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Anthony Lacouture, Université de Montréal
Au-delà de la planification de ces stratégies, inviter les étudiants à réfléchir au partage et à l’application des connaissances en amont de leur recherche les amène aussi à se questionner sur leur posture (de chercheur), la finalité de leur travail et ses fondements éthiques.

[Sommaire du dossier Transfert]

Chercheurs, décideurs, « financeurs » et praticiens se positionnent et discutent régulièrement des enjeux du partage et de l’application des connaissances (PAC)1  issues de la recherche. Dans ces débats, un acteur, pourtant force vive du PAC, semble encore trop souvent manquer à l’appel : l'étudiant. Cependant, comme le souligne l'article de Vincent Larivière, Les doctorants, ressource essentielle à la production des connaissances, nous sommes, nous les doctorants, des contributeurs majeurs à l’avancée de la science.

De ce fait, nous sommes concernés au premier plan par les questions liées au partage et à l’application des connaissances issues de nos travaux de recherche.

Penser au PAC à l’étape de projet

Étudiant en cotutelle entre la France et le Québec, j’ai eu à rédiger au début de mon doctorat un protocole de recherche pour décrire mon projet de thèse et expliquer sa pertinence au regard des connaissances scientifiques déjà disponibles. En France comme au Québec, une section du protocole est consacrée à la valorisation des connaissances issues de la thèse. Il s’agit de définir et d’expliciter de façon claire et précise les stratégies envisagées pour valoriser les connaissances produites dans le cadre de notre projet de recherche. La rédaction de cette section est fortement encouragée, sinon  exigée, par les organismes subventionnaires.

Je me suis vite rendu compte, cependant, que parmi les outils disponibles appuyant l’application des connaissances, rares étaient ceux spécifiquement conçus pour et par les étudiants. Ce manque s’est principalement fait sentir lors de la rédaction de mon protocole de recherche.

Parmi les outils disponibles appuyant l’application des connaissances, rares étaient ceux spécifiquement conçus pour et par les étudiants.

Ainsi, après avoir assisté à une formation en ligne sur les plans de transfert des connaissances, j’ai décidé d’utiliser et d’adapter un outil existant pour définir et planifier au mieux, en amont de mon projet doctoral, les stratégies par lesquelles les connaissances provenant de mes travaux seront partagées et appliquées non seulement au sein de la communauté scientifique, mais aussi auprès des publics susceptibles d’utiliser ces connaissances.

Des occasions ponctuelles…

Bien que les formations spécifiques au PAC soient encore rares dans les universités francophones, il existe des occasions où les étudiants au doctorat peuvent valoriser leurs travaux de recherche : dans la communauté scientifique, en participant à des colloques, à des conférences ou à des séminaires; auprès des utilisateurs des connaissances, notamment en utilisant les réseaux sociaux comme Twitter, Facebook ou Slideshare; ou plus largement, à travers des activités dites de « vulgarisation scientifique », par exemple. Le concours « Ma thèse en 180 secondes », qui rassemblait en octobre 2015 des doctorants francophones issus de disciplines multiples et variées, est une illustration concrète d'une telle occasion de transfert. En trois minutes, la parole leur était donnée pour présenter leur projet de recherche de façon claire, concise et convaincante à un public large et diversifié. Le succès de cette deuxième édition souligne un grand intérêt et un réel besoin pour les étudiants de communiquer leurs travaux auprès de leurs pairs, et plus largement!

Cependant, au-delà de ces activités ponctuelles de communication, comment appréhender le PAC, voire le planifier, tout au long du projet de recherche de façon continue, itérative et collective?

…à une démarche itérative et continue de PAC

Différentes aspects inhérents à tout processus lié au PAC sont ainsi soulevés. Partager et appliquer les connaissances issues de ma recherche, oui mais…

  • Quoi : quelles données partager
  • Pourquoi : informer, sensibiliser ou améliorer les pratiques
  • Sous quel(s) format(s) : article, affiche, note de politique, infographie…
  • Auprès de quel(s) public(s) : chercheurs, utilisateurs potentiels, population…
  • Avec qui : superviseurs, équipe de recherche à laquelle l’étudiant est affilié, autres personnes à l’université ou en dehors…
  • Comment : stratégies de partage et d’application interactives ou non, dissémination simple ou coproduction des connaissances, spécificités du champ disciplinaire et des méthodes du projet de recherche
  • Quand : selon l’avancement du projet de recherche ou le contexte d’utilisation

Considérer chacun de ces aspects durant la rédaction de mon protocole de recherche m’a permis, petit à petit, d’élaborer un plan explicite de partage et d’application concrète des connaissances issues de ma thèse. D’abord adapté et utilisé à titre personnel, ce plan a été repris par d’autres étudiants au doctorat ou à la maîtrise.

