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Sylvain Moineau
Sciences biologiques et sciences de la santé

Sylvain Moineau

Université Laval

Le prix Acfas Léo-Pariseau 2018, en sciences biologiques et sciences de la santé, est remis à Sylvain Moineau professeur au département de biochimie, de microbiologie et de bio-informatique à l’Université Laval.

Les bactéries ont aussi des ennemis. Celles qui « font » le cheddar, par exemple, doivent se défendre contre des virus qui n’attaquent que les bactéries : des bactériophages. Ces phages, comme on les nomme dans le métier, sont dans la mire du lauréat depuis près de 30 ans. Il a identifié un mécanisme bactérien de défense contre ces phages : une sorte de « ciseau » permettant de tailler le génome de l’ennemi. Désormais, ce ciseau moléculaire est utilisé tous azimuts pour éditer des génomes avec une aisance jusqu’alors inconnue. C’est le célèbre CRISPR-Cas9, dont les travaux du Pr Sylvain Moineau en sont pour ainsi dire le soubassement. Cette contribution exceptionnelle est l’aboutissement de ses nombreux travaux, dont plusieurs visaient à mieux contrôler les phages et les bactéries lors de la fabrication de produits laitiers.

Au tournant des années 1980 et 1990, le lauréat obtient un baccalauréat en microbiologie, une maîtrise puis un doctorat en sciences et technologie des aliments. Ses travaux réalisés à l’Université Laval s’articulent autour des phages s’attaquant aux bactéries utilisées notamment dans la fabrication des produits laitiers. Il réussit alors à caractériser plusieurs nouveaux phages infectant Lactococcus lactis, une bactérie lactique utile à la fabrication du cheddar. Puis, il développe des outils permettant de réduire leur impact. Cette capacité d’appliquer les résultats de la recherche s’illustre aussi avec éloquence lors d’un postdoctorat aux États-Unis, au sein de la multinationale anglo-néerlandaise Unilever, qui l’amènera à déposer pas moins de sept brevets entre 1993 et 1995. Plusieurs des découvertes réalisées pendant ses études (détection des phages, bactéries résistantes aux phages) sont d’ailleurs toujours utilisées dans l’industrie, tant au Québec qu’à l’étranger.

Après ce détour américain fort productif, il revient à l’Université Laval comme professeur en 1996. En continuité, il y poursuit ses travaux visant à mieux comprendre la diversité, la biologie et l’évolution des phages. Il utilise alors une approche intégrative en recourant à de multiples technologies. En 1999, il publie un premier génome d’un phage infectant une autre bactérie laitière, Streptococcus thermophilus. Quelques années plus tard, il publiera la première cartographie transcriptionnelle phagique découlant de l’utilisation de puces à ADN ainsi que la caractérisation de plusieurs protéines phagiques. Ces outils seront cruciaux pour une découverte ultérieure majeure.

En 2007, Sylvain Moineau et ses collaborateurs font la démonstration de la présence, chez les bactéries, d’un « système » immunitaire adaptatif leur permettant de se défendre contre les phages. C’est ici qu’entre en jeu le désormais célèbre CRISPR-Cas. Cet acronyme est tiré de l’anglais : Clustered regularly interspaced short palindromic repeats. Il s’agit de séquences d’ADN répétées qui sont séparées par des séquences d’ADN variables retrouvées dans le génome de certaines bactéries. Ces régions variables proviennent, entre autres, de génomes de phages et représentent une mémoire des infections virales passées. Remarquablement, les bactéries utilisent cette « mémoire » pour se défendre contre des infections virales subséquentes. Ces étapes dépendent de protéines appelées Cas, dont leurs gènes sont généralement situés à proximité des séquences CRISPR. Une de ces protéines est l’enzyme Cas9, une sorte de ciseau moléculaire, qui permet à la bactérie de découper l’ADN du phage.

À partir de ce point, Sylvain Moineau enchaîne les découvertes, approfondissant la connaissance de ce mécanisme. En 2008, il démontre la nécessité d’un motif dans l’ADN qui est absolument nécessaire pour la fonctionnalité du système. En 2010, il prouve que, pour ce faire, le système CRISPR-Cas coupe l’ADN de façon très précise. Puis, en 2013, il remarque que ce système peut être amélioré en le combinant à d’autres systèmes bactériens de défense contre les phages. En 2014, il montre que ce système peut même utiliser des virus défectueux pour créer une immunité contre les phages. Il découvre ensuite, en 2017, des protéines de phages capables de bloquer CRISPR-Cas.

L’ensemble de ces découvertes a joué un rôle majeur dans le développement de la technologie d’édition de génome appelé CRISPR-Cas9. Cette technologie révolutionnaire est désormais utilisée dans de nombreuses recherches visant le traitement de maladies allant de l’hémophilie au cancer, en passant par la dystrophie musculaire et le sida. Par son rôle fondamental dans cette révolution moléculaire, Sylvain Moineau intervient régulièrement dans les médias et auprès des institutions publiques afin d’expliquer cette technologie.
Parallèlement à ces travaux de nature fondamentale, le chercheur a toujours poursuivi ses collaborations avec l’industrie. Depuis 20 ans, par exemple, il soutient la coopérative Agropur dans sa lutte face à l’émergence de nouveaux phages lors de la fabrication de fromage.

À cela s’ajoute sa fonction de conservateur du Centre de référence pour les virus bactériens Félix d’Hérelle qu’il occupe depuis 2003. Ce centre, affilié à l’Université Laval, possède la plus grande collection publique de phages de référence au monde et a fourni en « microbes » plus de 220 laboratoires dans une trentaine de pays, et ce, seulement au cours des cinq dernières années.
Sylvain Moineau est également très engagé en matière de formation. En plus de superviser un grand nombre d’étudiants aux cycles supérieurs, il est directeur depuis 2002 du certificat en biotechnologie de l’Université Laval, un programme offert en partenariat avec le Cégep de Lévis-Lauzon.

Entre recherche fondamentale et recherche appliquée, administration et enseignement, Sylvain Moineau est plus que jamais actif sur de nombreux fronts. Que les phages et autres obstacles se le tiennent pour dit.