Aller au contenu principal
Il y a présentement des items dans votre panier d'achat.
Le journalisme, la politique, les relations publiques, tout ça ce sont des portes tournantes où les frontières deviennent poreuses.

Deux journalistes se présentent comme candidates à l'élection complémentaire dans Chauveau : Jocelyne Cazin sous la bannière caquiste et Véronyque Tremblay sous celle du Parti libéral. Toutes deux vont lutter pour prendre la place laissée vacante par un autre ancien journaliste devenu politicien, Gérard Deltell. Les aspirations politiques des journalistes sont chose courante dans l'actualité. Mais qu’est-ce qui peut bien les motiver à troquer la salle de presse pour le salon bleu?

La recherche d'Anne-Marie Pilote, étudiante de deuxième cycle à l'Université Laval, éclaire justement sur ces facteurs qui poussent tant de journalistes à se présenter comme candidats. Elle a récolté puis analysé les témoignages des sept politiciens ex-journalistes présents à l'Assemblée nationale à l'hiver 2014, soit, Nathalie Roy, Gérard Deltell, François Paradis, Christine St-Pierre, Dominique Vien, Bernard Drainville et Jean-François Lisée. « On obtient une "photographie" ethnographique significative des raisons poussant les journalistes à tenter leur chance comme député, de même que des avantages et des inconvénients d’un bagage journalistique tout comme des questions éthiques soulevées par un contexte politique et médiatique propre au Québec », affirme t-elle.

La plupart des ex-journalistes expliquent leur décision de faire le grand saut en évoquant l'attrait du pouvoir, la volonté de s'engager de manière plus concrète et l'envie de devenir des acteurs de changement. Pour d’anciens correspondants parlementaires, comme Bernard Drainville ou Christine St-Pierre, qui se sont butés pendant des années à la porte du caucus, il y avait aussi l'envie de connaître les coulisses du pouvoir, de voir ce qui se passe de l'autre côté de la porte. Ce portrait n'est pas nouveau. Il y a toujours eu des journalistes en politique; qu'on pense à René Lévesque ou à Claude Ryan, mais un plus grand attrait semble se confirmer.

«Ils m'ont dit que le métier [de journaliste] est en nette perdition, qu'il se détériore de plus en plus et que cela avait déjà commencé au moment où ils avaient quitté le domaine».

En s'appuyant sur les entretiens qu'elle a mené, Anne-Marie Pilote soutient que les ex-journalistes hésitent à évoquer la crise des médias comme raison de la forte présence des journalistes en politique, mais cet aspect ressort de manière nuancée lors des entretiens. « Ils m'ont dit que le métier est en nette perdition, qu'il se détériore de plus en plus et que cela avait déjà commencé au moment où ils avaient quitté le domaine. L'importante déception face à la presse a certainement joué un rôle dans leur choix de se lancer en politique, mais ils ont émis des réserves », constate la jeune chercheure. L'impératif de rapidité et le fait qu'ils disposaient de moins en moins de temps pour traiter la nouvelle, en ont amené plusieurs à se questionner, à savoir, s'ils voulaient encore pratiquer ce métier.

Les partis politiques veulent recruter des journalistes. Ce sont des communicateurs hors-pairs et le nerf de la guerre en politique c'est la communication. Or, cette transition n'est pas sans soulever des doutes sur leur comportement professionnel. «Un journaliste qui décide de faire le saut peut être correspondant parlementaire le vendredi et se présenter comme candidat pour un parti le lundi. Il n'y a pas de purgatoire, de période de transit. Par contre, ils sont obligés de faire le deuil du journalisme d'information », précise Anne-Marie Pilote. Ils doivent aussi faire face aux critiques de leurs anciens collègues et de leurs nouveaux adversaires politiques. Selon Mme Pilote, les métiers de la communication sont en train de devenir des vases communicants. «Le journalisme, la politique, les relations publiques, tout ça ce sont des portes tournantes où les frontières deviennent poreuses», remarque t-elle.

 


  • Geneviève Quevillon
    Journaliste
    Présentation de l’auteureGenevieve Quevillon est étudiante en dernière année de baccalauréat de journalisme à l’Université du Québec à Montréal. Impliquée dans plusieurs médias étudiants et communautaires, son approche est collaborative et ses savoirs multidisciplinaires. Autonome et créative, Genevieve aime trouver des angles originaux qui font comprendre le plus aisément possible l’essentiel d’une information à ses publics.

Vous aimez cet article?

Soutenez l’importance de la recherche en devenant membre de l’Acfas.

Devenir membre Logo de l'Acfas stylisé

Commentaires