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Armande Saint-Jean, Université de Sherbrooke
Une meilleure gouvernance doit s’appuyer sur la mobilisation collective face à des enjeux fondamentaux et non pas favoriser une concentration des pouvoirs qui mènerait à une négation de la mission fondamentale de l’université.

Il est de bon ton, par les temps qui courent, de parler de gouvernance dans les universités. Cet engouement soudain cache pourtant des motivations et des enjeux fort divers. S’il est louable de s’interroger sur la façon dont sont partagés devoirs et pouvoirs à l’intérieur de nos établissements, on doit cependant s’inquiéter d’une propension à vouloir imposer aux institutions de haut savoir des objectifs de rendement, d’efficacité et, pire encore, de rentabilité, souvent calqués sur le modèle de l’entreprise privée. En somme, les débats sur la gouvernance ne touchent pas uniquement la bonne marche des choses à l’intérieur de nos murs, mais recouvrent également des velléités de mainmise sur l’orientation et le fonctionnement des universités.

Bien sûr, les fiascos immobiliers et les rêves mégalomaniaques de l’une ou l’autre d’entre elles ont eu pour effet de dramatiser le contexte. Le bon peuple s’inquiète, le gouvernement s’interroge; on cherche une solution miracle. Il devient tentant d’accueillir comme une planche de salut le rapport du groupe de travail sur la gouvernance des universités du Québec, produit sous l’égide de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques. Au-delà du prestige de l’équipe qui l’a signé, et même s’il propose certaines pistes intéressantes, le rapport Toulouse, comme on l’appelle, doit être soumis à une lecture critique. Sous prétexte de progrès, on y avance une palette de propositions variées auxquelles il est difficile d’adhérer en bloc, tout comme aux prémisses qui les sous-tendent. Pourquoi faudrait-il alors en faire une bible en la matière?

Dans ce débat sur la gouvernance pointent certains risques de dérive qui nous menacent dangereusement. Prenons seulement le plan sémantique : le glissement est malheureusement déjà commencé et s’amplifie chaque fois qu’on associe les étudiants, qui sont la raison d’être des universités, à une « clientèle ». De là à entrer de plain-pied dans l’univers commercial du « service à la clientèle », du « marketing », du « rapport fournisseur-consommateur » et, pourquoi pas, du « contrôle de la qualité », il n’y a qu’un pas… vite franchi! Nul doute que les institutions de haut savoir y perdent un peu de leur  réputation, quand ce n’est pas leur « image de marque » qui s’en trouve abîmée.

Il est très dangereux de réduire toute l’activité universitaire à une seule logique, celle de l’économie de marché.

Il est aussi très dangereux de réduire toute l’activité universitaire à une seule logique, celle de l’économie de marché. Dans le domaine des finances, par exemple, on ne déplorera jamais assez le désengagement scandaleux des gouvernements depuis une dizaine d’années. Or, en cette ère de sous-financement caractérisé, quel sens prend un objectif d’équilibre budgétaire, et encore plus de rentabilité (!), quand la gestion financière se résume trop souvent à un exercice de survie, ni plus ni moins? Au nom de quel impératif les universités deviendraient-elles des machines à sous et à profits?

Seuls quelques grands principes devraient prévaloir en matière de gouvernance. Le récent exercice de révision des Statuts à l’Université de Sherbrooke nous a permis d’en confirmer la pertinence.  Évoquons-les brièvement.

  • Liberté et autonomie sont nécessaires pour préserver l’indépendance de l’université, en particulier face aux tentatives d’ingérence des pouvoirs publics et aux assauts du capital privé. Seule l’université doit déterminer son orientation et choisir les façons de remplir sa mission.
  • La collégialité implique les consensus, la participation de la collectivité universitaire et passe par l’indispensable communication. Elle est garante de la confiance que doivent partager tous ceux et celles qui participent à la gouvernance.
  • Imputabilité et efficacité sont des obligations qui découlent de l’exercice de fonctions empreintes de responsabilités et de pouvoirs. Elles doivent se répercuter dans toutes les structures mises en place, tout en ménageant des espaces de créativité afin d’éviter de s’enferrer dans des règles et des procédures rigides.

Pour que la gouvernance ne devienne pas un fourre-tout commode et encore moins une foire d’empoigne où tous les coups seront permis, il semble important de réfléchir collectivement à l’urgence d’ajuster nos modalités de fonctionnement aux nouvelles exigences et aux contraintes qui sont apparues ces dernières années. Une meilleure gouvernance doit s’appuyer sur la mobilisation collective face à des enjeux fondamentaux et non pas favoriser une concentration des pouvoirs qui mènerait à une négation de la mission fondamentale de l’université.


  • Armande Saint-Jean
    Université de Sherbrooke

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