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Marie-Pierre Baron, Université du Québec à Chicoutimi

C’est bien connu, la recherche en éducation doit trouver écho dans les milieux, mais pour cela, il ne faut pas faire que de la recherche à propos des classes, mais plutôt AVEC elles. C’est donc par cette volonté de faire autrement et de travailler en collaboration avec les professionnels des milieux, que les professeur(e)s du Département des sciences de l’éducation (DSE) de l’UQAC ont créé, en 1998, le Consortium régional de recherche en éducation (CRRE). C’est riche de cette instance régionale qui offre non seulement un financement pour effectuer de la recherche, mais aussi une expertise singulière en recherche participative, que, près de 20 ans plus tard, l’idée de se mobiliser à nouveau autour d’un projet structurant est venue : la création  d’une nouvelle revue scientifique en éducation.  

DC _ PerronInitialement, le Consortium désirait répondre aux besoins des milieux scolaires et créer un réel espace de collaboration entre les chercheurs et les praticiens en utilisant la recherche. « Le CRRE innovait de par sa visée de développement d’une culture de recherche avec les milieux de pratique en éducation. […] En intégrant les acteurs au processus de recherche, il favorisait la circulation des connaissances générées conjointement par les chercheurs et les praticiens »1. Le développement professionnel y est ainsi devenu partie prenante et a permis de structurer la recherche en éducation à l’UQAC . Grâce à l’implication en temps et en financement des différentes parties - université, commissions scolaires, instances régionales et professionnels de tous ces milieux, le regroupement s’est bien implanté dans le milieu.

« La valeur ajoutée du CRRE tient plus particulièrement à sa visée d’accompagnement des pratiques professionnelles, grâce à sa capacité éprouvée à travailler en synergie avec les décideurs, les chercheurs et les praticiens, ce qui a contribué à assurer, au fil du temps, la pérennité du lien entre les chercheurs de l’UQAC et les milieux scolaires du Saguenay-Lac-Saint-Jean », Dumoulin et Courcy, 2017, p.15

C’est de cette volonté de créer et de solidifier les ponts entre la recherche et la pratique qu’a pris forme la ligne éditoriale de la Revue hybride de l’éducation (RHÉ), une revue scientifique en libre d’accès. L’obtention, par le DSE, d’une subvention d’aide aux petites universités du CRSH a permis au projet de la RHÉ, en 2017, de se concrétiser en publiant un premier numéro thématique : « La transformation des pratiques en collaboration avec les milieux scolaires du Saguenay-Lac-Saint-Jean depuis la fin des années 1990 ». La RHÉ propose de démocratiser la recherche en éducation en créant un espace de discussion ouvert entre les chercheurs et les praticiens, et ce, en lien avec la philosophie faisant la renommée du CRRE. C’est une revue qui fait valoir les différents possibles de la collaboration pour s’engager dans une démarche de transformations des pratiques. Le caractère original de la RHÉ découle de sa dimension « hybride », puisque se côtoient, sous la même enceinte, des initiatives issues de projets de recherche (articles scientifiques), ainsi que des initiatives pédagogiques issues des milieux de pratique (articles professionnels).

La RHÉ compte trois rubriques répondant à différentes missions. La première, Milieu de recherche, rend compte des démarches et des résultats de recherche de chercheurs universitaires et respecte les normes éditoriales des articles scientifiques. Étant donné qu’un lectorat diversifié est envisagé et que le transfert avec les milieux scolaires est visé, chaque article scientifique est accompagné d’un court texte résumant et vulgarisant les propos. La deuxième rubrique, Milieu de pratique, présente des articles « professionnels » écrits par des acteurs des milieux scolaires accompagnés de chercheurs universitaires. Les articles peuvent témoigner de projets éducatifs novateurs, de réflexions théoriques, de transfert des connaissances ou de toute autre initiative pédagogique favorisant le développement des pratiques éducatives. La dernière rubrique, Place à la relève, offre un espace aux étudiants de cycles supérieurs pour présenter leur projet de recherche, en cours ou terminé, ainsi que différentes actions ou réflexions contribuant à leur démarche de formation scientifique. Cette rubrique est une occasion de faire ses premières armes dans le domaine de la publication scientifique.

