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Nicolas Mansuy - Concours de vulgarisation - 2010
Lauréat

Nicolas Mansuy

RNCAN - Ressources naturelles Canada

L'or véritable ne craint pas le feu

Source : Nicolas Mansuy
Forêt d'épinettes noires au nord de Baie-Comeau.

Le feu, une perturbation bienfaisante

Le feu se manifeste chaque été, quand les précipitations diminuent et que le mercure grimpe. L’allumette, c’est la foudre, responsable de plus de 80 % des superficies brûlées. Paradoxalement, le feu revêt une importance capitale pour la santé et le renouvellement de la forêt boréale. Il nettoie la forêt en consumant feuilles, grumes, aiguilles et autres bois en décomposition. Aussi, certaines espèces comme le pin gris ou l’épinette noire ont besoin du feu pour libérer leurs graines et assurer ainsi le cycle de reproduction. Après le feu, les cendres riches en éléments nutritifs fertilisent le sol et permettent aux plantes de croître à nouveau. La boucle est bouclée. Cependant, la situation peut se compliquer lorsque les superficies brûlées excèdent leur moyenne saisonnière.

L’ami devient ennemi juré

Lorsque la forêt brûle, des quantités variables de carbone contenu dans la biomasse sont relâchées directement dans l’atmosphère : dioxyde de carbone (CO2), monoxyde de carbone (CO), méthane (CH4) et oxydes de nitrogène, des gaz à effet de serre puissants. En moyenne, 2,6 millions d'hectares brûlent tous les ans au Canada, rejetant 34 millions de tonnes de CO2  dans l’atmosphère. Dépendantes des conditions météorologiques estivales, les superficies brûlées varient grandement d’une année à l’autre et influencent directement les émissions de carbone. Si 2008 et 2009, avec leurs étés pluvieux, ont offert au Québec de petites années de feu, 2002 au contraire, a été un grand cru. En l’espace du seul mois de juillet, 150 incendies ont relâché 39 millions de tonnes d'équivalent CO2. Ce chiffre est comparable aux émissions annuelles de carbone provenant du secteur des transports au Québec. Qu’adviendrait-il alors si les années de grands feux devenaient la norme?

Le feu réchaufferait-il le climat?

Aujourd’hui, plusieurs travaux suggèrent que le rôle des feux de forêts dans le processus de réchauffement climatique serait sous-estimé. En fait, les feux sont à la fois une cause et une conséquence du changement climatique. Cause dans le sens où ils relâchent de grandes quantités de CO2 et de poussières, participant ainsi à l’augmentation des GES dans l’atmosphère. Et conséquence, car le réchauffement climatique est attendu pour favoriser des conditions plus sèches et rendre les incendies plus fréquents. De surcroit, l’augmentation des superficies brûlées pourrait réduire le stockage de carbone en diminuant la biomasse vivante, grande consommatrice de carbone. En intégrant la dynamique des perturbations naturelles telle que le feu, la forêt boréale deviendrait-elle une source de carbone?

Maintenir un bilan positif

En tenant compte des processus naturels et des activités humaines, notamment la coupe forestière, les scientifiques ont cherché à savoir si la forêt boréale se comportait comme un puits ou une source de carbone. Le verdict est tombé. Malgré son potentiel de séquestration, les modèles théoriques suggèrent que la forêt pourrait devenir une source de carbone dans le futur. C’est principalement l’augmentation des superficies brûlées combiné aux épidémies d’insectes qui expliqueraient ce bilan négatif. Faut-il en conclure que la forêt boréale n’a pas un rôle à jouer dans la mitigation des GES? Bien au contraire! La communauté scientifique est sur le pied de guerre, prête à tout pour que les coffres de la banque de carbone ne désemplissent pas. L’idée est simple. Il s’agit de faire en sorte que le carbone, présent en abondance dans l’écosystème forestier, y reste le plus longtemps possible. Outre la lutte contre les incendies, les chercheurs réfléchissent à des nouvelles stratégies d’aménagement comme l’allongement des rotations de coupes, la conservation des vieilles forêts, la remise en production de territoires dénudés ou encore l’augmentation de la durée de vie des produits de la forêt. Conserver le carbone en aménageant la forêt est un élément important de l'équation climatique, mais c’est aussi un vrai défi qui commence. La banque de carbone est loin d’être dévalisée...