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Alexandre Klein, Université Laval

Le moment est solennel, au point d’être immortalisé dans la revue La Garde-Malade Canadienne Française (novembre 1954, p. 37). Nous sommes au Sanatorium Prévost, dans Cartierville, une banlieue chic au nord de Montréal, et il est un peu plus de 17 heures, ce mercredi 13 octobre 1954, lorsque Rachel Gagnon se voit remettre des mains de Wilbrod Bonin, le doyen de la faculté de médecine de l’Université de Montréal, son certificat de perfectionnement en psychiatrie accompagné d’un insigne professionnel créé pour l’occasion. Sont présents à ses côtés Roger Dufresne, vice-doyen de l’université, Charlotte Tassé, présidente du bureau d’administration du sanatorium et créatrice du cours de perfectionnement, ainsi que Gertrude Hefti la responsable de l’enseignement.

Récit - Klein
Source : La Garde-Malade Canadienne Française, novembre 1954, p. 37.

Ce nouveau cursus postscolaire a été mis en place un an auparavant pour offrir aux infirmières de la province qui le désirent une formation théorique et pratique spécialisée en psychiatrie et sanctionnée par un diplôme reconnu par les instances universitaires. Sur les huit candidates de cette première année, Rachel Gagnon est la seule à sortir diplômée, après 157 heures de cours, plusieurs stages cliniques, dont un de trois mois à l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu et la réalisation d’une thèse de 135 pages sur l’hygiène mentale et les problèmes de la vie aux différents âges.

Certes, le Sanatorium Prévost, cette petite institution psychiatrique privée ouverte 35 ans auparavant, n’est alors pas le seul lieu à former des infirmières psychiatriques au Québec. Les hôpitaux Saint-Jean-de-Dieu à Montréal ou Saint-Michel-Archange à Beauport ont depuis longtemps mis en place des formations pour les gardes-malades souhaitant œuvrer auprès des malades mentaux. Mais Rachel Gagnon est la première à recevoir, suite à la rédaction d’un travail de recherche, un diplôme reconnu par une université de la province. Au total, entre 1954 et 1957, dix infirmières psychiatriques seront diplômées au sein du Sanatorium Prévost (devenu entretemps l’Institut Albert Prévost).

La formation sera ensuite dissoute, puis réorganisée par Camille Laurin, psychiatre à Prévost et, dès 1958, responsable des enseignements au Département de psychiatrie de l’Université de Montréal. À sa réouverture en 1959, elle a changé de directrice, mais aussi de direction, proposant un cursus plus technique qui désormais sur l’obtention d’un diplôme universitaire en bonne et due forme. Le Québec rattrapait ainsi son retard sur l’Ontario où un tel diplôme était décerné, notamment au Toronto Hospital for the Insane, depuis 1909.

Avec cette formation professionnalisante, les infirmières québécoises pouvaient espérer, comme le promettaient les publicités publiées dans les revues spécialisées, « d’occuper les plus hauts postes en nursing psychiatrique ». C’est très probablement ce qui est arrivé à Rachel Gagnon. Car bien qu’on perde rapidement sa trace et qu’on ignore donc où elle a poursuivi sa carrière, on la retrouve, en 1961, comme auteure d’un article dans La Garde-Malade Canadienne Française. Sous son nom, l’acronyme « I. L. P. » pour Infirmière Licenciée Psychiatrique.

Avec cette formation professionnalisante, les infirmières québécoises pouvaient espérer, comme le promettaient les publicités publiées dans les revues spécialisées, « d’occuper les plus hauts postes en nursing psychiatrique »


  • Alexandre Klein
    Université Laval

    Historien et philosophe des sciences, Alexandre Klein est spécialisé dans l’histoire de la santé à l’époque contemporaine. Il est actuellement chercheur postdoctoral au Département des sciences historiques de l’Université Laval à Québec où il contribue à un projet sur l’histoire du nursing psychiatrique au Québec. Il est également le coordonnateur du réseau de recherche Historiens de la santé qu’il a créé en 2012.

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