Au-delà du produit fini…

Avoir l’audace (ou la prétention) d’innover en présentant un format de revue différent soulève certains enjeux et nécessite beaucoup d’engagement de la part des acteurs derrière le projet, notamment en ce qui a trait au financement, au temps et à l’implication. D’une part, bien que le format numérique permette de réduire les frais encourus, il n’en demeure pas moins que tout projet nécessite du financement et que celui-ci, dans le domaine de l’éducation, vient plus difficilement de partenaires privés. Cela nécessite donc une implication financière des institutions publiques, appui sur lequel nous pouvons, fort heureusement, compter. D’autre part, la mise en marche, la coordination et la publicisation nécessitent beaucoup de temps : denrée rare pour la professeure en début de carrière que je suis. Finalement, l’implantation et la faisabilité d’un projet de cette envergure nécessitent un comité scientifique impliqué, un coordonnateur (rémunéré) qui a une expérience dans le domaine de la publication, ainsi que des professionnels assurant la révision linguistique (eux aussi rémunérés).

Sur une note personnelle, plusieurs défis organisationnels, qui m’étaient jusque là inconnus, reliés au monde de l’édition – la recherche d’arbitres, la collaboration avec les rédacteurs invités ou même apprendre à vivre au rythme de l’édition – présentent un rythme différent de mon biorythme de professeure-chercheuse. Qui plus est, solliciter les professionnels des milieux scolaires à écrire est une excellente idée, mais, dans sa concrétisation, il s’agit d’un défi de taille. Cela soulève des problèmes tels que le manque de temps des acteurs scolaires, leur surcharge de travail, ainsi que le fait que le partage par l’écriture ne fait pas nécessairement partie de la culture des milieux de pratique. Ce type d’initiative, bien qu’encouragé,  n’est pas nécessairement valorisé, encore moins priorisé.

Malgré ces enjeux, la volonté de faire rayonner, dans l’espace francophone, la transformation des pratiques dans le domaine de l’éducation est forte. La RHÉ désire participer aux changements en permettant à tous les acteurs de l’éducation de partager l’information en libre accès et de collaborer entre les milieux  qui sont par nature interdépendants. C’est d’ailleurs le pari que nous faisons pour le prochain numéro régulier pour lequel des entrevues ont été réalisées auprès de praticiens et pour les numéros thématiques à venir où non seulement des chercheurs, mais aussi des professionnels des milieux scolaires feront partie des rédacteurs invités. Le vent tourne dans le domaine de la publication et il est temps de faire plus que de parler de la complémentarité des milieux de pratique et de recherche en éducation. Il est temps de faire des actions concrètes, de créer des plateformes démocratiques où tous sont sollicités à contribuer et où chaque type de contribution est considéré.

Références :

  • Dumoulin, C. et Courcy, J. (2017). Analyse transversale des projets de recherches participatives réalisées au Consortium régional de recherche en éducation entre 1998 et 2016. Revue hybride de l’éducation, 1(1). 14-29. https://doi.org/10.1522/rhe.v1i1.7
  • Minier, P. et Allaire, S. (2017). Le développement d’une culture de recherche participative par le Consortium régional de recherche en éducation. Revue hybride de l’éducation, 1(1). 1-13. https://doi.org/10.1522/rhe.v1i1.6
  • 1Minier et Allaire, 2017, p.5

  • Marie-Pierre Baron
    Université du Québec à Chicoutimi

    Marie-Pierre Baron est professeure au département des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Chicoutimi depuis 2014. Elle est directrice de la Revue hybride de l’éducation et de la Clinique Universitaire d’Orthopédagogie de l’UQAC où elle s’intéresse au développement langagier des élèves en difficulté et au développement de l’identité professionnelle des futurs orthopédagogues.

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