D’après les premiers retours, il s'avère que le plan PAC présente deux atouts principaux :

  • il incite les étudiants à s’interroger sur les stratégies de partage et d'application des connaissances qu'ils visent à produire;
  • il les encourage à se forger une opinion sur le PAC, qu’elle soit favorable ou non.

L'appropriation de cette première version du plan PAC s'avère néanmoins un peu laborieuse. Une deuxième version plus conviviale, accompagnée d’un guide d’utilisation, est envisagée.

Des ressources pour réussir le PAC

Au-delà de la planification de ces stratégies, inviter les étudiants à réfléchir au PAC en amont de leur recherche les amène aussi à se questionner sur leur posture (de chercheur), la finalité de leur travail et ses fondements éthiques.

Le partage et l’application des connaissances s’inscrivent donc au-delà d’une perspective informationnelle (la simple dissémination) et intègrent une dimension aussi bien relationnelle que systémique. Aussi, ces stratégies du PAC, valorisées par les organismes subventionnaires, (re)mettent en question les compétences à acquérir lors de la formation universitaire, révélant ainsi tout l’intérêt du PAC (et de la création et d’utilisation d’outils) en matière d’apprentissage de savoirs, savoir-être et savoir-faire.

Le partage et l’application des connaissances s’inscrivent donc au-delà d’une perspective informationnelle (la simple dissémination) et intègrent une dimension aussi bien relationnelle que systémique.

Les formations (doctorales notamment), pour leur part, pourraient, par exemple, comporter  des modules sur le PAC dans le cadre des programmes de maîtrise ou de doctorat, ou de courts stages d’observation en institution ou milieu de pratique pour sensibiliser les futurs chercheurs à l’importance de cette démarche ainsi qu’aux besoins des principaux utilisateurs de connaissances.

Vers une communauté de pratiques?

Pour poursuivre ce débat entre la communauté étudiante et les différentes parties prenantes du PAC au sein des universités francophones, une communauté de pratiques pourrait voir le jour. En effet, d’autres questions ont émergé de cette réflexion autour du plan PAC :

  • Quelles sont les compétences à développer pour valoriser nos recherches en tant que doctorant?
  • Quelles sont les ressources sur lesquelles nous pouvons nous appuyer?
  • Quelles sont les stratégies de PAC envisageables et réalisables à notre niveau?

Actuellement, les réponses à ces questions s’avèrent déterminantes. Elles ne peuvent être données sans une participation commune des étudiants, d’une part, et des acteurs et structures les accompagnant dans leurs travaux, d’autre part, tout au long de leur formation, en incluant les équipes pédagogiques, les universités et les organismes subventionnaires.

L’appel est lancé. La parole est à nous.

En complément :

VIDÉO

Cette vidéo a été réalisée dans le cadre du 11eColloque de l'Association étudiante de l'École de santé publique de l'Université de Montréal (AÉÉSPUM). Ayant pour thème "Impacts de la santé publique : de la recherche à l'intervention", ce colloque a eu lieu à Montréal le 9 février 2016.

  • Idée originale : Anthony Lacouture, doctorant en santé publique et science politique, Université de Montréal/Université de Rennes 1-École des hautes études en santé publique (EHESP)
  • Réalisation : L'animateur c'est moi ! http://animateurmultimedia.fr

Notes :

  • 1. Définis ici au sens large comme « l’ensemble des fonctions et des processus qui visent à améliorer la manière par laquelle les connaissances sont partagées et appliquées pour apporter des changements efficaces et durables », le partage et l’application des connaissances (PAC) issues de la recherche soulèvent des enjeux scientifiques et sociétaux majeurs, autant pratiques que structurels.
  • L. SHAXSON, A. T. BIELAK, et al. (2012), Expanding our understanding of K* (KT, KE, KTT, KMb, KB, KM, etc.), A concept paper emerging from the K* conference held in Hamilton, Ontario, Canada, April 2012, UNU-INWEH.
  • K. SOUFFEZ et M.-C. LAURENDEAU (2011), Outil pour soutenir l’élaboration d’un plan de transfert des connaissances, Institut national de santé publique du Québec. 

  • Anthony Lacouture
    Université de Montréal

    Anthony Lacouture est doctorant en santé publique et science politique à l’École des hautes études en santé publique, à l’Université de Rennes 1 et à l’École de santé publique de l’Université de Montréal. Il s’intéresse au partage et à l’application des connaissances entre chercheurs et acteurs de politiques dans le cadre de recherches interventionnelles visant à réduire les inégalités de santé au niveau local en France.

    anthony.lacouture@umontreal.ca

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