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Clémence Cireau, Stagiaire en journalisme scientifique
L’Acfas lance, en ce jour d’ouverture de son 80e congrès, une vaste consultation sur la prochaine politique scientifique québécoise. Coup d’œil sur les enjeux.

Une politique scientifique est un énoncé où le gouvernement présente ses projets d’investissements et sa vision du développement de la recherche, de l’innovation et de la formation des chercheurs. La période couverte par l’actuelle Stratégie québécoise pour la recherche et l’innovation (SQRI) expire en 2013.

Or de nombreux analystes constatent des lacunes dans cette SQRI, qui aurait trop privilégié les applications pratiques de la recherche et les retombées économiques pour l’industrie.

Le message introductif du premier ministre du Québec, Jean Charest, insistait d’ailleurs là dessus : « Plus que jamais, le Québec doit compter sur la synergie entre les entreprises, les établissements d’enseignement et les centres de recherche pour créer davantage de richesse. » Optique confirmée dès la page suivante par Clément Gignac, ministre du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation : « Pour réaliser nos objectifs de prospérité, l’innovation doit être au cœur de notre action ».

Louise Dandurand, présidente du comité de consultation de l’Acfas sur la nouvelle politique de recherche, déplore le fait « qu’il semble y avoir une absence de vision globale de ce que doit être la politique de recherche et d’innovation. » Pour elle, « le volet innovation n’est pas à négliger, mais c’est toujours une question d’équilibre. Une politique scientifique, c’est un système. Il faut balancer entre les finalités économiques, culturelles et sociales. »

Mais, revenons un peu en arrière...

Louise Dandurand constate qu’en 2001, la politique scientifique québécoise Savoir changer le monde, avait une vision globale de ce qu’on attendait de la science au Québec. Mais de 2001 à 2010, les priorités de la politique scientifique sont passées de préoccupations comme le bien-être de la population ou le développement durable, à des projets technologiques précis comme le développement d'un avion écologique ou d'un autobus vert. « Des innovations fort bienvenues et porteuses, mais qui ne peuvent tenir lieu d’une véritable politique ».

Yves Gingras, historien et de sociologue des sciences à l’Université du Québec à Montréal constate le changement : « On est passé du terme politique scientifique, utilisé dans les années 1960, à celui de politique technologique dans les années 1980 et 90. Et maintenant, on parle de politique des innovations. Ça reflète l’idéologie. Maintenant, on se concentre sur le résultat de la science et pas sur la science elle-même ».

Il explique que cette concentration sur les finalités économiques vient aussi d’un problème structurel au niveau de l’organisation des ministères. La politique scientifique est définie par le ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation (MDEIE), et la politique universitaire est sous la responsabilité du ministère de l’Éducation du Loisir et du Sport. Alors que dans les années 1980, il y avait un ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, qui réunissaient les deux. « Il n’y a plus de cohérence de fait. Il faut que le gouvernement se rende compte que la science est en lien avec les universités. Il ne faut pas que les deux budgets soient indépendants. » La SQRI étant rédigée par le MDEIE, elle est orientée par ses prérogatives. La recherche fondamentale et les sciences humaines pâtissent de cette division quand arrive l’attribution des budgets. « Le découpage des ministères reflète la conception qu’on a de la science, de la recherche et de l’innovation », rajoute-t-il.

Le Gouvernement fédéral a lui aussi choisi cette direction. Lors du dernier budget, les investissements additionnels étaient dirigés vers la R&D. Le financement de la recherche fondamentale s’érode au profit de la recherche industrielle. « Le gouvernement fédéral va vers l’industrie de façon plus radicale qu’au Québec. Mais on pourrait faire levier, si les outils donnés par le provincial pouvaient permettre aux universités québécoises d’être compétitives au fédéral, » explique Yves Gingras.

L'Acfas consulte

Plusieurs reprochent aussi à la SQRI de ne pas avoir fait, à l’époque, l’objet de débats publics préliminaires. Pour éviter que la situation se reproduise, l’Acfas lance donc une large consultation, l’objectif étant que tous les acteurs intéressés s’expriment sur les enjeux qui leur semblent importants. « La communauté scientifique doit prendre conscience de l’importance de cette politique, et mieux se l’approprier, » souhaite Louise Dandurand.

Lors du congrès, un babillard sera mis à la disposition de tous ceux qui souhaitent exprimer leur opinion. Un questionnaire sera également envoyé aux membres de l’association. Puis les membres du Comité de l’Acfas, responsable de cette consultation, iront à la rencontre d’acteurs clés de la communauté scientifique pour des entrevues plus approfondies. Ils réaliseront également un état des lieux de la situation dans d’autres pays assez similaires au Québec, dans leur structure universitaire, industrielle, économique, comme les pays scandinaves, ou certains pays latino-américains.

L’Acfas présentera au cours de l'automne ces préoccupations au gouvernement du Québec.

Yves Gingras croit que ce qui va ressortir c’est le besoin de rétablir un équilibre avec la recherche fondamentale qui a été délaissée ces dernières années. Florence Piron, professeure en information et communication à l’Université Laval, déplore elle aussi le manque de débat public sur la politique scientifique. Elle souhaite que toute la société y participe. Elle présentera son projet lors du congrès. Pour Louise Dandurand, même si la démarche de Madame Piron ne se fait pas à la même échelle, « elle alimentera la réflexion de l’Acfas. » Yves Gingras pense que « l’Acfas peut servir de mobilisateur. Le congrès va être un test. Si sur place, les 5000 personnes ne sont pas capables de se mobiliser, qu’ils ne soient pas surpris que le gouvernement décide pour eux ».

Crédit Photo :Colloque de de l’Acfas sur la recherche scientifique et la société canadienne-française. De gauche à droite : (deuxième) Fernand Daoust, (troisième) Maurice Labbé, (quatrième) Fernand Dumond, 1971. Photographie : Cinq-Mars.Université du Québec à Montréal. Service des archives et de gestion des documents. Fonds d’archives de l’Association canadienne-française pour l’avancement des sciences. 17P-640:20:F3/3.

  • Clémence Cireau
    Stagiaire en journalisme scientifique

    Clémence Cireau part durant sa dernière année de licence en information et communication à l’Université de Bordeaux, en échange au Québec. Elle y réalise alors une maîtrise en journalisme scientifique à l’Université Laval. Elle a travaillé pendant deux ans à la Chaire de journalisme scientifique de l’Université Laval. Désormais, elle écrit des articles en journalisme scientifique, en parallèle de son poste d’adjointe de direction au sein du magazine Médecine Sciences Amérique.

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