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Anne-Marie Duquette, Journaliste
Redonner un sens au mot "humanisme"

[Colloque 301 – Art, littérature et société]

Faire de l’or avec du plomb; voilà l’entreprise ultime de tout alchimiste. Marguerite Yourcenar, dans son roman historique L’œuvre au noir, s’improvise alchimiste : faire de l’humanité avec de l’homme.

Prendre du plomb…

Depuis la Seconde Guerre mondiale, nombreux sont ceux qui ont condamné l’humanisme. « Comment redonner un sens au mot "humanisme" », lança Jean Beaufret, après un si grand attentat contre l’humanité? Yourcenar, elle, décida de démontrer qu’il n’est pas mort. Elle répertoria, dans son roman se déroulant à la Renaissance, les différentes définitions de ce mouvement à travers son protagoniste Zénon, un jeune homme en soif de savoirs.

Miruna Craciunescu, doctorante en littérature à l’Université McGill, décortique la question. « L’humanisme de Yourcenar se divise en deux catégories : d’abord celui étroit, scolaire, situant l’homme au centre de la réflexion. Puis, celui plus profond qui insiste sur l’unité du monde. » L’écrivaine veut, selon Craciunescu, rendre compte de l’évolution de la pensée humaniste. Zénon incarne à la fois l’humaniste philologique du XVIe siècle et celui, philosophique, du XXe siècle. D’un côté, l’homme est le centre de tout, de l’autre, le monde. Ce paradoxe, loin d’être une maladresse, témoigne de la lucidité de l’écrivaine.

« On appelle ‘l’œuvre au noir’ la première étape de la transformation du plomb. C’est le moment de séparation des matériaux où l’on extrait la substance nécessaire à la fabrication de l’or », explique la chercheuse. Selon elle, ce serait le premier pas vers l’humanisme.

...pour faire de l’or.

Pour ce faire, Zénon, à la recherche de vérité, absorbe toutes les connaissances sur son chemin. Il relativise ses opinions et ses croyances, les séparant des nouvelles connaissances qu’il acquiert, comme l’alchimiste évapore le liquide et calcine le solide pour isoler la matière et mieux la comprendre. « L’œuvre au noir, comme l’acquisition des savoirs, peut cependant s’avérer être une entreprise infinie », rappelle la doctorante en littérature. Effectivement, l’acquisition du savoir absolu est inatteignable; cela n’empêche pas d’essayer. Comme le dit si bien Zénon, « je sais que je ne sais pas ce que je ne sais pas, j’envie ceux qui sauront davantage, mais je sais qu’ils auront tout comme moi à mesurer, peser, déduire, à se méfier […]. Je mourrai un peu moins sot que je ne suis né » .

Selon la chercheure Craciunescu, tout le monde devrait pratiquer l’alchimie. Pas besoin de faire le tour du monde comme Zénon;  il suffirait de séparer nos idées programmées par les institutions scolaires sur les classiques de la littérature afin de les relire, l’esprit clair, sans jugement. Cela permettrait de s’ouvrir à d’autres religions, à d’autres idées et façons de faire, de développer l’empathie, simplement en se mettant à la place de l’autre. Ainsi, la littérature pourrait être le plomb mettant l’or en homme.


  • Anne-Marie Duquette
    Journaliste
    Présentation de l’auteureAprès une technique en travail social au Cégep de Sherbrooke, plusieurs contrats en intervention sociale au Québec et à l’étranger, Anne-Marie Duquette poursuit ses études en littérature à l’Université du Québec à Rimouski. Conjuguer écrire et être en société, voilà son défi. Elle écrit pour plusieurs journaux locaux tels que le journal indépendant Le mouton Noir, la revue culturelle Le Girafe, le journal étudiant Le Soufflet et bon nombre de revues littéraires. Elle est également l’auteure d’un roman jeunesse intitulé Contre-temps, paru en 2009 aux éditions G.G.C.

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