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Sandrine Bourque, Stagiaire en journalisme scientifique
Le congrès de l’Acfas sera l’occasion pour certaines participantes de questionner la place encore fragile des femmes dans les sciences d’aujourd’hui.

5 mai 2012, 80e Congrès de l'Acfas  À l’Acfas, la contribution des femmes est aujourd’hui comparable à celle des hommes. Cette forte participation féminine reflète une situation que l’on observe dans la plupart des établissements postsecondaires, où de nombreuses jeunes femmes poursuivent désormais leurs études dans des programmes de sciences dites « dures ». Elles n’ont pourtant pas atteint la parité dans tous les domaines de la science, estime Claire Deschênes, ingénieure et coprésidente de l’Association de la francophonie à propos des femmes en sciences.

« Du côté des sciences de la vie, en médecine ou en soins infirmiers, par exemple, on atteint la parité, affirme-t-elle. Mais dans des domaines comme le génie ou l’informatique, la présence féminine chute parfois sous la barre des 10 %. On y a même observé une régression depuis le début des années 2000. Je pense qu’on a encore beaucoup à faire avant que la femme n’atteigne la parité dans toutes les disciplines de la science ».

Questionner la relation femme/science

Claire Deschênes est dotée d’un riche parcours scientifique qui l’a notamment menée à la tête de la Chaire CRSNG/Alcan du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), de 1997 à 2005, et d’un consortium de recherche qui porte sur la mécanique des fluides appliquée aux turbines hydrauliques.

Dans le cadre du 80e Congrès de l’Acfas, elle animera les activités de l’avant-midi dans le cadre de la journée Femmes, sciences et génie. Ces séminaires seront donnés par trois des rares femmes ayant gravi les plus hauts échelons du domaine scientifique : Nadia Ghazzali, titulaire de la Chaire Industrielle-Alliance pour les femmes en sciences et en génie, Maud Cohen, ex-présidente de l’Ordre des ingénieurs du Québec et Suzanne Fortier, présidente du CRSNG. Suivra une table ronde qui permettra notamment aux participantes et participants d’échanger leurs impressions à propos de la participation des femmes en science, ainsi que d’amener des pistes de solutions pour intéresser davantage les adolescentes aux métiers liés à la science et au génie.

« La table ronde présentera un point de vue interne – celui de femmes ingénieures, par exemple – mais aussi externe, explique Madame Deschênes. Il y aura notamment des chercheurs en enseignement au secondaire, en histoire, en management ainsi qu’en bibliométrie qui seront présents pour donner leur point de vue. Ce sera une table ronde aux interventions très variées. » Chose certaine, la journée Femmes, sciences et génie remettra sur la table des questions essentielles afin de comprendre la place grandissante qu’occupent les femmes dans le domaine.

Féminisme

Cette présence de plus en plus marquée des femmes en sciences est-elle liée aux luttes féministes qui ont secoué le Québec moderne? Sans aucun doute, répond Rachel Chagnon, membre de l’Institut de recherche et d’études féministes et professeure à l’Université du Québec à Montréal. « Le combat féministe, explique-t-elle, a eu des effets à tous les niveaux. Dans le domaine scientifique, ces luttes ont surtout permis aux femmes d’être acceptées dans les domaines de la science dite “dure” – biologie, chimie, médecine, génie – puisqu’elles étaient déjà actives dans des milieux comme la littérature, les arts ou les sciences humaines depuis le 19e siècle. »

Rachel Chagnon parlera des luttes féministes lors du congrès de l’Acfas : elle animera le colloque Féminisme et autres mouvements sociaux : quels liens, quels enjeux, quel débat? Une série de quatre panels destinés à susciter une réflexion sur la fluidité des rapports entre le féminisme et les autres revendications dans les mouvements sociaux compose la rencontre. « Le but de ce colloque est d’offrir un espace commun aux féministes pour réfléchir sur leur engagement au sens large », résume-t-elle. « Les panélistes auront une approche à la fois théorique et militante : certains d’entre eux sont chercheurs, d’autres sont actifs dans différents groupes sociaux. Nous voulons vraiment discuter de ces enjeux avec des points de vue différents ».

Une discrimination subtile

Bien qu’elle n’ait pas l’intention d’y discuter spécifiquement de la place des femmes en science, Madame Chagnon reconnaît l’importance de la question : « On pense souvent, à tort, que le féminisme est un combat achevé, que c’est derrière nous, que l’égalité est atteinte. Or, dans les sciences dures, on remarque que ce n’est pas le cas. Les femmes peinent toujours à prendre leur place dans le domaine. » Claire Deschênes, professeure au Département de génie mécanique de l’Université Laval, en sait quelque chose : « De nombreuses femmes scientifiques, dans le milieu du génie par exemple, font face à une discrimination subtile et parfois inconsciente, qui vient autant de leurs collègues masculins que d’elles-mêmes. C’est très difficile à débusquer ».

Les femmes ont-elles réellement pris la place qui leur revient dans la science d’aujourd’hui? Pas tout à fait, selon Rachel Chagnon : « Évidemment, les femmes sont plus actives dans les sciences qu’elles ne l’étaient il y a cinquante ans, mais de nombreux défis restent à relever. » Selon Madame Chagnon, le construit culturel des femmes détermine de nombreux comportements qu’elle adopteront plus tard en groupe : elles seront plus effacées, auront davantage de difficulté à s’assumer et à revendiquer leur réussite personnelle. Et les femmes scientifiques ne font pas exception. « Les chercheures doivent cesser d’être considérées comme de précieuses collaboratrices, soutient-elle. Elles doivent prendre tout le mérite qui leur revient et assumer leur compétence individuelle ».

Nouveaux défis

Une chose est certaine, selon les deux chercheuses  : la question de l’égalité des hommes et des femmes est trop souvent considérée comme chose du passé, alors que certains faits observés dans le domaine des sciences appliquées prouvent le contraire. « L’un des grands défis de la femme scientifique, croit Rachel Chagnon, est de changer la perception qu’elle a d’elle-même et de son travail. » Claire Deschênes, pour sa part, mentionne un autre problème majeur, celui du « plafond de verre » : « De nombreuses femmes scientifiques travaillent durant de longues années et montent petit à petit dans l’échelle. Mais elles n’arrivent que rarement à atteindre les postes les plus haut placés des chaires ou des centres de recherche ».

Le nouveau défi des femmes en sciences, résume madame Chagnon, c’est d’atteindre la « réelle » égalité : « Avant,une femme devait être meilleure qu’un homme pour accéder au même poste. Aujourd’hui, nous avons un autre défi : nous voulons que la femme, à compétences égales, ait autant de chances qu’un homme d’être embauchée, ce qui n’est toujours pas le cas dans de nombreux domaines. » 

Féminisme et autres mouvements sociaux : quels liens, quels enjeux, quel débat?Mardi le 8 mai, Palais des congrès de Montréal, 511E  Journée femmes, sciences et génie : quelle place pour les femmes ?Mercredi le 9 mai, Auditorium – Grande Bibliothèque (475, Boulevard de Maisonneuve Ouest, Montréal)  


  • Sandrine Bourque
    Stagiaire en journalisme scientifique

    Étudiante en communication, politique et société à l’UQAM, Sandrine Bourque a signé plusieurs articles dans des journaux étudiants au cours de ses études au Cégep du Vieux-Montréal. Elle a fait ses premiers pas dans le milieu du journalisme à Radio Centre-Ville, la radio multilingue de Montréal, où elle a animé durant l’été 2010 un magazine d’actualité hebdomadaire, Planète Montréal.

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