRSST.
  • Catano, V., Francis, L., Haines, T., Kirpalani, H., Shannon, H., Stringer, B., & Lozansku, L. (2007). Le stress professionnel parmi le personnel académique d’université au Canada. Halifax, NE : Département de psychologie, Université Saint Mary’s.
  • Catano, V., Francis, L., Haines, T., Kirpalani, H., Shannon, H., Stringer, B., & Lozanski, L. (2010). Occupational stress in Canadian universities : A national survey. International Journal of Stress Management, 17(3), 232‑258.
  • Durand, C., & Versailles, C. (2006). Carrière et conditions de travail des professeur-e-s de l’Université de Montréal. Comparaison 1998‑2002‑2006. Montréal, QC : SGPUM, Université de Montréal.
  • Dyke, N. (2006). Le renouvellement du corps professoral dans les universités au Québec. Profil et expérience d’insertion des recrues en début de carrière. Montréal : Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université
  • Dyke, N., Deschenaux, F. (2008). Enquête sur le corps professoral québécois. Faits saillants et questions. Montréal, QC : Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université.
  • Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université. (2014). La condition professorale dans les universités québécoises. 1 – Le défi des conciliations : s’épanouir... s’épuiser. 2 – La collégialité et la gestion : s’organiser... se faire organiser. 3 – La recherche et la création : chercher, créer... surproduire. Montréal, QC : Fédération québécoises des professeures et professeurs d’université.  
  • Leclerc, C., & Bourassa, B. (2013). Travail professoral et santé psychologique. Sens et dérives. Québec : CRIEVAT.
  • Leclerc, C., Sabourin, C., & Bonneau, M. (2006). Le harcèlement psychologique chez les professeures et professeurs d’université. Montréal, QC : Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université.
  • Morin, A., Courcy, F., & Madore, I. (2006). Évaluation de la santé organisationnelle de l’Université de Sherbrooke. Rapport des résultats du Syndicat des professeures et professeurs de l’Université de Sherbrooke. Sherbrooke : Université de Sherbrooke.

Sur la situation ailleurs dans le monde :

  • Blix, A. G., Cruise, R. J., Mitchell, B. M., & Blix, G. G. (1994). Occupational stress among university teachers. Educational Research, 36(2), 157‑169.
  • Kinman, G., & Court, S. (2010). Psychosocial Hazards in UK Universities : Adopting a Risk Assessment Approach. Higher Education Quarterly, 64(4), 413 428.
  • Leung , T., Siu, O., & Spector, P. E. (2000). Faculty stressors, job satisfaction, and psychological distress among university teachers in Hong Kong : The role of locus of control. International Journal of Stress Management, 7(2), 121 138.
  • Tytherleigh, M. Y., Webb, C., Cooper, C. L., & Ricketts, C. (2005). Occupational stress in UK higher education institutions : a comparative study of all staff categories. Higher Education Research & Development, 24(1), 41‑61.
  • Viry, L. (2006). Le monde vécu des universitaires ou la république des égos (préf. de V. De Gaulejac) Rennes, FR: Presses universitaires de Rennes.
  • Winefield, A. H., Gillespie, N., Stough, C., Dua, J. K., Hapuarachchi, J., & Boyd, C. (2003). Occupational stress in Australian university staff : Results from a national survey. International Journal of Stress Management, 10(1), 51‑63.
  • Ylijoki, O.-H. (2005). Academic nostalgia : A narrative approach to academic work. Human Relations, 58(5), 555‑576.

Sur les mutations de l’université :

  • Dupont, Y. (2014). L’université en miettes. Servitude volontaire, lutte des places et sorcellerie. Montreuil : Éditions l’Échappée.
  • Gingras, Y. (2012). Les universités nouvelles. Enjeux et perspectives. Québec: Presses de l’Université du Québec.
  • Musselin, C. (2008). Les universitaires. Paris: La Découverte.
  • Schuster, J. H., & Finkelstein, M. J. (2006). The American Faculty: The restructuring of academic work and careers. JHU Press.
  • Slaughter, S., & Leslie, L. L. (1997). Academic capitalism : Politics, policies, and the entrepreneurial university. Johns Hopkins University Press.
  • Slaughter, S., & Rhoades, G. (2004). Academic capitalism and the new economy : Markets, state, and higher education. Baltimore, MD: Johns Hopkins University Press.

  • Chantal Leclerc
    Université Laval
    Présentation de l’auteureChantal Leclerc est professeure en psychosociologie des groupes à l’Université Laval. Elle s’intéresse particulièrement au travail en groupe comme lieu de légitimation des savoirs d’expérience, comme espace possible de solidarité et comme incubateur de changement. Ses recherches portent sur la santé psychologique au travail et plus spécifiquement sur les problématiques de détresse psychologique chez les universitaires

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