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Laure de Montety, Université du Québec à Rimouski
Phyllodoce groenlandica a été décrit pour la première fois par Anders Sandoe Örsted en 1843. Ce polychète d'un beau vert métallique iridescent se retrouve dans le fleuve Saint-Laurent tout comme dans l’Arctique. Des études ont montré qu'on pouvait le repérer aux frontières de zones contaminées, suggérant une faible tolérance à la pollution.

#MagAcfas - Découvrir : D’Alien à Abyss : la faune des profondeurs de l’Arctique, par Laure de Montety, Université du Québec à Rimouski

En regardant certains films d’horreur ou de science-fiction, vous vous êtes probablement demandé de quelle imagination fertile pouvaient provenir ces organismes. Des insectes certes, mais on pourrait aussi facilement concevoir que cette distribution soit issue de la nature elle-même et plus précisément du bestiaire benthique.

L’artiste ici à l’affiche, Phyllodoce groenlandica est un ver polychète, et il appartient à la faune vivant sur et dans les sédiments marins que l’on appelle le benthos.

Ben quoi?

Le benthos, du grec ancien signifiant « profondeur », est constitué de nombreux phylum (embranchement) parmi lesquels on peut citer les vers marins (annélides) dont font partie les polychètes, les mollusques, les étoiles de mer (échinodermes) et les crustacés (arthropodes). Il est principalement composé d’invertébrés, mais aussi des quelques phylums de vertébrés.

Le benthos est un des maillons de base de la chaîne alimentaire. De fait, c’est une source de nourriture pour les poissons, pour certains mammifères marins et pour nous (moules, homard, crabe des neiges). Leurs activités de fouissage, de construction de tubes, de déplacement sur ou dans les sédiments participent à la reminéralisation et à l’oxygénation des sédiments. De plus, leur longévité et leur faible mobilité font d’eux de bons indicateurs de l’état de santé de leur environnement.

Et donc, il y en beaucoup?

Pour la majorité d’entre nous, les baleines et les poissons constituent la principale vie des océans. Regroupant moins de 1 % des espèces, ils n’en sont cependant que la partie visible de l’ iceberg des espèces marines.

De 2000 à 2010, le Census of Marine Life a mené des recherches pour connaître et évaluer la diversité, la distribution et l’abondance de la vie marine. Les conclusions de ce projet mondial ont démontré le besoin urgent d’évaluer la biodiversité benthique actuelle afin de pouvoir surveiller et évaluer les effets des changements climatiques et leur impact anthropique afin de mieux gérer les ressources marines quant à l’utilisation grandissante du milieu.

Au Canada, le réseau CHONe, Canadian Healthy Ocean Network a pour objectif d’augmenter les connaissances sur la biodiversité marine des trois océans canadiens afin de développer des directives scientifiques pour la conservation et l'utilisation durable des ressources marines. Les résultats de la compilation des données disponibles pour l’océan Arctique montrent qu’environ 53 m² des fonds marins ont été échantillonnés1. Pour comparaison, les eaux territoriales canadiennes de cette zone représentent 2 000 000 km²… D’autres études récentes montrent que selon les régions considérées (du Canada à la Russie) il resterait de 26 à 52 % d’espèces à découvrir2 dans cet océan.

Les conditions climatiques extrêmes ont permis à l’Arctique de demeurer un milieu relativement protégé. Avec les changements climatiques, la diminution de la couverture annuelle de glace et l’allongement de la période d’eau libre amènent les problématiques de l’apparition du trafic maritime (introduction d’espèces non indigènes) ainsi que de l’exploitation des hydrocarbures (destruction d’environnement). Peu de données de références documentant les conditions actuelles de cet écosystème existent.

Et vous les ramassez comment?

Pour compléter les données existantes, des projets de recherche sont financés. Les spécimens du présent papier ont été récoltés durant les missions estivales du réseau ArcticNet à bord du NGCC Amundsen ainsi que lors du projet BREA, Beaufort Sea Regional Assessment (6). L’objectif de ces deux réseaux est d’étudier l’impact des changements climatiques dans l’Arctique canadien en général pour ArcticNet et en particulier dans la mer de Beaufort pour BREA où se trouvent les zones potentielles d’exploitation d’hydrocarbures.

Diverses méthodes sont utilisées pour l’échantillonnage: chalut, carottier à boîte ainsi que photos et vidéos. Des taxonomistes et parataxonomistes identifient par la suite tous les organismes à la plus basse échelle taxonomique possible. Il existe également un réseau d’observatoires sous-marin, dont celui à Cambridge Bay (Nunavut), qui permet d’aller voir en direct ce qui se passe sous les eaux de l’Arctique et ce même en plein hiver lorsque la banquise est présente. C’est une première!

Références :

 

  • 1. Archambault P, Snelgrove PVR, Fisher JAD, Gagnon J-M, Garbary DJ, et al. (2010) From Sea to Sea: Canada's Three Oceans of Biodiversity. PLoS ONE 5(8)
  • 2. Piepenburg D., Archambault P., Ambrose J.W., Blanchard A., Bluhm B., Carroll M., Conlan K., Cusson M., Feder H., Grebmeier J., Jewett S., Lévesque M., Petryashev V., Sejr M., Sirenko B., Wlodarska-Kowalczuk M. 2011. Towards a pan-arctic inventory of the species diversity of the macro-and megabenthic fauna of the arctic shelf seas. Marine biodiversity. 41 (1): 51-70.

  • Laure de Montety
    Université du Québec à Rimouski

    Laure de Montety est détentrice d’une maîtrise en océanographie biologique de l’UQAR-ISMER. Depuis 2006 elle travaille en tant que para-taxonomiste avec le Dr Philippe Archambault, d’abord à l’Institut Maurice Lamontagne (MPO) puis au laboratoire d’écologie benthique à l’UQAR. Ces trois dernières années, elle a participé au projet BREA en tant que responsable de l’identification des organismes benthiques. Les photos de cet article ont été produites par l’auteure dans le cadre du projet BREA.

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