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Carole Miéville, Université de Montréal
Dans ce projet de recherche, nous avons supposé que, chez les personnes ayant eu un AVC, la vitesse de marche, l’asymétrie de leurs pas et la gestion de l’équilibre étaient un compromis pour assurer leur stabilité.

[Ce texte est parmi les trois lauréats 2015 du Concours de vulgarisation de la recherche de l'Acfas, parrainé par le Secrétariat à la politique linguistique du Québec].

Si, du jour au lendemain, vous n’avez plus qu’une seule main et une seule jambe qui fonctionnent correctement, boutonner votre chemise ou vous demander quel pied poser en premier sur l’escalier mécanique deviendra des missions presque impossibles. C’est pourtant ce qui arrive aux 50 000 Canadiens qui subissent chaque année un accident vasculaire cérébral (AVC). Toutes les dix minutes au Canada, quelqu’un voit s’interrompre le flux sanguin dans une zone de son cerveau causant la mort d’un grand nombre de ses neurones.

Les personnes touchées par un AVC ont perdu la fonction de la moitié de leur corps et ont des muscles plus faibles, ce qui rend leur marche asymétrique, avec un pas plus long d’un côté que de l’autre, leur vitesse de déplacement plus lente et leur équilibre précaire. Ces personnes se trouvent alors limitées dans des tâches aussi simples que traverser la rue. Mais voici un exemple pour mieux illustrer ces propos : les feux pour piétons à Montréal sont réglés pour qu’un individu marchant à 1,1 mètre par seconde (m/s) puisse traverser la rue en sécurité. Cependant, les personnes ayant eu un AVC ont, en moyenne, une vitesse de marche de 0,8 m/s ; en outre, elles n’ont pas toujours la capacité d’accélérer. De plus, elles ont des difficultés à gérer plusieurs tâches simultanément, telles que marcher, surveiller la circulation ou démarrer au moment où le feu devient vert.

Comme l’équilibre de ces personnes est plus précaire dans ces situations et que 90% des chutes surviennent lors de la marche, le risque de chutes est alors majoré avec des conséquences graves, telles qu’une fracture de la hanche.

Quantifier et identifier pour mieux rééduquer

Les objectifs de réadaptation visent, entre autres, à faire marcher les personnes qui ont eu un AVC plus rapidement et plus symétriquement. Mais on ne connaît pas l’impact de ces changements sur leur équilibre : cela augmente-t-il le risque de chutes ou non? Quantifier, dans un environnement contrôlé – soit lors de la marche sur un tapis roulant –, l’équilibre des personnes ayant eu un AVC est donc nécessaire pour comprendre comment elles gèrent celui-ci dans leur quotidien et dans des situations à fort risque de chutes. Identifier les stratégies de maintien de l’équilibre qu’utilisent les personnes après un AVC permettra de développer des interventions spécifiques en physiothérapie pour améliorer leur stabilité.

Être en équilibre

Avant de passer aux résultats de ce projet de recherche, un rappel de ce qu’est « être en équilibre » s’impose. Le centre de masse, ou centre de gravité est le point d’application des forces maintenant l’équilibre. En position debout, les bras le long du corps, le centre de masse se situe environ à la hauteur du nombril. Nous sommes stables quand le centre de masse (plus précisément, sa projection) se trouve à l’intérieur de la « base de support », soit la zone délimitée par la position des deux pieds bien plantés au sol. Lorsque nous marchons, le centre de masse sort à chaque pas de la « base de support », mais nous avons les capacités de le ramener à l’intérieur de cette zone, par exemple en utilisant la force des muscles. Pour cela, nous accélérons et freinons le déplacement du centre de masse, tout en le repositionnant à l’intérieur de la base de support en alignant les différents segments de notre corps.

S’adapter pour moins chuter

Dans ce projet de recherche, nous avons supposé que, chez les personnes ayant eu un AVC, la vitesse de marche, l’asymétrie de leurs pas et la gestion de l’équilibre étaient un compromis pour assurer leur stabilité.

Les résultats ont confirmé cette hypothèse : cela signifie donc que, spontanément, ces personnes marchent lentement et asymétriquement, ce qui leur permet de gérer leur équilibre le mieux possible, avec prudence, car un risque de chutes est tout de même présent. En d’autres mots, ces personnes adaptent leur vitesse et leur asymétrie de marche pour faciliter la gestion de leur équilibre. Toutefois, étant donné les problèmes découlant de leur AVC, comme la faiblesse musculaire, elles ne peuvent pas exclure complètement le risque de chutes. De plus, lorsque ces personnes sont obligées de marcher plus rapidement ou plus symétriquement, elles ne parviennent pas à modifier leur équilibre pour être aussi stables que des individus en santé. Elles parviennent difficilement à freiner l’accélération du tronc lorsqu’elles transfèrent une partie de leur poids sur la jambe plus faible. De plus, elles rapprochent leur centre de masse du bord de la « base de support ».

Ces deux stratégies, lenteur et asymétrie,  démontrent une difficulté à gérer l’équilibre dans des situations plus complexes. Seraient-elles alors à la limite de leur capacité d’équilibre et frôlant toujours la chute, tels des funambules? Si oui, c’est probablement la raison pour laquelle, dans leur quotidien, elles marchent lentement et asymétriquement.S’entraîner pour rendre le quotidien plus sûr

Si l’on se réfère au monde du sport ou du mouvement, tout le monde est capable de lancer un dard. Pourtant, pour beaucoup d’entre nous, atteindre le centre de la cible ou même la cible est très difficile. Mais plus nous allons effectuer le mouvement de lancer, meilleure sera notre précision. Le même principe s’appliquerait pour améliorer l’équilibre des personnes qui ont fait un AVC : elles sont capables de gérer ponctuellement leur équilibre dans un contexte inhabituel, comme en marchant plus rapidement; elles atteignent donc la cible. Pour elles, le centre de la cible serait de marcher plus rapidement et plus symétriquement tout en maintenant leur équilibre durant leurs activités quotidiennes. Répéter les mêmes conditions de marche ou augmenter la difficulté en marchant beaucoup plus vite seraient des exemples de moyens pour amener les personnes touchées par un AVC à atteindre le centre de la cible. Cette intervention en physiothérapie devrait permettre d’augmenter la vitesse de marche et rendre la marche plus symétrique tout en améliorant l’équilibre. Cela reste, cependant, tout un défi à relever, et une question d’équilibre!v


  • Carole Miéville
    Université de Montréal

    « Enfant, déjà, j’étais curieuse de tout et tenais à aider mon prochain. J’ai donc décidé de devenir physiothérapeute par fascination pour l’être humain et le mouvement, mais aussi dans un but humaniste et humanitaire. Durant mes années en tant que clinicienne, les questionnements sur ma pratique et le nombre record d’incidents de chutes de mes patients m’ont poussée à me diriger en recherche pour répondre à ces questions. En Suisse, mon pays d’origine, il n’était pas possible d’effectuer une maîtrise de recherche dans mon domaine; alors, j’ai traversé l’Atlantique pour venir m’installer au Québec et remédier à cela! Ce fut le grand saut en recherche et dans la compréhension biomécanique de la marche et de l’équilibre! La quantification du rôle de l’équilibre et des différents déficits dans la marche des personnes ayant eu un accident vasculaire cérébral est au cœur de mes travaux. L’évaluation des effets des interventions des physiothérapeutes sur la marche et l’équilibre de ces personnes est également un élément essentiel qui permet de répondre à mes questions de clinicienne ».

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